La démission du gouvernement au Liban en crise ouvre la phase des marchandages et des interrogations pour désigner la succession, dans un pays où la colère gronde une semaine après l'explosion meurtrière et dévastatrice au port de Beyrouth.
Depuis l'automne 2019, le pays était déjà en proie à un soulèvement populaire inédit, qui avait vu des centaines de milliers de Libanais battre le pavé pour dénoncer des difficultés économiques qui n'ont fait qu'empirer, et l'intégralité d'une classe politique quasi inchangée depuis décennies, accusée de corruption et d'incompétence.
Pour apaiser la rue après l'explosion, la catastrophe de trop pour une nation en crise, le gouvernement Hassan Diab a présenté ce 10 août sa démission.
Mais une semaine jour pour jour après la tragédie, les Libanais exigent de voir les responsables du drame traduits en justice, réclamant des comptes pour la négligence de l'Etat.
Lire : Liban, le premier ministre annonce la démission du gouvernementNommé fin janvier, le gouvernement de Hassan Diab -- un professeur d'université novice en politique qui se targuait de diriger une équipe de technocrates -- avait été formé par un seul camp politique, celui du mouvement chiite du Hezbollah et ses alliés.
Hassan Diab décrié depuis plusieurs mois
Le gouvernement va prendre en charge les affaires courantes, jusqu'à la nomination d'une nouvelle équipe. Hassan Diab était décrié depuis plusieurs mois pour son incapacité à répondre à la crise économique, une dépréciation historique de la livre libanaise, des pénuries de carburant et une hyperinflation.
Lors de son discours, il a fustigé lui aussi la classe politique traditionnelle qu'il a accusé d'être responsable de ses échecs. La grande interrogation du jour reste la succession de Hassan Diab, dans un pays habitué aux tractations interminables entre les forces politiques, qui passent plusieurs mois à négocier les portes-feuilles avant de nommer un gouvernement.
Reste à avoir si cette fois-ci l'ampleur du cataclysme va les pousser à faire preuve de rapidité. Il y a aussi l'implication de la communauté internationale, notamment la France, mobilisée pour apporter des aides d'urgence aux Libanais, mais qui insiste pour que ces financements parviennent directement aux bénéficiaires.
Nawaf Salam, nouveau Premier ministre ?
Citant des sources politiques, le quotidien Al-Akhbar, proche du Hezbollah, assure que Washington et Ryad mais aussi Paris poussent pour la nomination de l'ancien ambassadeur Nawaf Salam à la tête d'un
"gouvernement neutre".
Ce diplomate chevronné, qui avait représenté son pays à l'ONU, est juge à la Cour internationale de justice (CIJ). La position de l'influent Hezbollah et celle de son allié, le chef du Parlement Nabih Berri, n'a pas encore été dévoilée, souligne le quotidien.
Le chef de la diplomatie française, Jean-Yves le Drian, a appelé dès lundi soir le Liban à la
"formation rapide d'un gouvernement qui fasse ses preuves auprès de la population".
Mais dans la rue, les négociations politiques en cours laissent quasi indifférents des Libanais épuisés. Une semaine après le drame, ils sont encore dans les quartiers dévastés de Beyrouth en train de déblayer eux-même les décombres, fustigeant l'inertie des pouvoirs publics.
L'enquête se poursuit et une vingtaine de personnes ont été interpellées, des responsables, des fonctionnaires et des ingénieurs du port et de l'Administration des douanes.