Le gouvernement syrien annonce la fin de l'opération militaire sur le littoral

Le ministère syrien de la Défense a annoncé la fin "avec succès" de l'opération militaire dans l'ouest du pays. Des combats contre des fidèles du régime déchu et des exécutions de masse de civils ont fait des centaines de morts depuis jeudi.

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Des militants protestent contre la récente vague de violence dans la région côtière de la Syrie, à Damas dimanche 9 mars. AP/ Omar Sanadiki.

Des militants protestent contre la récente vague de violence dans la région côtière de la Syrie, à Damas dimanche 9 mars. AP/ Omar Sanadiki.

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"Nous annonçons la fin de l'opération militaire (...) après le succès de nos forces pour atteindre tous les objectifs fixés", a affirmé le porte-parole du ministère, Hassan Abdel Ghani, cité par l'agence officielle Sana.

Le porte-parole du ministère syrien a assuré que les forces de sécurité avaient pu "contenir les attaques contre ce qui reste du régime déchu", "les éloigner des centres vitaux et sécuriser les principales routes".

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Le président promet de poursuivre les responsables

Le président syrien par intérim, Ahmad al-Chareh, a promis dimanche 9 mars de poursuivre les responsables de "l'effusion de sang de civils". 

Au moins 973 personnes ont été tuées dans l'ouest du pays selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), qui dispose d'un vaste réseau de sources en Syrie. Il s'agit d'une flambée de violences sans précédent depuis la chute de Bachar al-Assad. 

L'ONU, Washington et d'autres capitales ont condamné ces tueries, appelant les autorités syriennes à y mettre fin.

D'après l'OSDH, "le nombre total de martyrs civils liquidés s'élève à 973, y compris des femmes et des enfants", évoquant des "meurtres, des exécutions sommaires et des opérations de nettoyage ethnique".

Les violences ont été déclenchées par une attaque sanglante le 6 mars de partisans du président déchu contre des forces de sécurité à Jablé, près de la ville de Lattaquié, berceau de la minorité alaouite, branche de l'islam chiite dont est issu le clan Assad.

Les autorités ont ensuite envoyé des renforts dans les provinces voisines de Lattaquié et Tartous, pour soutenir des opérations des forces de sécurité contre les pro-Assad.

Au moins 481 membres des forces de sécurité et combattants pro-Assad ont aussi péri, selon l'OSDH. Les autorités n'ont pas fourni de bilan.

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"Commission d'enquête indépendante"

Appelant lors d'un discours dans une mosquée de Damas à "préserver l'unité nationale et la paix civile", Ahmad al-Chareh a annoncé la formation d'une "commission d'enquête indépendante" sur "les exactions contre les civils", afin d'en identifier les responsables et de les "traduire en justice". 

"Nous demanderons des comptes (...) sans indulgence, à toute personne impliquée dans l'effusion de sang des civils", a-t-il ensuite assuré, dans une vidéo diffusée par l'agence de presse officielle syrienne Sana. Il a indiqué qu'un comité serait formé pour "protéger la paix civile".

"Aujourd'hui, nous nous portons garants de tout le peuple syrien et de toutes les confessions, et nous protégeons tout le monde de la même manière", a de son côté assuré le chef de la diplomatie syrienne, Assaad Al-Chaibani, en déplacement à Amman.

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Condamnations internationales 

Depuis son arrivée à la tête d'un pays multiethnique et multiconfessionnel, déchiré par plus de 13 ans de guerre civile, Ahmad al-Chareh, s'efforce d'obtenir le soutien de la communauté internationale, et de rassurer les minorités. 

Lors d'un sermon dimanche 9 mars, le patriarche orthodoxe d'Antioche, Jean X, a relevé que les massacres avaient aussi visé "de nombreux chrétiens innocents". La majorité des victimes "étaient des civils innocents et désarmés dont des femmes et des enfants", a-t-il affirmé. 

L'administration autonome kurde de Syrie, qui contrôle de grands pans de l'est et du nord du pays, a condamné des "pratiques (qui) nous ramènent à une époque noire que le peuple syrien ne veut pas revivre". 

Le chef de la diplomatie israélienne, Gideon Saar, a lui exhorté l'Europe à "cesser d'accorder une légitimité" au pouvoir de transition syrien "au passé terroriste bien connu".

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Les pro-Assad traqués 

Dimanche, le ministère de l'Intérieur a annoncé l'envoi de "renforts supplémentaires" à Qadmous, dans la province de Tartous où les forces de sécurité "traquent les derniers fidèles à l'ancien régime".

Sana a rapporté de "violents affrontements" à Taanita, un village de montagne du même secteur, où ont fui "de nombreux criminels de guerre" du précédent pouvoir, protégés par des "fidèles d'Assad". 

Dans le village de Bisnada, dans la province de Lattaquié, les forces de sécurité fouillaient des habitations, selon un photographe de l'AFP.

"Plus de cinquante personnes, des membres de ma famille et des amis, ont été tués", a affirmé à l'AFP un habitant alaouite de Jablé sous couvert de l'anonymat, affirmant que les corps ont été enterrés dans des fosses communes voire "jetés à la mer".

L'OSDH et des militants ont publié vendredi 7 mars des vidéos montrant des dizaines de corps en vêtements civils empilés dans la cour d'une maison, des femmes pleurant à proximité. Une autre séquence montre des hommes en tenue militaire forçant trois personnes à ramper, avant de leur tirer dessus à bout portant. L'AFP n'a pas pu vérifier ces images.

Selon Aron Lund, du centre de réflexion Century International, la flambée de violence témoigne de la "fragilité du gouvernement", qui s'appuie "sur des djihadistes radicaux qui considèrent les alaouites comme des ennemis de Dieu".

A Damas, les forces de sécurité sont intervenues pour disperser un sit-in de protestation contre les tueries, après l'irruption d'une contre-manifestation réclamant un "État sunnite", émaillée de slogans hostiles aux alaouites.