Fil d'Ariane
Après plusieurs mois d'analyse d'archives, le journal américain a estimé que les paiements, versés à compter de 1825 par la première république noire de l'histoire, pour indemniser les anciens colons esclavagistes, "ont coûté au développement économique d'Haïti entre 21 et 115 milliards de dollars de pertes sur deux siècles, soit une à huit fois le produit intérieur brut du pays en 2020."
Si la publication est largement partagée et commentée sur les réseaux sociaux, un silence complet prévaut tant du côté des autorités en place à Port-au-Prince que du côté de ses opposants.
"Les politiciens haïtiens ont la fâcheuse tendance à ne fonctionner que dans le présent", a réagi lundi auprès de l'AFP l'historien haïtien Pierre Buteau.
"Les hommes et femmes politiques ne s'intéressent qu'à la lutte pour le pouvoir", déplore-t-il.
La frilosité des dirigeants haïtiens à embrasser cette cause peut également s'expliquer par l'interventionnisme occidental dans le passé récent du pays des Caraïbes.
En 2003, le président Jean-Bertrand Aristide avait fait de la question de cette dette de l'indépendance son cheval de bataille, chiffrant, au centime près, le montant perçu par la France à plus de 21 milliards de dollars.
Confronté à une insurrection armée et une révolte populaire, qui dénonçait des violations des droits humains, il est évincé du pouvoir en février 2004, sous forte pression américaine, française et canadienne.
En déclarant son indépendance le 1er janvier 1804, Haïti se retrouve au ban des nations d'un monde alors dominé par les puissances esclavagistes.
Lire : Pour Haïti et les Antilles, Napoléon est l'homme qui a rétabli l'esclavage.
Le président Pétion initie des négociations pour la reconnaissance d’Haïti en 1814. Elles durent jusqu’en 1824. Le 11 juillet 1825, le roi de France Charles X promulgue une ordonnance reconnaissant l’indépendance du pays contre une indemnité de 150 millions de francs-or.
"La façon avec laquelle pendant un siècle et demi, Haïti a dû payer à la France pour avoir voulu être libre, (...) c'est toute l'insertion internationale d'Haïti qui a été compromise", a analysé l'économiste français Thomas Piketty à la sortie, en 2019, de son livre "Capital et idéologie" dans lequel il évoque largement la problématique de la dette haïtienne de l'indépendance.