En ce 3 mai a lieu la journée mondiale de la liberté de la presse. Celle-ci a été lancée en 1993 par les Nations unies. Face à la situation préoccupante de cette liberté, Reporters sans frontières réclame la création d'un protecteur onusien des journalistes.
«
Une année exceptionnelle pour la censure ». C’est le titre de la
nouvelle campagne de Reporters sans frontières, lancée à la veille de cette édition de la journée mondiale de la liberté de la presse. Car en ce 3 mai 2016, les médias et leur liberté d’expression ne sont toujours pas accueillis à bras ouverts par de nombreux pays.
Cette campagne pointe du doigt douze chefs d’Etat, qu'elle met en scène en train de célébrer leur victoire contre la liberté de la presse. En ligne de mire : les dirigeants de l’Arabie Saoudite, de l’Erythrée, de l’Azerbaïdjan, de l’Egypte, de la Thaïlande, de la Turquie, de la Corée du Nord, de l’Iran, du Venezuela, du Burundi, de la Russie et de la Chine.
Elle fait suite à la publication du
dernier rapport de l'organisation sur l’état de la liberté de la presse dans le monde, le 20 avril 2016. Il souligne les difficultés rencontrées par les journalistes dans le monde et, plus particulièrement, dans ces douze pays. RSF publie chaque année depuis 2002 son Classement mondial de la liberté de la presse. Il est établi grâce à un questionnaire proposé en vingt langues à des experts du monde entier, explique l’organisation sur son site.
« Paranoïa contre l'exercice légitime du journalisme »
Ce rapport 2016 note une «
dégradation profonde » de la liberté de la presse dans le monde. «
Il est malheureusement notable que de très nombreux dirigeants dans le monde développent une forme de paranoïa contre l’exercice légitime du journalisme », a déclaré dans ce cadre Chistophe Deloire, le secrétaire général de RSF.
L'état de la liberté d'expression dans les différentes régions du monde est passé en revue dans le rapport. Parmi elles, l’Afrique compte le dernier classé (sur un total de 180 pays) : l’Erythrée. Cet Etat était déjà en queue de classement en 2014 et en 2015. La Soudan du Sud souffre pour sa part de la pire évolution sur le continent : il perd quinze places comparé à l'année précédente. Il se situe aujourd’hui au 140
erang. Ces évolutions se dessinent sur fond de conflits armés et de crises politiques. Ainsi, l’organisation souligne qu’au Burundi, «
l’obstination présidentielle a entraîné la destruction des principaux médias indépendants du pays et l’exil de plus d’une centaine de journalistes. » À noter, le rang de la Namibie (17
e du classement), dont la Constitution garantit la liberté de la presse et où les journalistes vivent plutôt en sécurité dans un paysage médiatique pluraliste, indique RSF.
La région du monde où la presse est la plus libre est l’Europe. Pourtant, deux écueils sont pointés sur le vieux continent : le vote de lois régissant durement les médias en Pologne et en Hongrie font chuter ces pays au classement. Mais c’est aussi l’existence de grands groupes de propriétaires de médias qui peut faire diminuer l’indépendance de l’information. Ainsi, RSF souligne qu’en France, la grande majorité des médias privés à vocation nationale sont possédés par «
une poignée d’hommes d’affaires ayant des intérêts extérieurs au champ des médias ». L’organisation rappelle en outre que c’est à Paris qu’au eu lieu l’attaque contre
Charlie Hebdo…
► Retrouver notre dossier consacré aux attentats contre Charlie HebdoVers un « protecteur des journalistes » à l'ONU ?
Face à la situation générale d’une régression de la liberté d’informer dans le monde, qu’est-il possible de faire ? Fin avril,
plusieurs organisations ont lancé un appel «
pour la création d’un représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies pour la sécurité des journalistes ». L’idée de ce «
protecteur des journalistes » est due à RSF. Elle vise à intégrer dans le droit international la «
lutte contre l’impunité » dans le cas de crimes commis à l’encontre des journalistes. Christophe Deloire, le secrétaire général de l’organisation,
soulignait en novembre dernier que «
plus de 9% des crimes commis contre les journalistes dans le monde ne sont jamais élucidés ».
RSF a réitéré sa proposition
ce lundi 2 mai, lors d’une soirée «
hommage aux héros de l’information ». Etaient entre autres présents des journalistes - ou leurs proches pour ceux qui sont emprisonnés ou interdits de quitter le territoire national - issus de pays où la situation est particulièrement préoccupante. Notamment : Antoine Kaburahe, le directeur de l’hebdomadaire privé
Iwaçu, dernier média indépendant à paraître au Burundi, Lotfullah Najafizadeh, directeur de la chaîne de télévision afghane
Tolo News - en janvier 2016, un attentat taliban y a tué sept journalistes… - et l’épouse de Can Dündar, directeur de la publication du quotidien turc laïc et progressiste
Cumhuriyet - il risque la prison à vie pour avoir révélé l’existence de livraisons d’armes des services secrets turcs à des groupes islamistes syriens - lauréat du prix pour la liberté de presse remis conjointement par RSF et TV5MONDE en novembre dernier.
Selon RSF, 787 journalistes et collaborateurs de médias ont été tués depuis 2005 en raison de leurs fonctions.