Fil d'Ariane
« C’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme », chantait Renaud en 1983. Et Mercredi 24 juin, la mer a emporté le navigateur Laurent Bourgnon, lui prenant la vie au large de l’archipel des Tuamotu en Polynésie française.
Dimanche 12 juillet, une quinzaine de bateaux se sont rassemblés dans la baie de Matavai, à Tahiti, à la mémoire de Laurent Bourgnon. Au son des cornes de brume, ses proches et une centaine de personnes ont lancé à la mer colliers et couronnes de fleurs.
Deux jours plus tôt, la communauté de la voile tahitienne faisait de même à Raiatea, haut lieu de la navigation des Iles-Sous-Le-Vent. Laurent Bourgnon y avait vécu pendant cinq ans avec sa famille.
Le 29 juin, le Haut-Commissariat de la République de Tahiti annonçait l'arrêt des recherches, l'espoir de retrouver le marin s'étant éteint. Yvan Bourgnon avait toutefois décidé de continuer à rechercher son frère, vainement.
Avec un l’un des plus beaux palmarès du monde de la voile, Laurent Bourgnon était unanimement considéré comme un surdoué par ses pairs. Le navigateur franco-suisse, 49 ans, avait toutefois abandonné la compétition depuis quelques années pour se consacrer à l’organisation de croisières de luxe.
Mercredi 24 juin, Laurent Bourgnon effectue une croisière privée sur son voilier. Il est accompagné de plusieurs vacanciers. Ils plonge près de Toau, un atoll proche de Fakarava en Polynésie française. Le site est en effet l'un des plus renommés au monde.
La plongée aurait eu lieu dans le lagon, à proximité de la passe Est, où les courants peuvent être forts. A l’issue de la séance, les autres passagers du bateau l’ont attendu, en vain. Laurent Bourgnon était parti de son côté, tandis que les croisiéristes étaient avec le moniteur de plongée.
Laurent Bourgnon, héros de la mer. Il avait remporté la mythique Route du Rhum, reliant Saint-Malo à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe, en 1994 et 1998. Mais aussi la Solitaire du Figaro (au large des côtes françaises), dès sa première tentative, en 1988. C'est d'ailleurs cet exploit qui lui donne l'envie de passer sur des multicoques. A la barre de ces engins, il enchaîne les succès.
Les trimarans Orma (multicoques de 18,28 m) sont les machines de course au large les plus sophistiquées au monde, les plus dangereuses aussi. Mais Laurent Bourgnon va très vite s'imposer dans cet exercice de haute voltige. Y compris face aux coureurs français (Loïck Peyron, Franck Cammas), qui affectionnent particulièrement ces bolides marins.
Le navigateur est ainsi victorieux de nombreuses autres courses prestigieuses : La Baule-Dakar (1991), Québec-Saint-Malo (1992) ainsi que la transatlantique Twostar (reliant Plymouth à Newport en 1994) et Transat Jacques Vabre (1995), en double avec l'Américain Cam Lewis. Avec son frère Yvan, lui aussi passionné d'aventures océaniques, il gagne la Transat Le Havre-Cartagène (Colombie) en 1997.
Il décroche également le titre de champion du monde de course au large à trois reprises (1994, 1995 et 1997).
Originaire des montagnes du Jura suisse, il découvre la mer à l'âge de 4 ans, en 1970, sur le voilier de ses parents à l'occasion d'un périple de deux ans dans les Caraïbes. Adolescent, il effectue, toujours en famille, un tour du monde à la voile qui durera trois ans.
En 1986, âgé de 20 ans, il effectue, avec son équipier Fred Girald, une première traversée de l'Atlantique sur un catamaran Hobbie 18 de 5,40 m. Une aventure rocambolesque compte tenu de la taille de l'engin de plage.
Il enchaîne ensuite sur la Mini Transat, course transatlantique en solitaire, sur un monocoque de 6,50 m. Il finit 2e, en 1987, après avoir gagné la 2e étape face à des voiliers, a priori, plus rapides.
Mais la vie de Laurent Bourgnon ne se résume pas à la voile. Le marin est aussi un sportif polyvalent. Il a notamment participé à plusieurs rallyes-raids comme le Paris-Dakar entre 1999 et 2005.
Passionné de technique, attentif au moindre détail, il se sert de son savoir-faire dans l'aéronautique pour mettre au point un biplace de voyage rapide et doté d'une très grande autonomie.
Fin juin, celui que l'on surnommait le Petit prince de l'Atlantique aura finalement été emporté, éternellement, par la mer. Elément qu'il avait pourtant su apprivoiser et dompter toute sa vie.
Un dernier hommage lui sera rendu en métropole le 25 juillet à Agon-Coutainville. C'est dans ce village de Normandie que Laurent Bourgnon avait rencontré son épouse Caroline.