Le 11 Septembre 2001 je me suis trouvée à Dakar, capital du Sénégal, où je travaillais depuis presque deux ans en tant que correspondante étrangère pour la presse sud-africaine. Dakar de 2001 n’était pas le Dakar de 2011 C’était avant la grosse vague d’expatriées venu d’une Côte d’Ivoire en guerre, avant les grands travaux d’infrastructure, avant le Radisson Blue… Dakar était avant tout une très jolies ville, pleine de mélanges de gens et de couleurs : une destination touristique, bien que son président Abdoulaye Wade, élu en Avril 2000, ait promis de la transformer en capitale économique. Ce jour-la, je déjeunais, comme c’était mon habitude, dans un petit restaurant avenue George Pompidou, une avenue où tout converge : vendeurs de rues, handicapés, mendiants, touristes accaparés et hommes d’affaires. C’est quand même extraordinaire à quel point quelques secondes qui ont changé la vie d’une nation, d’une époque, peuvent rester figées dans la mémoire ! C’était le cas avec l’assassinat du leader charismatique sud-africain Chris Hani en 1993. J’étais alors à Pretoria en Afrique du Sud et je me souviens toujours très bien les moments d’annonce de sa mort. On craignait à l’époque que le pays sombre dans la guerre civile… Et ce jour du 11 septembre, comme c’est le cas pour des centaines de milliers de gens à travers le monde, reste très clair dans ma mémoire. Je déjeunais ce jour-la avec deux amis Pakistanais, les cadres d’une banque Pakistanais a Dakar. Les évènements de ce jour ont eu un impacte radicale sur leurs vies. Leurs pays a été profondément touché par l’invasion américain dans l’Afghanistan voisin. Voyager en tant que Pakistanais dans les mois qui suivaient le 11 septembre était beaucoup plus compliqué que pour moi. L’humiliation des musulmans d’Afrique ou d’ailleurs dans un aéroport aux États Unies, était devenue quotidienne. Les musulmans étaient si souvent victimes d’arbitraire, vite traités d’ « islamiste » - l’ennemi numéro 1 de l’Amérique. Après le déjeuner je me suis rendue au bureau de l’Agence France Presse à Dakar, situé au troisième étage d’un immeuble place de l’Independence, à quelques pas du restaurant. Tout le staff était debout, les yeux tournés vers le haut, fixée sur le grand écran de télévision. « Qu'est-ce que c’est? » Un avion vient de s’écraser contre un bâtiment du World Trade Centre a New York! Je me tourne vers l’écran, juste a temps de voir le crash deuxième avion en directe. Incroyable. L’histoire du monde a changé dans ces quelques minutes. La tolérance culturelle et religieuse a pris un revers dont nous souffrons toujours aujourd’hui. Vivant dans une ville de mélange des cultures et croyances – c’était comme un rêve qui disparaissait. Dans un pays à 90% musulman, qui a toujours était fier de sa tolérance et le respect de toutes les religions – le premier président Léopold Sedar Senghor était un chrétien – la chasse aux « ennemies musulmans » était comme une aberration. Le Choc des civilisations de Samuel Huntington était tellement loin de la réalité de tous les jours au Sénégal. Mais après le 11 septembre, George W Bush et son invasion en Irak a renforcé les « différences », la suspicion, « us-against-them ». L’Amérique, et surtout New York, était toujours la destination de rêve du Sénégalais désireux de quitter sa situation de « banabana » des rues de Dakar, mais une forte sentiment anti-américain a commencé à se manifester. L’ambassade américain à Dakar était déjà transformée en forteresse, comme partout en Afrique - il faut le rappeler, la première victime d’Al Qaeda avec les attentats de 1998 à Nairobi au Kenya et à Dar es Salaam en Tanzanie. Le 11 Septembre était la fin de quelque chose et le début d’un monde divisé, marqué par la suspicion, ou tout musulman était un terroriste potentiel. L’Amérique et le monde occidentale étaient saisis par une peur de l’autre, la suspicion, l’exclusion. L’élection de Barak Obama a heureusement mis fin à l’idée que tout Américain est chauviniste, raciste et anti-musulman. J’ai enfin quitté Dakar après trois ans et j’ai continué de voyager à travers l’Afrique – un continent qui vit aujourd’hui son propre drame avec le trio l’AQMI, al-Shabaab et Boko Haram, ces trois des mouvements réclamant un lien avec Al Qaeda. Nous sommes toujours spectateurs des événements en Irak et en Afghanistan, mais depuis les révolutions en Tunisie et en Égypte – le Printemps Arabe – le spectre du radicalisme musulman de l’ère Bush n’est plus d’actualité. Heureusement.