Fil d'Ariane
Il y a un homme derrière cette ascension : Louis Borfiga, le vice-président "développement de l’élite" à Tennis Canada. Originaire du Sud de la France, il a tout d’abord été joueur sur le circuit international. Dans les années 70, il a même été le partenaire d’entraînement de Bjorn Borg, quand la légende du tennis suédois vivait à Monaco.
Mais c’est le chemin d’entraîneur que Louis Borfiga a finalement suivi quand il a réalisé qu’il n’avait pas ce qu’il fallait pour devenir champion. Il a ainsi œuvré longtemps au sein de la Fédération française de Tennis, avant de se faire débaucher en 2006 par Tennis Canada pour une mission précise : faire du Canada une nation qui compte dans le tennis mondial. On lui donne donc carte blanche.
Rapidement, Louis Borfiga met en place une structure, recrute des entraîneurs aguerris et installe des centres d’entraînement à Montréal, Toronto, Vancouver, Calgary et Halifax prochainement.
À Montréal, le centre principal, il réclame des courts en terre battue, parce que le jeu sur cette surface aide à acquérir une meilleure technique. Tennis Canada répond illico à sa demande. Depuis, les jeunes espoirs s’entraînent sur ces quatre courts. « C'est important pour une fédération d'avoir une structure parce que si on a un bon système en place et qu’on a des talents, on va pouvoir les aider à atteindre leurs objectifs », explique Louis Borfiga.
En tant que responsable du tennis canadien, c'est vrai que c'était l'un de mes rêves de pouvoir gagner un grand chelem.
Louis Borfiga, vice-président "développement de l’élite" à Tennis Canada
Sylvain Bruneau, entraîneur de Bianca Andreescu, précise que Louis Borfiga a apporté un changement de culture au sein de Tennis Canada : « Louis est quelqu'un de très ambitieux qui a réussi à installer un travail d'équipe, une mentalité très forte axée sur le travail d'équipe, la coopération, le respect entre les entraîneurs et tout le monde le respecte énormément. Il y a une très bonne ambiance, et ça, c’est le lègue de Louis. Tous les bons résultats qu'on a en ce moment, c'est grâce à lui ».
« C'est une équipe qui pousse derrière ce succès, la structure mise en place aide ce travail d'équipe à avoir des résultats. Aujourd'hui on récolte les fruits de tout cela, et on a eu la chance d'avoir des joueurs de talent » précise Louis Borfiga.
La plus belle victoire de Louis Borfiga et de Sylvain Bruneau s’est concrétisée en septembre dernier, quand la jeune Bianca Andreescu, 19 ans, arrache la victoire à Serena Williams sur le court central des Internationaux des États-Unis. C’est la première fois qu’une Canadienne remporte un tournoi du grand chelem.
La première personne qu’elle est allée embrasser après le coup final, c’est son entraîneur, Sylvain Bruneau. « J’ai ressenti beaucoup de fierté, énormément, un grand sentiment de joie, on a eu beaucoup d'inquiétude avec ses problèmes de santé tout au long de l’année alors c'était fantastique », se souvient l’entraîneur.
Louis Borfiga, qui avait prédit quelques mois auparavant que l’un de ses poulains allait prochainement remporter un tournoi du grand chelem, ne s’attendait pas à ce que sa prédiction se réalise aussi vite : « En tant que responsable du tennis canadien, c'est vrai que c'était l'un de mes rêves de pouvoir gagner un grand chelem, donc c’est une journée qui va rester à jamais gravée dans ma mémoire ».
Surveillez aussi du coin de l’œil le jeune Québécois Félix Auger-Aliassime qui, selon Louis Borfiga, va devenir un très grand champion, tout comme le jeune Denis Shapovalov…
Suivront-ils les traces de Milos Raonic, qui s’est hissé parmi les meilleurs, et Eugénie Bouchard, qui ont tous tracé le sillon vers le sommet ? Bref, en un peu plus d’une décennie, on peut qualifier de "fulgurante" l’ascension du Canada en tant que puissance sur le circuit international du tennis.
Le Canada est maintenant considéré comme une puissance dans le domaine du tennis : « Ce n’est pas nous qui le disons, ce sont les autres fédérations", souligne Louis Borfiga. Le Canada est même cité en exemple. C'était l'un des objectifs des dirigeants il y a douze ans de faire du Canada une nation forte dans le tennis international et on peut se dire : mission accomplie ».
« Sur la planète tennis, on était un pays du Tiers-Monde à une époque, se souvient Sylvain Bruneau. Maintenant beaucoup d'entraîneurs, de nations, d'athlètes regardent ce qu'il se passe au Canada, ils sont surpris de la rapide ascension des athlètes canadiens ».
Louis Borfiga précise que le soutien indéfectible des responsables de Tennis Canada explique en partie ce succès : « On n'aurait pas pu réussir s'il n'y avait pas eu une osmose entre les directions et nous, c'est ça qui fait le succès, cette même ambition de vouloir faire du Canada une nation forte sur la scène internationale ».
Pour Louis Borfiga et Sylvain Bruneau, pas question de dormir sur leurs lauriers : « On travaille déjà à préparer l’avenir. C’est vrai que l'avenir pour Tennis Canada est plutôt florissant avec tous les bons joueurs qui sont très jeunes », fait remarquer Louis.
« Le but, c'est de poursuivre et de bâtir sur cette fabuleuse année qu'a été 2019. Il faut rester ambitieux, il faut rester audacieux, ne surtout pas ralentir, regarder vers le futur », ajoute Sylvain Bruneau.
Sylvain va s’envoler pour la Californie où Bianca va reprendre les entraînements après une blessure au genou qui l’a mise au repos ces dernières semaines. La jeune femme de 19 ans vient d’être élue athlète de l’année au Canada par un comité de journalistes. Elle a aussi remporté le prix de la révélation de l’année sur le circuit professionnel de la WTA.
« Je crois qu'elle a les qualités mentales et physiques pour rester au niveau qu'elle a démontré en 2019, assure son entraîneur. Je pense qu’elle va être dans la lignée des champions, mais il faut continuer à se renouveler, à progresser ».
Quant à Louis Borfiga, il avoue avoir reçu des offres de la Fédération française de Tennis pour qu’il rentre en France, mais il les a déclinées : « J’ai encore du travail à faire ici », dit-il avec un sourire au coin.
Le travail en question, c’est de continuer à entraîner le plus de jeunes possible pour leur offrir la chance de devenir champion un jour, sans oublier, rappelle Louis Borfiga, « que le tennis demeure un jeu et que pour un enfant de 12-13 ans, le plus important, c'est le plaisir de jouer ».