Après une période de chaos dans les années 1990, l’édition russe renaît aujourd’hui de ses cendres. 157 000 titres ont été publiés en Russie en 2009, et plus de 750 millions de livres ont été vendus. Mais ces bons résultats cachent de fortes disparités. Dans l’immense Russie, les livres sont chers et difficilement accessibles, hors de Moscou et Saint Pétersbourg. Pour pallier à ces difficultés, lecteurs et éditeurs se tournent vers internet.
Internet, un nouveau média pour les écrivains russes
Entretien avec Michel Parfenov, éditeur de la collection « Lettres russes » chez Actes Sud, et Andrei Guelassimov, romancier.
Michel Parfenov.
A quoi ressemble l’édition sur internet en Russie ?Michel Parfenov – Elle prend plusieurs formes. Il y a tout d’abord un site comme Journalnii Zal, que l’on pourrait traduire comme « la salle des revues », qui centralise une vingtaine de revues en ligne. Là, on peut trouver légalement, en accès libre, les premiers romans de jeunes auteurs, ou des nouveautés en cours de publication dans des magazines. Ensuite, certains écrivains créent également leur propre site pour faire connaître leur roman au public. C’est le cas notamment de Dmitry Glukhovsky, qui a lancé en ligne « Metro 2033 » avec beaucoup de succès. Mais la plupart des livres qui circulent sur internet relèvent du piratage. Il n’y a pas de culture du droit d’auteur en Russie, beaucoup de lecteurs diffusent les livres sur leur blog sans penser qu’ils privent les auteurs d’une partie de leurs revenus.
Andreï Guelassimov.
Quel est l’intérêt, pour un auteur, de publier sur internet ? Andrei Guelassimov – Quand j’ai écrit mon roman « La Soif », je vivais en Sibérie. A cette époque, je n’avais aucun moyen de le faire publier. La maison d’édition la plus proche était à plusieurs milliers de kilomètres de là ! Je l’ai donc mis en ligne sur internet, gratuitement. Ensuite, quand mon roman a été publié en librairie, mes éditeurs ont voulu arrêter cette diffusion sur le net. Mais j’ai reçu de nombreuses lettres de lecteurs vivant dans des régions reculées du pays qui me demandaient de ne pas retirer mon livre de la toile, car c’était le seul moyen, pour eux, de le lire. Notre pays est gigantesque, c’est très difficile et très cher d’acheminer des marchandises. A Vladivostok et à Magadan, par exemple, on ne peut pas trouver mon livre.
San'kia (Actes Sud)
Le piratage nuit-il aux ventes des livres ?Andrei Guelassimov – Je ne pense pas. Quand vous lisez un roman que vous aimez vraiment, quand une histoire vous bouleverse, vous avez envie d’acheter le livre, vous voulez l’avoir avec vous, comme un trésor ou un cadeau. Et puis ce n’est pas très agréable de lire un livre sur un écran d’ordinateur. Je pense aussi que le téléchargement légal est une solution. Certains éditeurs s’y mettent. Et à Moscou, je vois de plus en plus de gens dans le métro qui lisent sur des tablettes numériques. Michel Parfenov – Le piratage est aussi une histoire de génération. Un auteur comme Zakhar Prilepine, par exemple, est beaucoup piraté, car son lectorat est jeune, politisé et plutôt masculin. Ses ventes ne reflètent pas sa popularité. Le site de son dernier roman, San’kia, a été vu par 250 000 visiteurs, mais le livre ne s’est vendu pour l’instant qu’à 80 000 exemplaires environ. A l’opposé, Ludmila Oulitskaïa a vendu plus d’un million d’exemplaires de « Daniel Stein, interprète », qui est pourtant un livre assez exigeant. Mais elle n’a presque pas été piratée, car elle touche une population plus âgée et plus féminine. Propos recueillis par Amélie Cano27 mai 2010
Metro 2033 : un livre et un jeu vidéo
Best-seller en librairie et phénomène sur le Net, Metro 2033 a fait l'objet d'une adaptation en jeu vidéo. Metro 2034, sa suite, a déjà été lu par plus d'un million de lecteurs en ligne. Un véritable roman multimédia.