Le C-14 est un projet de loi qui, quand il deviendra loi, aura un impact majeur sur la vie des Canadiens puisqu’il porte sur l’aide médicale à mourir. Présenté en avril dernier par le gouvernement de Justin Trudeau, il a déjà été adopté par la Chambre des Communes, la chambre haute du Parlement canadien où les Libéraux, qui sont au pouvoir, ont la majorité. Mais il est actuellement bloqué devant le Sénat où il rencontre une certaine résistance, notamment en provenance des Sénateurs conservateurs.
Pour l’instant, la seule province canadienne à s’être dotée d’une législation sur l’aide médicale à mourir, c’est le Québec. Elle est en entrée en vigueur en décembre dernier et depuis, une trentaine de Québécois s’en sont prévalus. L’adoption de cette loi a dû forcer la Cour suprême du Canada, le plus haut tribunal du pays, à déclarer «
inconstitutionnel » un article du code criminel canadien qui interdisait à un médecin d’aider un patient à mourir dans des circonstances précises. Et la Cour suprême a donné jusqu’au 6 juin au gouvernement fédéral pour se doter à son tour d’une loi sur l’aide médicale afin d’en encadrer la pratique. C’est ainsi que le 14 avril dernier, le gouvernement Trudeau a présenté le projet de loi C-14 qui s’inspire en grande partie de la législation québécoise.
Ce projet de loi prévoit qu’une personne souffrant d’un problème de santé « grave et irrémédiable » ou « atteinte d’une maladie, d’une affection ou un handicap graves et incurables », dont les « souffrances physiques et psychologiques sont persistantes et intolérables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu’elle juge acceptables », et qui se retrouve de ce fait avec des « capacités dans un déclin avancé et irréversible » peut demander à un médecin de l’aider à mourir. Il faut que « sa mort naturelle soit devenue raisonnablement prévisible, compte tenu de l’ensemble de sa situation médicale, sans pour autant qu’un pronostic ait été établi quant à son espérance de vie ». Cette personne devra présenter en toute connaissance de cause une demande écrite datée et signée devant deux témoins indépendants. Le médecin devra aviser le patient qu’il peut en tout temps retirer sa demande et un autre médecin - ou un infirmier - devra valider que la demande respecte tous les critères d’admission. Les médecins peuvent refuser de donner l’aide médicale à mourir selon leur conscience et transmettre la demande à un autre collègue.
"Une mort raisonnablement prévisible"
Sur le point de la « mort naturelle raisonnablement prévisible », le projet de loi fédéral va plus loin que la législation québécoise car au Québec, le patient doit être « condamné » dans un délai de moins d’un an avec un diagnostic médical qui confirme ce processus irrémédiable. Et c’est là que le bât blesse et que le projet de loi du gouvernement Trudeau soulève beaucoup de controverse : quand est-ce qu’une mort naturelle devient « raisonnablement prévisible » ? Les opposants au projet ont posé la question. Et ils la posent encore.
On reproche aussi au gouvernement Trudeau de vouloir faire adopter en quatrième vitesse, sans débat de société, une loi qui va avoir un impact majeur dans la vie de nombreux Canadiens. Pourquoi, se demandent certains, précipiter cette adoption sans pendre plus le temps de réfléchir à ces questions fondamentales pour l’avenir d’une société ? Le gouvernement conservateur précédent de Stephen Harper était fermement opposé à une loi sur l’aide médicale à mourir et n’a donc jamais voulu entamer ce débat qu’imposait pourtant l’adoption, par le Québec, d’une loi de cette nature. Le gouvernement de Justin Trudeau tente donc, en quelque sorte, de rattraper le temps perdu afin d’éviter une sorte de vide juridique qu’un État de droit ne peut guère se permettre (depuis le 7 juin dernier, l’aide médicale à mourir est légale au Canada même si elle n’est pas encadrée par une loi au niveau fédéral ). Qui plus est, les Libéraux de Justin Trudeau sont, pour la plupart, en faveur de cette loi. Et plusieurs provinces canadiennes (l’Ontario, la Colombie-Britannique) ont fait pression sur le gouvernement canadien pour faire adopter cette loi parce que leurs citoyens réclament le droit de s’en prévaloir.
« La proposition que l’on a mis de l’avant, nous trouvons qu’elle respecte le désir des Canadiens, les préoccupations des Canadiens, mais surtout la capacité d’avancer de façon responsable, sensible et réfléchi, sur un enjeu qui est profondément personnel » a déclaré le premier ministre Justin Trudeau.
Sa ministre de la Santé, Jane Philpott, reconnait qu’il est impossible de présenter une loi qui va satisfaire tout le monde, certains diront qu’elle va trop loin, d’autres, pas assez loin.
Un sujet sensible, délicat et controversé
Les Sénateurs ont formulé plusieurs amendements sur le projet de loi, dont un qui retire carrément la notion de « mort naturelle prévisible », élargissant du coup l’accès à l’aide médicale à mourir à des personnes souffrant de maladies dégénératives par exemple comme l’Alzheimer ou le Parkinson. Le projet de loi ainsi amendé doit maintenant revenir devant la Chambre des Communes. Un va et vient législatif qui n’empêchera pas, à moyen terme, ce projet de loi de devenir loi.
Le texte a été adopté par le Sénat le vendredi 17 juin. La loi devrait donc entrer en vigueur au cours des prochaines semaines.