Fil d'Ariane
Confinement dès l'apparition de cas, filtrage drastique aux frontières … la stratégie « zéro Covid » a longtemps été présentée comme la meilleure arme pour lutter contre le Covid-19. Son application très restrictive a cependant eu raison de la plupart des pays qui l’avaient adoptée en premier lieu, et qui ont fini par l’abandonner. La Chine reste le dernier pays à l’appliquer.
Chengdu à son tour confinée. Dans cette ville de 21 millions d'habitants, l'une des plus grandes de Chine, plusieurs millions de personnes ont reçu l'ordre de rester chez elles jusqu'à nouvel ordre, après la découverte de 150 nouveaux cas positifs au Covid le 2 septembre.
À Canton, grande métropole chinoise au sud de la Chine, des centaines de vols ont été annulés et un dépistage de six millions d’habitants a été lancé après la découverte… d’un seul cas suspect de Covid-19. À Shanghai, la stratégie « zéro Covid » redéployée depuis un mois provoque l’exaspération des habitants enfermés, parfois de force, chez eux.
Voir aussi : Chine : à Shangai, la population confinée est à bout de nerfs
Si cette stratégie permet d’enrayer significativement la propagation virale, est-elle la plus efficace face une pandémie qui perdure depuis plus de deux ans et a généré un cinquième variant ?
La stratégie « zéro Covid » est de loin la plus restrictive. Dès l’apparition de premiers cas, il implique d’imposer en premier un confinement très strict pour empêcher l’apparition de nouveaux cas. Plusieurs leviers peuvent être ensuite actionnés comme la fermeture des frontières, le traçage de tous les déplacements ou encore l’application du dispositif « tester, tracer, isoler » (TTI).
Au début de la pandémie, une majorité des pays du Pacifique avaient fait le choix de suivre la Chine et de l’appliquer comme la Nouvelle-Zélande, l’Australie, Singapour ou encore Taïwan. Les résultats étaient par ailleurs probants en comparaison à d’autres États qui avaient, a contrario, opté pour une politique de « libre circulation » du virus.
Depuis le début de la pandémie, on observe que les taux de mortalité hebdomadaires ont été pratiquement nuls pour l’Australie et la Nouvelle-Zélande tandis que la Norvège affichait le 22 janvier 2021 un taux de plus de 6 par millions d’habitants et 94 pour la Suède !
Avec l’apparition du variant Omicron, connu pour sa contagiosité bien plus importante que les précédents variants, dès l’automne 2021, les courbes ont cependant commencer à grimper pour l’ensemble des quatre pays.
« La stratégie zéro covid s'avérait surtout efficace lors des premiers variants, beaucoup moins contagieux que le variant Omicron qui circule actuellement », estime Yannick Simonin, maître de conférence en virologie à l’Université de Montpellier. « Avec des variants hautement contagieux, c'est beaucoup plus difficile d'appliquer cette stratégie car il est beaucoup plus difficile d'empêcher la propagation du virus avec un taux de contagiosité aussi élevé », raisonne le scientifique.
Taïwan fait partie de ces pays qui ont choisi récemment d’abandonner sa politique zéro Covid. Depuis jeudi 28 avril, l’archipel enregistre plus de 10 000 nouvelles infections par jour après avoir réussi à maintenir un faible taux de contamination depuis le début de la pandémie.
Les autorités du pays ne sont toutefois pas alarmistes sur la situation. 99,7% des 51 504 cas enregistrés depuis le 1er janvier présentent pas ou peu de symptômes, a affirmé le ministère taïwanais de la Santé.
De la « libre circulation » scandinave au « zéro Covid », quelle stratégie paraitrait alors la plus concluante à long terme ? « Aucune des deux stratégies ne s'est avérée complètement efficace si on se réfère au moyen ou long terme, constate Yannick Simonin. Laisser courir la circulation virale a eu un impact hospitalier beaucoup trop important. Les pays concernés sont revenu en arrière. La stratégie zéro covid est, elle, très compliquée à tenir sur le long terme, notamment en raison de son intransigeance et de la circulation de variants de plus en plus contagieux. »
À Shanghai, ville reconfinée depuis un mois, la population est à bout. Sur les réseaux sociaux, les vidéos de résidents frappant sur leurs casseroles et leurs poêles à leurs fenêtres en criant vouloir des "provisions" sont devenues virales. Stéphane Lagarde, journaliste à RFI, parle de « révolution des casseroles » pour « réclamer de la nourriture après 28 jours de confinement. »
La révolution des #casseroles à #Shanghai. Des résidents ont lancé des appels sur les réseaux pour faire du bruit au balcon ce soir. Pas pour applaudir les soignants, mais pour réclamer de la nourriture après 28 jours de confinement. #0CovidFatigue pic.twitter.com/SSYIZcUHUS
— Stéphane Lagarde (@StephaneLagarde) April 28, 2022
Les immeubles parfois scellés, les portes cadenassés, la quarantaine forcée induite par la politique « zéro covid » crée une grogne sociale rarement vue en Chine. Les autorités invoquent toutefois le faible taux de vaccination des personnes âgées comme un des arguments empêchant tout retour en arrière.
« Sortir du "zéro covid" du jour au lendemain avec une population faiblement immunisée et une vaccination sur les populations fragiles moins efficace engendrerait forcément une forte augmentation du nombre de cas et de la mortalité associée, confirme le virologue. Par ailleurs, les vaccins utilisés en Chine ne sont pas les mêmes qu’en Europe. Ils ne fonctionnent pas avec de l'ARN messager et sont probablement d’une efficacité moindre. »
Jusqu’ici le bilan sanitaire bien meilleur que les pays occidentaux permettait par ailleurs à la Chine de légitimer sa politique du zéro Covid. Selon les chiffres officiels, le pays a comptabilisé seulement 5000 morts, alors qu’à titre d’exemple, la France en compte à elle seule 150 000.
La contagiosité d’Omicron pourrait cependant venir bouleverser ce bilan. Le géant asiatique affronte actuellement sa pire flambée épidémique depuis le printemps 2020. Dans la seule ville de Shanghai, le ministère de la Santé a annoncé plus de 15 000 nouveaux cas positifs au cours des dernières 24 heures.
Pour Yannick Simonin, « on arrive au bout de ce système ». « Le niveau de tolérance chinois était plus important que dans d’autres régions du monde mais on a l'impression qu'on arrive au bout de la capacité des habitants à supporter ces restrictions pour lesquelles on ne voit pas d'issue à court terme. Si la Chine est le dernier bastion de cette stratégie, je pense que ce ne sera plus pour très longtemps. »