L'Allemagne est-elle encore un pays “vert“ ?

En 2011, l'accident de Fukushima a dopé la transition énergétique engagée par l'Allemagne en 2000 avec la loi sur les énergies renouvelables. Angela Merkel faisait alors le pari de fermer toutes ses centrales nucléaires d'ici 2022. Objectif : développer les sources d'énergie les plus propres possibles. Où en est la transition ? Quels choix pour l'Allemagne de demain ? Gros plan sur l'un des grands débats de la campagne de ces législatives 2013 avec Guillaume Duval, rédacteur en chef du mensuel Alternatives Economiques, et Thoralf Schapke, à la tête d'un réseau d'entreprises d'énergies renouvelables.
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L'Allemagne est-elle encore un pays “vert“ ?
“Le nucléaire ? Non merci“ Dans les années 1970, déjà, les Allemands affichaient leurs réticences à l'égard de l'énergie nucléaire.
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Atomkraft ? Nein danke !

Où en est l'Allemagne de la sortie du nucléaire ? G. Duval : Pour l'instant, la transition se passe bien. Huit réacteurs ont déjà été arrêtés, sans que l'Allemagne ne connaisse de black-out ou d'autre revers. Elle a même réussi, l'an dernier, à battre son record d'exportation d'électricité (23 TWh d'électricité exportées, contre 6,3 TWh en 2011, ndlr) notamment vers la France, où, quand tout le monde utilise le chauffage électrique, en hiver, le nucléaire ne suffit plus... Certes, il arrive que l'Allemagne achète de l'électricité produite par les centrales nucléaires françaises, mais globalement, le bilan est positif pour l'Allemagne. On a beaucoup parlé du retour au charbon pour compenser la sortie du nucléaire... G. Duval : Le plus gros de l'électricité produite en Allemagne reste issu du charbon et de la lignite - c'est une spécificité allemande. De fait, il reste d'importants gisements de ces combustibles fossiles, en particulier sur le territoire d'ex-Allemagne de l'Est ; en revanche, l'exploitation a quasiment cessé dans la Ruhr. Pour autant, on ne peut pas parler de transition par le charbon. Les Allemands prévoient de poursuivre leur transition énergétique au profit des énergies renouvelables, tout en renonçant parallèlement à recourir au nucléaire. Si certaines capacités ont été réactivées pour faire face à la demande, par exemple l'hiver dernier, qui a été très froid, la fermeture de très nombreuses centrales à charbon est programmée pour les prochaines années, sans qu'elles soient remplacées. Pour quoi les Allemands consomment-ils moins d'électricité ? Un ménage allemand consomme en moyenne 25 % d'électricité en moins qu'un ménage français. Globalement parce qu'il y a beaucoup moins de gaspillage, mais aussi parce que l'électricité est beaucoup plus chère en Allemagne. Car si les prix d'achat baissent sur le marché journalier du fait de la surproduction, ceux qui sont imposés aux clients sont plutôt à la hausse, pour financer les subventions. C'est un problème politique : les politiques de subventions aux énergies renouvelables coûtent très chères, certes, mais elles se sont révélées efficaces et ont donné un avantage compétitif considérable à l'industrie allemande dans ce domaine. Revers de la médaille : une électricité presque deux fois plus chère en Allemagne qu'en France. C'est un vrai débat Outre-Rhin. Cela mis à part, la transition est réussie.

Place au charbon

09.09.2013Par nos partenaires de France 2
En attendant que s'imposent d'autres sources d'énergie, plus propres, l'Allemagne réinvestit dans ses mines de charbon. Des villages sont rayés de la carte pour agrandir de gigantesques mines à ciel ouvert. Reportage.
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Les énergies renouvelables “made in Germany“ s'imposent-elles ?

Fin 2012, les énergies renouvelables couvraient déjà 23 % de la demande d'électricité en Allemagne, contre 17 % en 2010 ; elles devraient atteindre 80 % en 2050 - la France, elle, n'a réussi qu'à passer de 15 % à 16,4 % entre 1997 et 2012. En tête des énergies alternatives, le photovoltaïque (énergie solaire), généreusement subventionné par l'Etat allemand. Un soutien qui a incité nombre d'entreprises allemandes à miser sur l'innovation et la production. Mais depuis un peu plus d'un an, talonné par la concurrence, rattrapé par ses erreurs stratégiques et menacé par la fin des subventions du gouvernement, qui devraient prendre fin en 2018, le photovoltaïque "made in Germany" marque le pas. Le point de vue de Thoralf Schapke, à la tête d'un réseau d'entreprises d'énergies renouvelables dans le Brandenbourg, à l'Est de Berlin : "Les prix des énergies conventionnelles augmentent dans le monde entier et les matières premières sont toujours plus chères. Pour trouver des alternatives, il faut commencer tôt afin d'optimiser ses chances sur ce nouveau marché. Dans le Brandebourg, nous avons cherché de nouvelles technologies, de nouvelles industries, que l'on a pensé trouver dans la branche du solaire. Naturellement, quand on prend un tel chemin, on n’est jamais à l'abri de revers. Et il faut certainement s'attendre maintenant à un petit revers dans le domaine photovoltaïque...    Nous sommes arrivés au point où nous pouvons produire de l’électricité solaire pour environ 10 centimes. Et si nous parvenons à écouler cette électricité auprès des consommateurs, et bien on sera sur le bon chemin pour augmenter l’adhésion aux énergies renouvelables. Il est important d'appréhender les énergies renouvelables en tant que système : comment intégrer l'énergie éolienne ou solaire au réseau ? Comment développer de nouveaux modèles commerciaux ? Peut-être en décentralisant la production et la consommation ?"

Par Sophie Roussi, Eric Black et Robin Monjanel

12.09.2013Par Sophie Roussi
A Francfort-sur-l’Oder, à la frontière polonaise, hier encore, des fabricants inventaient des panneaux solaires made in Germany. Depuis, ils ont mis la clé sous la porte.
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Pellworm : un modèle d'autogestion énergétique

Avec AFP
Pellworm : un modèle d'autogestion énergétique
Les 8 éoliennes appartenant à des familles de l'île peuvent alimenter 400 foyers.
Avec ses 1000 habitants et 3000 moutons, la petite île allemande de Pellworm n'a rien d'extraordinaire - si ce n'est qu'elle n'a pas besoin d'électricité, et qu'elle en fournit même au reste du pays.   A une heure de bateau du continent, balayée par les vents de la mer du Nord, Pellworm produit trois fois plus d'électricité qu'il ne lui en faut. Comme dans beaucoup de communes allemandes, voici déjà plusieurs décennies que les citoyens y ont pris en main leur "transition énergétique" : "Tout a commencé dans les années 1980, quand ils ont commencé à tester des éoliennes et des panneaux solaires," explique le maire, Jürgen Feddersen. Juteux profits Pour stimuler la production de courant vert, les producteurs bénéficient d'un prix garanti et priorité est donné à l'énergie propre dans le réseau de distribution. Ainsi certains insulaires, des agriculteurs, souvent, sont-ils devenus producteurs d'énergie, s'assurant de juteux profits. Mais là n'était pas leur principale motivation : "Nous savons ce que veut dire le changement climatique", assure Kai Edlefsen, adjoint au maire, éleveur bio et gestionnaire du parc éolien. "Nous vivons entourés d'eau et nous voyons bien que le niveau de l'océan monte," poursuit-il. "Nous ne pouvons pas sauver le monde, mais nous pouvons apporter notre contribution". L'énergie en auto-gestion Contourner les grands groupes d'énergie, "a été essentiel pour que la population accepte la transition", ajoute M. Edlefsen. Les autorités locales ont aussi subventionné des appareils électroménagers à faible consommation énergétique et certaines maisons de Pellworm sont équipées de panneaux solaires. Pour les jours sans vent ni soleil, une centrale au biogaz transforme maïs et fumier en méthane, puis en électricité. La ligne sous-marine qui relie Pellworm au continent lui permet de s'alimenter en cas de besoin et d'écouler son surplus. Objectif: l'autosuffisance L'île s'apprête à tester plusieurs systèmes de stockage d'électricité et de réseaux "intelligents". Deux piles géantes, chacune de la taille d'un conteneur et utilisant deux technologies différentes, sont installées à proximité des éoliennes, tandis que dix foyers sont équipés de dispositifs plus petits. Objectif : stocker l'électricité en surplus pour la restituer ultérieurement. Des compteurs intelligents doivent optimiser la consommation de courant en fonction de la production. "A terme, l'île ne sera pas seulement excédentaire en électricité, mais en énergie, explique M. Fohrbeck, en limitant voire en éliminant la consommation de carburants et de fuel domestique."