Fil d'Ariane
L'Argentine a conclu un accord historique avec les principaux fonds "vautours" pour solder le litige sur sa dette, un compromis de 4,6 milliards de dollars qui doit permettre au pays de retourner sur les marchés de capitaux.
Selon cet accord de principe, l'Argentine paiera "environ 4,653 milliards de dollars" afin de solder les litiges en suspens à New York et ailleurs dans le monde, a annoncé le médiateur américain Daniel Pollack.
Cette avancée est à mettre au crédit du nouveau chef de l’État argentin aux orientations économiques libérales, Mauricio Macri, qui a succédé il y a trois mois à la présidente de gauche Cristina Kirchner (2007-2015), hostile à tout accord avec les fonds spéculatifs.
Lundi à New York, quatre fonds spéculatifs, détenteurs de dette argentine achetée à prix cassés, ont accepté la proposition de règlement de Buenos Aires, ouvrant la voie à une résolution définitive de ce litige remontant à la crise économique de 2001/2002.
L'accord de principe, qui reste à valider par le Parlement argentin, prévoit le paiement aux fonds NML Capital, Aurelius Capital, Davidson Kempner et Bracebridge Capital "de 75% des sommes demandées, ainsi que le paiement d'autres sommes ailleurs qu'à New York et divers frais de justice", a déclaré Daniel Pollack dans un communiqué.
"C'est un pas de géant mais pas l'étape finale", a ajouté le médiateur.
L'Argentine, sous la présidence du président de gauche Nestor Kirchner (2003-2007), avait rompu avec le FMI et la Banque mondiale, les jugeant coresponsables du surendettement et de la faillite de la troisième économie d'Amérique latine en 2001.
Le FMI a salué l'accord. "C'est un pas important pour permettre à l'Argentine de retourner sur les marchés financiers et de redresser sa situation financière", a assuré un porte-parole.
Le département américain du Trésor a lui aussi salué "un développement positif pour l'ensemble du système financier mondial" et a exprimé sa "hâte" de voir l'accord pleinement mis en œuvre.
"L'Argentine est en plein processus de normalisation économique", a expliqué l'économiste argentin Nicolas Dujovne. "L'accord est important et positif pour le pays, pour que le gouvernement puisse lever à nouveau des fonds sur les marchés, mettre en œuvre ses projets et construire les infrastructures qui nous manquent".
Pour que l'accord soit effectif, le Parlement argentin devra en approuver les termes et abroger deux lois constituant un obstacle technique au règlement. Un défi de taille car le président Macri n'y a pas la majorité.
Depuis près de dix ans, les fonds NML et Aurelius menaient la bataille devant les tribunaux américains pour réclamer le remboursement intégral de titres de dette argentine rachetés à prix cassés après le défaut de paiement du pays en 2001.
La justice américaine leur avait donné raison en 2012 avant d'intensifier sa pression sur l'Argentine en lui interdisant de payer les créanciers plus conciliants ayant accepté une décote de 70% tant que ces fonds procéduriers n'avaient pas été remboursés.
Après des années de blocage, le nouveau gouvernement de centre-droit argentin avait mis sur la table début février une offre de compromis prévoyant de rembourser 6,5 milliards de dollars sur les 9 milliards détenus par l'ensemble des fonds procéduriers.
Après plusieurs semaines d'intenses négociations, l'Argentine est donc parvenue à trouver un accord avec les quatre fonds d'investissement, qui faisaient de la résistance mais ont finalement accepté une décote de 25%.
Pour payer, l'Argentine "envisage" de retourner sur les marchés financiers pour lever de l'argent, a indiqué le médiateur.
Cet accord pourra également permettre à l'Argentine de reprendre le paiement des autres créanciers qui avaient accepté une décote plus importante de 70% lors de deux restructurations de dette en 2005 et 2010.
Si l'accord se confirme sur la base de l'offre argentine, ce sera une grande victoire pour le milliardaire américain Paul Singer, propriétaire de NML.
Ce spécialiste du rachat de dette en défaut a l'habitude d'en réclamer ensuite le double ou le triple en justice.
Avec les titres argentins, M. Singer pourrait encaisser plusieurs centaines de millions de dollars pour un investissement de 48 millions en 2008, selon des chiffres communiqués par l'administration Kirchner.
Pour l'économiste Matias Tombolini, "les fonds vautours ont gagné leur pari". Un pari risqué.
Selon la coalition d'ONG de lutte contre la pauvreté Jubilee USA, cet accord a un goût amer. "Même si l'Argentine peut désormais retourner sur les marchés, le compromis consacre une stratégie fondée sur des comportements prédateurs", a indiqué son directeur Eric LeCompte.