Fil d'Ariane
Le décret approuvé par le président sortant, Juan Orlando Hernandez, "restreint pour une période de dix jours (...) la libre circulation des personnes" entre 18H00 et 06H00, a précisé un porte-parole du gouvernement, Jorge Ramon Hernandez Alcerro.
Cinq jours après l'élection présidentielle, le Honduras n'a toujours pas de vainqueur, l'autorité électorale ayant annoncé un recomptage de certains procès-verbaux litigieux.
Mais les manifestations contre une fraude supposée se sont multipliées, à l'appel du principal opposant, Salvador Nasralla, rival de gauche du président sortant et présentateur-star de la télévision, bien que novice en politique.
L'état d'urgence décrété entre en vigueur à compter de vendredi 23H00 locales (05H00 GMT samedi), mais ne s'applique pas au Tribunal suprême électoral (TSE), aux observateurs nationaux et internationaux en charge de la présidentielle, aux représentants des partis politiques et aux journalistes accrédités pour couvrir l'élection, selon le décret.
Plusieurs professions sont également épargnées, comme les salariés des transports, le personnel médical, les fonctionnaires de la sécurité et de la justice ou les membres du corps diplomatique ou des missions internationales, précise le décret.
Le président conservateur Juan Orlando Hernandez cherche à se faire réélire, mais sa candidature est contestée par l'opposition car elle se fonde sur un décision controversée de la Cour suprême l'autorisant à briguer un second mandat malgré l'interdiction de la Constitution.
Au fur et à mesure du décompte des voix, les résultats, très serrés, se sont inversés en faveur du chef de l'Etat sortant, qui était vendredi en tête avec 42,92% des voix devant son rival de gauche Salvador Nasralla, 64 ans, de l'Alliance de l'opposition contre la dictature, crédité de 41,42%.
Ses sympathisants de M. Nasralla sont descendus dans la rue dès mercredi soir et jeudi, à son appel. Vendredi, des milliers de partisans du présentateur de télévision ont bloqué la circulation dans le pays, suscitants des échauffourées avec la police.
Au moins deux policiers et une dizaine de manifestants ont été blessés au cours des affrontements, dont certains par balles. Des saccages de commerces ont été signalés. Les avenues et les sorties de Tegucigalpa ont été obstruées par des manifestants, incendiant des barricades et jetant des pierres sur les forces de l'ordre, qui ont répondu par des gaz lacrymogènes.
La population s'est précipitée dans les stations-service et les magasins d'alimentation, dans la crainte de ne plus pouvoir sortir de chez elle pour se ravitailler en raison des désordres. Beaucoup de magasins avaient préféré fermer et quelques vols internationaux ont été suspendus à l'aéroport de la capitale.
Sur les réseaux sociaux, les vidéos montrant les affrontements entre policiers et manifestants dans le reste du pays se propageaient de façon "virale".
Entre jeudi et vendredi, la police a procédé à une cinquantaine d'arrestations de personnes soupçonnées de pillage dans la capitale et à San Pedro Sula (nord).
Le président du TSE, David Matamoros, a annoncé qu'une fois le dépouillement terminé, l'autorité électorale commencerait une phase "spéciale" de recomptage de certains procès-verbaux litigieux, en présence de représentants des partis. "Nous ne ferons plus d'annonce (de résultats) jusqu'à la fin du processus" de vérification, a-t-il ajouté sur Twitter.
Seule date butoir pour le TSE, l'obligation de proclamer un vainqueur au plus tard un mois après les élections du 26 novembre.
"Nous attendons le résultat au plus tard ce soir", avait assuré vendredi le président Hernandez, du Parti national (droite). Salvador Nasralla a, lui, demandé le recomptage de toutes les voix. De son côté, le candidat arrivé en troisième position, le libéral Luis Zelaya (14,75%), a affirmé que Nasralla avait remporté les élections et l'a félicité.
"Si l'élection a été entachée d'une fraude évidente et que l'autoritarisme du président se renforce, cela va discréditer le processus (électoral)", a prévenu l'analyste Victor Meza.
Mercredi, le système informatique du TSE a subi une interruption de cinq heures et plusieurs autres incidents ponctuels, alimentant les soupçons.
Avant la proclamation de l'état d'urgence, le dirigeant de l'opposition Juan Barahona a appelé à protester dans chaque quartier. "Jour et nuit, nous allons descendre dans la rue car c'est la seule façon de revenir sur ce vol de la présidence", a-t-il déclaré.