Le grand mufti d’Egypte invité à Davos : «L’Etat islamique est basé sur une interprétation dévoyée de notre religion»

Invité au World Economic Forum, le grand mufti d’Egypte appelle les pays musulmans à agir contre l’extrémisme violent. Avant de rejoindre Davos, il a répondu à quelques questions du Temps.
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©AP Photo/Jacquelyn Martin
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L’Etat islamique et son cortège d’atrocités monopolise le terrain médiatique. Dans ces conditions, la voix des représentants légitimes de l’islam est inaudible.

Shawki Allam, le grand mufti d’Egypte, est l’une d’entre elles. Ce professeur de théologie de 54 ans a été formé à l’université d’Al-Azhar au Caire, le principal centre d’enseignement de l’islam. Il est le premier grand mufti à avoir été élu par le comité suprême d’Al-Azhar et non pas désigné par le président égyptien. En 2013, il l’avait emporté contre le candidat officieux des Frères musulmans, qui tenaient alors les rênes du pouvoir en Egypte avant d’être renversés par l’armée quelques mois plus tard.

Shawki Allam est considéré comme un modéré. Son influence s’étend dans tout le monde sunnite. Il est un adversaire farouche de l’Etat islamique et de son califat établi à cheval sur l’Irak et la Syrie.

L’Egyptien répétera ce credo au World Economic Forum de Davos, où il lancera une initiative contre l’extrémisme violent et exhortera les pays musulmans à agir. Avant de se rendre dans la station grisonne, il a répondu à quelques questions du Temps.
 

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Shawki Allam, le grand mufti d'Egypte.
©captured'écran/youtube

En quoi consiste la fonction de grand mufti?

Je préside le Dar Al-Iftaa, l’organisme suprême égyptien pour les édits juridiques. Cette instance proclame près d’un demi-million de fatwas par année en dix langues. Je rédige les plus importantes. Mes assistants se chargent de répondre aux autres questions que leur adressent les fidèles par téléphone ou par internet.

Que préconisez-vous pour lutter contre l’Etat islamique?

C’est une grande question… Il faudrait commencer par mieux analyser le phénomène et en tirer les bonnes conclusions. Voici l’une des plus importantes: l’Etat islamique est basé sur une interprétation dévoyée de notre religion.

C’est-à-dire?

L’Etat islamique justifie et commet d’innombrables tueries. L’an dernier, les djihadistes ont assassiné 21 Egyptiens (des Coptes, la minorité chrétienne, qui avaient été kidnappés en Libye, ndlr). Aucun texte de notre religion n’autorise ces crimes. Il faut absolument que les jeunes reçoivent les bons enseignements de la part de théologiens reconnus.

Mais la charia, la loi islamique, considère la peine de mort comme légitime.

Ce n’est pas la même chose. La peine de mort est appliquée dans certains pays musulmans et d’autres pas. Elle découle de décisions de justice. On ne peut comparer cela avec le terrorisme et les crimes de masse.

Ne pensez-vous pas que l’Etat islamique se nourrit aussi du retour à l’autoritarisme dans les pays du Moyen-Orient depuis le printemps arabe, y compris en Egypte?

Je ne crois pas. Sinon, comment expliquez-vous que la majorité des combattants de l’Etat islamique ne viennent pas des pays arabes mais de pays considérés comme démocratiques? Et n’oublions pas que la guerre en Irak, et l’occupation étrangère de ce pays, a grandement contribué à la naissance de ce mouvement.
 

Article publié en accord avec nos partenaires du journal Le Temps