Fil d'Ariane
Vingt et un avril 2016, jour «J», tonnez hauts canons du sang bleu moderne! Le Royaume-Uni célèbre ce jeudi le 90e anniversaire d’Elizabeth II, sa reine aux mille bibis, aux centaines de sacs à main qui en font la représentante assumée du total look! Mais cela dans un contexte touchy, quand même: n’oublions pas que les Britanniques voteront le 23 juin prochain pour décider de leur avenir au sein de l’Union européenne, un référendum aux lourdes conséquences pour le royaume de Sa Très Gracieuse nonagénaire Majesté.
Alors on oublie toutes ces vulgarités en ce jour béni des dieux mais surtout des anglicans, et l’on se jette sur la presse britannique, qui multiplie depuis quelques jours les éditions spéciales consacrées à la vie de celle que le Daily Telegraph (DT) présente comme la «femme la plus célèbre au monde». Et que l’Independent, qui porte bien son nom, ne porte pas forcément aux nues comme les autres: il précise qu’elle a quand même violé son devoir de neutralité cinq fois au cours de son règne, notamment sur le référendum en Ecosse, l’arrestation du prédicateur extrémiste Abou Hamza ou encore l’apartheid en Afrique du Sud. Bon, ça ne casse pas des briques, on a beau cultiver l’indépendance d’esprit, on l’aime quand même, notre Queen.
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«Joyeux anniversaire, Majesté», écrit ainsi sobrement le DT. En citant Shakespeare, dont on célébrera les 400 ans de la disparition dans deux jours, le 23 avril – décidément, les symboles ont la vie dure: «Pour moi, charmant ami, vous ne pouvez vieillir; car, tel vous étiez quand mes yeux rencontrèrent les vôtres pour la première fois, telle votre beauté m’apparaît encore.» Beauté autoritaire, dont le prince William est bien conscient: «C’est peut-être ma grand-mère, mais c’est aussi vraiment elle la cheffe.» Buckingham Palace publie ce jeudi une série de photos prises par Annie Leibovitz qui, pourtant, avait osé qualifier la reine d'«un peu grincheuse» après une séance photo tendue en 2007, scène immortalisée dans un documentaire de la BBC.
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Grincheuse aussi sur le Brexit, Ma’am? Elle «aurait pris position pour la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne», selon Courrier international. C’est en tout cas ce qu’affirmait The Sun le 9 mars dernier, scandale parmi les scandales qu’a décortiqué Courrier international, dans le fonds de commerce du titre phare du groupe Murdoch, le journal le plus lu outre-Manche. Démenti immédiat, évidemment, mais qu’importe: la polémique a été lancée, et c’est ce qui compte dans les tabloïds britanniques.
D’ailleurs, Barack Obama sera aujourd’hui à Windsor, et il s’est promis d’en parler avec la reine, croit savoir le Guardian. Alors que le Financial Times, lui, considère comme assez «rare» qu’un président américain se mêle d’un débat interne au Royaume-Uni en lui conseillant vivement de demeurer dans l’UE, afin d’éviter les complications dans les bilatérales commerciales entre Washington et Londres.
A part ça, La Dernière Heure (DH) belge – qu’on aime bien pour son impertinence – écrit que «les journaux ne se privent pas de rappeler qu’au cours de son règne, Elizabeth a eu 62 chiens et 11 premiers ministres. Certains ajoutent qu’elle a aussi connu sept papes. Les tabloïds évoquent le record de la popularité de la reine. En 1992, l’année de tous les scandales, annus horribilis, selon les mots de la reine elle-même, un tiers des Britanniques souhaitaient qu’elle abdique. Aujourd’hui, ils sont 80% à proclamer qu’ils l’adorent.» Ah, ce flegme contradictoire et charmant!
Elisabeth II est une bonne reine. Les monarchistes ont gagné
La DH ajoute que la photo ci-dessus «a fait les délices des quotidiens londoniens: quatre générations de rois d’Angleterre réunies. La reine de 90 ans, bien sûr. Robe bleu clair. A sa droite, son fils, le prince Charles qui, à 64 ans, approche de l’âge habituel de la retraite. De l’autre côté, le prince William, 33 ans. Et le petit prince George, qui aura 3 ans en juillet et qu’on a hissé sur un bloc de mousse afin qu’il soit à la hauteur des autres.»
«Quelle grandiose grand-mère!» s’exclame le Daily Mail, qui n’a pas lésiné sur le kitsch pour célébrer l’événement. Le Daily Mirror lui emboîte le pas en mettant en évidence la photo où Lilibet pose avec ses sept (arrière-) petits-enfants. Cette image d’Annie Leibovitz (encore) représente le symbole de la pérennité de la monarchie. Elle est littéralement encensée pour sa sobriété et son côté «moi mamy normale», comme sur un tableau à l’ancienne, d’inspiration pourtant très espagnole:
On dira comme L’Obs «qu’elle a eu tout le monde à l’usure». Même le Guardian, «censé être l’organe du républicanisme britannique, en a convenu»: «Elisabeth II est une bonne reine. Les monarchistes ont gagné. Sa popularité est au sommet et la recette infaillible. Pourquoi tout le monde semble tant l’aimer?, demande-t-on naïvement à une des plus distinguées spécialistes des Royals. Et elle, d’un ton d’évidence: parce qu’elle est vieille!» Qui, en effet, «oserait reprocher quoi que ce soit» à cette dame digne qui a passé sans grand encombre du Blitzkrieg à Twitter ?
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