Le film Shoah traduit en persan et projeté en Iran
Malgré les tentatives du régime de Téhéran pour bloquer la réception des chaînes satellites sur son territoire, l'Unesco et la Fondation pour la mémoire de la Shoah ont lancé, le lundi 7 mars 2011, la diffusion de Shoah, le film de Claude Lanzmann, traduit en persan, via la chaîne Pars, basée à Los Angeles. Quels sont les chances de réception de Shoah en Iran ? Quels sont les buts des initiateurs du projet ? Réponses
Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad affiche, depuis sa première élection en 2005, avec fierté, son négationnisme du génocide des juifs durant la Seconde guerre mondiale. On se rappelle qu’il avait qualifier l’extermination des six millions de juifs assassinés par les nazis de « mensonge basé sur une revendication impossible à prouver et mythique ». La communauté internationale a décidé de lui répondre en traduisant le film « Shoah » en persan et en le diffusant en Iran via une chaîne satellitaire, malgré les efforts du régime de Téhéran pour empêcher ces canaux de parvenir sur son territoire. Cette idée est à mettre à l’actif du projet Aladin, une organisation internationale basée à Paris, qui tente d’améliorer la compréhension entre musulmans et juifs par le biais de programmes culturels, en particulier via la connaissance du génocide des juifs et des tsiganes au XXème siècle. Le film « Shoah » de Claude Lanzmann est ainsi mis à la disposition du peuple iranien. Le projet Aladin soutenu par l’Unesco souhaite combattre la désinformation de la République islamique iranienne et le négationnisme de son président ou de ses disciples. À TRAVERS LES BARRIÈRES VIRTUELLES MISES EN PLACE PAR TÉHÉRAN La diffusion s'effectue via la chaîne américaine privée persanophone Pars depuis Los Angeles. On pouvait craindre un brouillage de l’émission par le gouvernement iranien. Mais d’après Abe Radkin, directeur exécutif du projet Aladin, « les brouillages mis en place par le gouvernement n’ont pas affecté la diffusion de Shoah ». La réussite de l'opération n’était pas gagnée d’avance. D’après des sources iraniennes, les miliciens ne cessent d’opérer des raids chez les particuliers pour y saisir du matériel de réception par satellite. Mais pour le journaliste et écrivain iranien Nasser Etemadi, cela n’empêche pas la population de contourner la censure. « Les chaînes satellitaires iraniennes peuvent attirer entre 4 et 5 millions de téléspectateurs. Elles sont beaucoup plus regardées par les Iraniens que les chaînes étatiques ». D'autant que les autorités iraniennes ne peuvent pas dérégler les réceptions paraboliques sur tout le territoire : elles procèdent au coup par coup, et très localement. APRÈS L'IRAN, LA TURQUIE ET L'AFGHANISTAN Suite à la diffusion de la première partie, des échos positifs sont arrivés de Los Angeles. La chaîne irano-américaine signale même avoir reçu des encouragements d’Iran. L’organisation espère que la suite du film sera accessible à l’ensemble des Iraniens. La durée totale de cette oeuvre exceptionnelle est de neuf heures et pour sa diffusion en Iran, elle a été découpée en onze épisodes de 50 minutes chacun, répartis durant deux semaines. Le projet Aladin a prévu d’autres traductions de « Shoah » dans le monde, comme en Afghanistan, déjà en cours dans ce pays. Le film de Claude Lanzmann a également été traduit en arabe et en turc. Il devrait être montré au festival du film d'Istanbul (du 2 au 17 avril 2011) et diffusé sur la chaîne de télévision publique turque « TRT ».
Qu'est ce que le projet Aladin
Le projet Aladin fut lancé en 2009 conjointement par l'Unesco et la Fondation pour la mémoire de la Shoah. Il vise à combattre le négationnisme partout où il sévit, en particulier au Proche et au Moyen Orient. Il offre pour l'instant, outre le film de Claude Lanzmann en de multiples traductions, quatre livres en version numérique - également traduits : « Le journal d’Anne Franck », « Si c’est un homme » de Primo Lévy, "Sonderkommando : dans l'enfer des chambres à gaz", de Shlomo Venezia, et "Hitler et les juifs, la genèse d'un génocide" de Philippe Burrin. En ouvrant à la connaissance du plus grand nombre l’une des pages les plus noires de l’histoire de l’humanité, le projet Aladin espère oeuvrer à un rapprochement des cultures.
Un événement diplomatico/culturel
Le réalisateur Claude Lanzmann, lors de la soirée de lancement, le 7 mars 2011.
L'événement avait lieu à la Maison de l’Unesco à Paris, parti prenante de l'opération Aladin, le 7 mars 2011. Beaucoup d'invités, parmi lesquels le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand, l'ambassadrice de France auprès de l'Unesco Rama Yade, ou encore le réalisateur Elie Chouraqui, étaient venus pour suivre la diffusion en direct d’un extrait du film. À 17h00, la connexion fut établie avec Los Angeles. Le présentateur iranien semblait vivre un moment historique, longuement introduit par la présidente du Projet Aladin, Anne-Marie Revcolevschi. Malheureusement, quelques instants plus tard, la projection était perturbée par un incident technique local - la diffusion ailleurs qu'à l'Unesco, ne fut pas perturbée. L’image se figea et le réalisateur Claude Lanzmann d’humeur bougonne, fit alors savoir publiquement qu’il n’avait pas apprécié la présentation trop longue de la présidente du projet Aladin. Il déclara : « si j'étais téléspectateur, alors j’aurais envie de déserter et de baiser ma femme ». La salle et son atmosphère consensuelle furent pour le moins perturbées par cette déclaration avant un débat plus policé.