En Afrique, c'est le plus souvent avec un téléphone mobile - et non un smartphone - que l'on a accès à Internet. Par exemple, Google propose depuis l'été 2012 de
lire ses mails par SMS. En République démocratique du Congo ou en Côte d'Ivoire, des opérateurs vous permettent de surfer sur le web via MMS : on envoie par SMS l'adresse du site que l'on souhaite consulter, et l'on reçoit par MMS une capture d'écran.
Cela s'explique par plusieurs raisons. D'abord, le continent compte aujourd'hui trente fois plus de portables que de lignes fixes. Ensuite, la connexion Internet est inégale selon les pays et le taux d'équipement des foyers est faible : "Une connexion en wifi coûte jusqu'à 375 dollars US pour le kit de départ puis un forfait mensuel de 115 dollars US - cela alors que le salaire moyen en RDC est de 100 dollars US..." détaille Axel Gontcho, responsable du pôle web à
Radio Okapi en RDC.
Ajoutez à cela le prix exorbitant des smartphones : "Ils sont importés de Chine et coûtent donc plus cher : un iPhone vaut 1000 dollars US !" explique
Cédric Kalonji, journaliste, blogueur et consultant congolais. "En revanche, on trouve des téléphones mobiles neufs à 10 euros, et d'occasion à 5 euros. Il est courant que les gens possèdent quatre à cinq téléphones, avec les cartes SIM de chaque opérateur."
Liker sur Facebook par SMS
Une fois connecté au web, c'est en majorité sur les réseaux sociaux que se rendent les Africains. Sans surprise, le géant Facebook arrive en tête : "J'ai une connexion en 2G avec mon téléphone" raconte Axel Gontcho "Il me suffit d'activer sur Facebook la notification par SMS et je reçois un message dès que je suis tagué dans une photo ou une publication. Je peux commenter ou liker - en écrivant "j'aime" - par SMS." Un service gratuit puisqu'il est compris dans le prix du forfait. Les opérateurs téléphoniques en font même un argument de vente.
Pourquoi cet engouement pour le web social ? Outre le lien avec la diaspora africaine, c'est avant tout par besoin de s'informer répond Cédric Kalonji : "La presse est et a toujours été défaillante en Afrique. Ce n'est pas dans les journaux ou à la télévision que vous allez apprendre quelque chose." Partant du principe que l'on n'est jamais mieux servi que par soi-même, les Africains ont vite compris que ces nouveaux outils gratuits allaient leur être d'une aide précieuse. C'est donc sur Facebook ou Twitter que circule l'information "citoyenne", surtout en temps de crise, quand médias et autorités sont muets.
#drameplateau
Un des exemples les plus récents est celui de
la bousculade mortelle au stade Houphouët Boigny d'Abidjan en Côte d'Ivoire dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier dernier. L'information circule sur les réseaux sociaux, un hashtag (mot-clé) est rapidement créé sur Twitter -
#drameplateau - pour informer puis organiser l'entraide. De simples citoyens se rendent sur le terrain, au stade, à l'hôpital, dans le but de transmettre les informations les plus fiables.
Dans le même temps, à la télévision nationale, il y aura seulement un flash spécial au petit matin puis plus rien jusqu'à 13h. Intenable pour les habitants de la capitale ivoirienne qui veulent avoir des nouvelles de leurs proches.
Par leur énergie et leur acharnement, les quelques cyberactivistes - dont le blogueur Mohamed Diaby qui fait le récit de cette journée du 1er janvier
ici - réussissent même à débloquer une ligne verte (hotline gratuite) avec un opérateur téléphonique. Une opération similaire avait déjà été montée dans l'urgence lors des troubles post-électoraux en 2010, lorsque
l'entraide s'était organisée via le hashtag #civsocial.
Fibre optique
Mais si les hommes politiques africains semblent avoir compris
l'importance d'être eux-même présents sur les réseaux sociaux pour assurer leur communication, les actions citoyennes ne sont pas toujours bien vues par les autorités dirigeantes. Le 4 janvier, Mohamed Diaby et Cyriac Gbogou, autre figure du web ivoirien et de l'opération #drameplateau, se font arrêter par la police : "Ils nous ont carrément kidnappé et nous ont reproché d'interférer avec le dispositif de crise mis en place par le gouvernement." explique Mohamed Diaby. Les deux hommes seront finalement libérés plusieurs heures plus tard sans explications.
"Actuellement, les connexions Internet passent essentiellement par satellite et donc les autorités ne peuvent pas couper facilement l'accès" explique Cédric Kalonji "Seulement maintenant, c'est la fibre optique qui est en train d'être déployée. Si les autorités pourront couper plus facilement l'accès à Facebook par exemple, la qualité et la vitesse de connexion seront aussi bien meilleures qu'aujourd'hui. Et les dirigeants ont tous en tête le printemps arabe et le rôle du web et des réseaux sociaux dans leur propagation. Résultat, en RDC, les travaux d'installation de la fibre optique ont été brusquement stoppés, sans explications."
Pour le journaliste congolais, le prochain combat va être de rester libre de s'informer et d'informer : "Les réseaux sociaux sont démocratiques, et nous permettent de savoir ce qui se passe dans les pays voisins, ce qui était impossible avant." Mais Cédric Kalonji dit avoir confiance en l'avenir.
E-observateurs et E-santé
Et c'est vrai que le continent foisonne d'idées. Non contents de surfer sur les réseaux sociaux américains, les Africains ont créé les leurs, répondant précisément à leur besoins. Le plus célèbre,
Mxit, compte 10 millions de membres, presque tous basés en Afrique du sud : "Au départ c'était un simple chat" explique Cédric Kalonji "C'est devenu un réseau social sur lequel on aussi lieu des campagnes officielles sur la contraception ou le permis de conduire. Ça sert aussi de portefeuille : on achète des crédits sur le site qu'on réutilise dans les magasins en payant via son téléphone portable."
Au Sénégal, des blogueurs avaient lancé une plate-forme en vue de l'élection présidentielle,
Sunu2012 : des e-observateurs dans les différents bureaux de vote du pays rendaient compte du déroulement du scrutin et assistaient au dépouillement pour transmettre photos et chiffres en direct par mail. Au Cameroun,
Cardiopad, une tablette connectée à un téléphone portable permet de consulter un médecin à distance en transmettant ses signes vitaux. Au Kenya, surnommé la Silicon Valley africaine, l'application
M-Farm permet aux agriculteurs de connaître les cours en direct et de vendre leurs produits par SMS. Toujours au Kenya, c'est surtout
Ushahidi et son logiciel libre de cartographie de crise qui s'est fait connaître ces 5 dernières années bien au-delà du continent. L'équipe de la plus célèbre start-up made in Africa
se mobilise d'ailleurs en ce moment pour le bon déroulement des élections générales du 4 mars.