Pendant la guerre, il était dit aux soldats que s'ils mourraient, ils deviendraient des divinités vénérées dans le sanctuaire par les Japonais et par l'empereur. Pour Thierry Guthmann, "le Yasukuni est une des clefs de voûte" du nationalisme contemporain. C’est un sanctuaire impérial, et l’un des seuls lieux de commémoration des soldats tombés. "On ne peut pas penser le nationalisme japonais contemporain sans la personne de l'empereur, commente le chercheur. Il est le point central du sentiment national japonais."
Mais voilà, depuis 1978 et l’inscription des noms des derniers criminels de guerre au registre du sanctuaire, l'empereur ne s’est plus déplacé. En 2006, le quotidien
Asahi Shimbun révèle des notes de l’ancien intendant principal de l’Agence des affaires impériales. L’homme y a rapporté des propos de l’mpereur Hirohito, ne souhaitant plus se rendre au sanctuaire à cause de la présence de ces noms. C’est le même empereur qui avait été déclaré non-responsable des crimes commis pendant la guerre lors du procès de Tokyo.
"La question de l'empereur est extraordinairement délicate, analyse Michael Lucken. Il a évidemment joué un rôle majeur pendant la guerre, à la fois de représentation et politique. Dans les médias d’époque, on le voit très souvent endosser le rôle de chef militaire et de chef de l'Etat. Quand il prend des décisions, elles sont suivies. Malgré tout, il est innocenté juste après la guerre par les Américains. Ils choisissent de ne pas le traduire en justice et de limiter ses pouvoirs dans la Constitution. Mais il a évidemment vu passer le boulet de près, et a ensuite joué le jeu. Il veut que son pays se développe, il a le sens de l'Histoire. Il s'engage sur une voie complètement différente de celle qu'il avait soutenue jusqu'alors. Alors, est-ce de l'opportunisme, est-ce un changement en profondeur de façon de voir ? Je suis incapable de le dire. Mais il change. Et par conséquent son refus à partir de 1978 d'aller au sanctuaire du Yasukuni est assez cohérent"
Reste que "pour la frange nationalistes des personnes qui vont au sanctuaire, ce ne sont pas des criminels, décrypte Thierry Guthmann. Ils ont été condamnés injustement. C'est donc tout à fait normal qu'ils soient honorés."