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La Suède dans l'OTAN : qu'est-ce que le statut de membre implique ?

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Le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg.

Le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, a déclaré que le président turc avait accepté de transmettre le protocole d'adhésion de la Suède à l'OTAN au Parlement de son pays « dès que possible ». AP/ Mindaugas Kulbis.

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Après un blocage de plusieurs mois, le président turc a donné son accord lundi 10 juillet à l’adhésion de la Suède à l’OTAN. Une fois membre, qu’est-ce que ce statut entraine pour les pays qui font partie de l’Alliance ? Récap en quatre points.

De 12 en 1949, lors de la création de l’OTAN, ils sont passés à 31. Et les pays membres de l’Organisation du traité de l'Atlantique nord devraient bientôt devenir 32, avec l’adhésion de la Suède. Le feu vert du président turc Recep Tayyip Erdogan débloque le processus pour le pays nordique. Il devrait normalement pouvoir rejoindre l’Alliance dès que la Hongrie et la Turquie auront ratifié son entrée. Qu’est-ce que ce nouveau statut de membre de l’Otan implique, en termes d’engagements et de bénéfices ?  

 

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La défense commune, le cœur de l’OTAN

L’article 5 du traité de l’Atlantique nord, signé en 1949, dispose qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs parties « sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties », impliquant une assistance à apporter par chacun au(x) pays attaqué(s). Cette assistance a lieu « dans l'exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective », reconnu par l'article 51 de la Charte des Nations unies.

Pour que cet article s’applique, un consensus du Conseil de l’Otan – comme pour chacune de ses décisions – doit permettre de désigner dans cette situation ce qui représente une « attaque armée ». Chaque État peut ensuite techniquement décider quelle assistance il juge nécessaire de proposer au pays attaqué, « y compris l'emploi de la force armée ». La riposte militaire n’est donc pas systématique.

« La défense commune prévue par l’article 5, qui permet de bénéficier du soutien des autres membres, est le cœur de l’OTAN. C’est le bénéfice principal qu’on peut attendre de l’Alliance, qu’ont pu attendre la Finlande et la Suède, et qu’en attend aujourd’hui l’Ukraine. En particulier le soutien militaire des États-Unis, qui est l’allié principal », développe Elie Perot, spécialiste de l’OTAN, chercheur au Centre de sécurité, de diplomatie et de stratégie (CSDS) de la Bruxelles School of Governance.

Le chercheur appelle toutefois à faire attention à une image erronée courante sur la mise en pratique de cet engagement. « Une mauvaise conception consiste à se dire que dès que l’article 5 est déclenché, il y aura une Troisième Guerre mondiale. Or, le spectre de la défense collective que couvre l’article va d’incidents sérieux mais pas majeurs, à une guerre générale. Ça dépend des circonstances, et l’exercice de la défense est proportionnel. »

Pour donner un exemple, si les Russes, après l’adhésion de la Suède, détruisaient un bateau suédois ou tiraient un missile vers le territoire du pays, l’article 5 serait selon lui activable, mais sans nécessairement déclencher d’importantes réactions militaires générales.

En novembre 2022, le tir d’un missile sur le territoire polonais avait d’ailleurs fait planer la possibilité du déclenchement de l’article 5. Les États-Unis avaient fini par avancer qu’il était « improbable » qu’il ait été tiré depuis le sol russe, tout comme Jens Stoltenberg, le chef de l’Alliance, qui avait affirmé qu’il n’y avait « pas d'indication d'une attaque délibérée ». Ces déclarations avaient permis la désescalade de la situation, évitant aux pays de l’OTAN ce qu’ils redoutent, c’est-à-dire un conflit direct avec la Russie.

Il n’y a jamais d’automaticité dans l’emploi des forces. Chaque pays conserve quand même son autonomie.
Elie Perot, chercheur à la Bruxelles School of Governance.

« Pas d’automaticité »

Le seul déclenchement de cet article depuis l’adoption du traité a eu lieu le 12 septembre 2001, au lendemain des attentats du World Trade Center, aux États-Unis. L’OTAN déploie alors des forces navales et aériennes pour patrouiller, au titre d’une opération anti-terroriste.

Malgré ce déclenchement, l’opération militaire américaine qui a suivi en Afghanistan, en octobre, n’a pas été directement menée dans le cadre de l’OTAN. Cela illustre l’équilibre recherché par les textes de l’Alliance, entre « engagement à se défendre les uns les autres » et « souveraineté à garder par chaque État », selon Elie Perot. « Il n’y a jamais d’automaticité dans l’emploi des forces. Chaque pays conserve quand même son autonomie », rappelle-t-il.

2% du PIB pour la défense

En dehors de cet article principal, un autre vient contrebalancer l’importance du soutien militaire collectif. C’est l’article 3, qui dispose que « les parties (…) maintiendront et accroîtront leur capacité individuelle et collective de résistance à une attaque armée ». Les États s’engagent ainsi à investir dans leur propre défense, pour « se partager le fardeau et ne pas se reposer uniquement sur l’Alliance », souligne Elie Perot.

Plus précisément, lors du sommet au Pays de Galles en 2014, les pays membres de l’OTAN se sont engagés à consacrer 2% de leur PIB à leurs dépenses de défense. 20% de ces 2% devaient être dédiés au renouvellement des équipements militaires. Cet engagement, politique et non juridique, n’a depuis pas été respecté par la majorité des membres.

« Cela dépend du bon vouloir de chaque membre. Mais il y a une pression de pairs. Et il est affirmé de plus en plus ouvertement que ce pourcentage va devenir un minimum, et non un plafond », décrit Elie Perot. Jens Stoltenberg l’a de nouveau appuyé en amont du sommet de Vilnius.

Pouvoir dissuasif et coopération

Enfin, certaines obligations et bénéfices de l’appartenance à l’Alliance n’apparaissent pas explicitement dans les textes. Cela concerne en particulier les questions géopolitiques. Par exemple, la valeur protectrice et dissuasive qu’incarne la principale alliance militaire mondiale pour les pays extérieurs, en particulier la Russie, justifie l’ambition finlandaise, suédoise ou ukrainienne d’y adhérer. Au-delà de promettre une protection en cas d’attaque, le fait d’être membre de l’OTAN permet aussi de diminuer grandement pour un pays le risque d’être attaqué en premier lieu.

Elie Perot ajoute que certains bénéfices sont spécifiques en fonction des pays. « Pour des États d’Europe orientale, il n’existe pas qu’une valeur instrumentale au fait de rejoindre l’OTAN. Il y a aussi une affirmation de leur identité, de leur ancrage dans l’Occident, après avoir fait partie du bloc soviétique ».

Sans compter ce qu’il désigne comme des « bénéfices subsidiaires » pour les pays membres : le développement de la coopération, y compris en dehors du cadre de l’OTAN, la réduction des tensions entre États membres d’une même alliance, le partage de savoir-faire militaire, ou encore les exercices d’entraînement. Le plus grand exercice aérien jamais mené par l’OTAN a par exemple réuni 25 pays en Allemagne, en juin dernier.

Ces avantages pour les États restent secondaires comparés aux engagements principaux de l’OTAN. Elie Perot décrit : « Cela fait des années que la Suède coopère très étroitement avec l’OTAN, qu’elle est associée aux exercices ou au partage d’informations. Mais jusqu’ici, il n’existait pas d’obligation de défense. Ce sera le vrai gros changement. »