Le Brésil abolitionniste avant tout le monde

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Abolir la violence et la mort hors des murs

par Roberto Blum, ingénieur et blogueur brésilien, Porto Alegre - 22 février 2010

Abolir la violence et la mort hors des murs
Le Brésil a été le second pays d’Amérique à abolir la peine de mort pour les crimes civils, en 1876, deux décennies après le Costa Rica. La dernière exécution qui a eu lieu au Brésil a été celle de José Pereira de Souza, condamné par le jury de Santa Luzia, État de Goiás, et mort empalé sur une fourche en 1861.

Jusqu’aux dernières années de l’Empire [1822-1889], le jury a continué a condamner des personnes à mort, quoique, à partir de 1876 l’empereur Pedro II commuait toutes les sentences de punition capitale, aussi bien pour les hommes libres que pour les esclaves. Par contre, cette pratique n’a été officiellement abolie pour les crimes civils qu’après la Proclamation de la République [1889].

La Constitution octroyée en 1937 par le président Getúlio Vargas, a admis la possibilité de restaurer, par loi, la peine de mort pour d’autres crimes en plus des crimes militaires commis en temps de guerre. Mais malgré une ou autre condamnation à mort, comme celle de l’écrivain Gerardo Melo Mourão, en 1942, accusé d’être mêlé à une affaire d’espionnage pour les forces de l’Axe, il n’y a pas eu exécutions enregistrées.

Durant le régime militaire [1964-1985], la Loi de la Sécurité Nationale, décrétée en 1969 a rétabli la peine de mort pour divers crimes de nature politique. Certains militants des mouvements armés de résistance à la dictature ont été condamnés à mort, mais leurs peines ont été commuées par le Tribunal Supérieur Militaire en réclusion à perpétuité. Il n’y a pas eu, ainsi, d’exécution légale, mais, comme on le sait, plus de trois cents militants ont été assassinés avant même d’avoir l’opportunité d’aller devant un tribunal.

La peine de mort a été abolie pour tout crime non-militaire par la Constitution de 1988. Actuellement, elle reste prévue pour les crimes militaires, seulement en temps de guerre. Le Brésil est le seul pays de langue portugaise à prévoir la peine de mort dans sa Constitution, mais, dès 1996, il a ratifié le Protocole de la Convention Américaine des Droits de l’Homme pour l’Abolition de la Peine de Mort.

Une enquête de l’institut Datafolha sur la peine de mort réalisée en 2008 montre que 47% des Brésiliens sont pour ce type de punition. En 2007 ils étaient encore 55%.

La recherche révèle aussi que le support à l’exécution de criminels peut être circonstanciel et émotif. Après l’assassinat du jeune João Hélio à la ville de Rio de Janeiro, 55% des interviewés se montraient favorables à la peine capitale. L’Affaire João Hélio est arrivé 2007 : João Hélio Fernandes Vieites a été assassiné à Rio de Janeiro lorsque la voiture dans laquelle il se trouvait avec sa mère a été braquée. Le jeune garçon, resté attaché au véhicule par sa ceinture de sécurité, a été traîné à l’extérieur par les braqueurs en fuite, ce qui a provoqué sa mort. João Hélio avait 6 ans. Le crime a ému tout le pays.

La pratique de la peine de mort est, pour certaines sociétés et même pour la communauté internationale, un des grands dilemmes historiquement débattus et pour lesquels il n’y a pas de consensus absolu. Dans le cas brésilien, le haut taux de support de la part de la société à ce type de condamnation est certainement une conséquence de l’exorbitant nombre d’homicides et crimes répugnants perpétrés quotidiennement et amplement diffusés par les grands moyens de communication.

Ainsi, le développement des conditions sociales des classes marginalisées et le combat contre la violence urbaine sont les grands défis des autorités brésiliennes pour les prochaines décennies. Néanmoins, la question de l’origine de la violence n’est, elle, pas débattue par la classe politique. Au contraire, souvent, les élites économiques reprennent de vieilles antiennes des temps de la dictature, où la répression maintenait la criminalité à des niveaux acceptables.

Comme le chantait Bob Dylan, « combien de morts faudra t-il encore pour savoir que nous en avons déjà trop tués ? ».

Roberto Blum Correio Internacional