L'île italienne de Lampedusa, au large des côtes tunisiennes, est devenue le symbole des nouveaux enjeux migratoires qui embarrassent l'Europe. Depuis le début de la "crise de Lampedusa", la France fait barrage aux ressortissants tunisiens venus d'Italie en les repoussant systématiquement de son territoire au niveau de la ville frontalière de Vintimille. Le ministre italien des Affaires étrangères, Franco Frattini, a demandé le rapatriement des migrants vers leur pays d'origine, ainsi "qu'une action forte" de l'Europe pour aider la Tunisie à dissuader ses ressortissants de partir, tout en fustigeant la France pour son "absence de solidarité". Un porte-parole de la Commission à Bruxelles estimait récemment que "c'était à l'Italie de prendre en charge les "migrants économiques" qui arrivent de Tunisie". Rome a déjà promis un visa de trois mois à 22 000 de ces nouveaux "boat people", dont des dizaines embarqués depuis les côtes tunisiennes sur des bateaux de fortune ont fait naufrage... L'afflux de ces candidats à l'immigration nord-africains se révèle être un vrai casse-tête politique que personne ne semble vouloir assumer. La réunion entre les ministres des 27 pays membres à Luxembourg, le lundi 11 avril, en a fait la démonstration : aucune décision ne s'est dégagée, l'Italie se voyant renvoyée à la case départ, obligée d'assumer cette immigration que l'Union ne veut pas gérer.
Conséquences embarrassantes pour l'Union Européenne Lampedusa et ses migrants sont le symptôme d'une nouvelle donne entre les pays d'Afrique du Nord libérés (ou en voie de l'être) du joug de leurs dictateurs, d'une part, et de la politique européenne d'immigration, d'autre part. Les Tunisiens ne subissent plus la répression policière comme au temps du régime Ben Ali et embarquent plus facilement pour les rives alléchantes du nord de la Méditerranée. Les Libyens, quant à eux en moindre nombre, fuient la guerre. Face à ce flot de nouveaux arrivants, Rome a accordé des permis de passage vers la France et exige dans le même temps une aide d'urgence de 100 millions d'euros que Bruxelles se refuse à lui octroyer. Un millier de Tunisiens récemment bloqués à Lampedusa vont être renvoyés par avion dans leur pays d'origine en vertu d'un accord passé entre Rome et Tunis le 5 avril dernier. Les ministres de l'intérieur allemands et autrichiens annoncent vouloir envisager des contrôles frontaliers, en infraction avec les accords de
l'espace Schengen, ce que le gouvernement français effectue déjà malgré une condamnation de la commission européenne à son encontre début avril.
Soutenir les révolution arabes tout en refoulant ses migrants ? Le naufrage du 6 avril dans lequel 150 clandestins en provenance de Libye ont trouvé la mort vient rappeler de façon tragique la problématique de l'accueil dans l'UE et la solidarité entre pays des deux rives de la Méditerranée. Sur le site de l'Union européenne, à la rubrique "Gestion de l'immigration et de l'asile", il est stipulé que "face à l'augmentation du nombre de personnes qui tentent d’entrer dans l'Union pour fuir les guerres, les persécutions ou les catastrophes naturelles, ou simplement dans l’espoir d’un avenir meilleur, les gouvernements européens élaborent des solutions communes afin de résoudre les difficultés auxquelles ils sont confrontés." Où sont les "solutions communes" de l'Union européenne face à ces flux migratoires engendrés par les révolutions arabes, l'émergence de nouveaux régimes et de nouvelles donnes économiques ? Au delà des rappels de grands principes appuyés par une mission intitulée "Hermes" de l'agence
Frontex (gestion européenne des frontières, voir encadré) à Lampedusa, la commission européenne ne semble pas prête à répondre pleinement à ses engagements de "solutions communes".
Le problème migratoire actuel est avant tout économique Cherbib Mouhieddine, membre de la
FTCR (Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives), livre son analyse de la situation et apporte des propositions concrètes. Une enquête récente menée en Tunisie fait ressortir que les migrants sont des jeunes gens, entre 18 et 25 ans, dont le départ est motivé par plusieurs facteurs, le principal étant le chômage.