Pourquoi le Liban a-t-il pris une telle mesure ? Pourquoi maintenant ?
Le Liban est le pays qui accueille le plus de réfugiés au monde par rapport à sa population (environ 4 millions d'habitants, ndlr). Là-bas, un habitant sur cinq est un réfugié. Il y a essentiellement des réfugiés syriens : ils sont un peu moins d'un million hébergés au Liban. Jusqu'ici, ils choisissaient de se rendre dans ce pays parce qu'ils pouvaient y entrer sans visa. C'était vraiment une destination privilégiée pour eux.
Aujourd'hui, le Liban décide que cette situation, où 1% de la population sont des réfugiés, n'est plus tenable. Il essaie donc, avec l'instauration de ces visas, de dévier les réfugiés vers d'autres destinations comme la Turquie ou la Jordanie. Voilà le sens politique de cette mesure.
Pourquoi maintenant ? Je pense que le gouvernement libanais estime que le pays a atteint une sorte de seuil, de capacité limite. Ou alors c'est parce qu'on est au début de l'année et que c'est souvent le moment propice pour prendre de nouvelles mesures.
Quelles conséquences cette politique de visas peut-elle avoir sur les relations entre la Syrie et le Liban, sachant que les ressortissants de ces deux pays voisins avaient l'habitude de circuler avec une simple carte d'identité ?
Pour le moment, je n'ai pas vu de réaction côté syrien. Mais c'est un choc pour les Syriens et les Libanais car ce sont deux pays proches, deux pays amis. C'est comme si la France mettait en place une politique de visas applicable aux ressortissants belges. On peut imaginer que cela provoquerait des incidents diplomatiques.
Le gouvernement syrien est un peu défaillant donc je ne suis pas sur qu'il y ait une véritable réaction ou crise diplomatique. Il a d'autres "chats à fouetter", malheureusement. Mais pour les populations, j'imagine que cela doit être un choc psychologique important.
La question sera de voir si le gouvernement libanais, une fois la crise syrienne terminée, reviendra à une politique sans visa. Ce n'est pas garanti.
Désormais, quelles sont les options pour les Syriens qui souhaitent quitter leur pays en guerre ?
L'option numéro une, celle qui s'applique à la majorité des Syriens, est d'être coincés dans leur pays et victimes de cette guerre. L'option numéro deux est de tenter sa chance dans un autre pays "ami" comme la Jordanie ou la Turquie. L'option numéro trois est de tenter la traversée de la Méditerranée. Les options deux et deux étant combinables. En effet, les cargos que l'on a vu dérivés au large de l'Italie transportaient des réfugiés syriens qui venaient de Turquie notamment.
Comment réagissent les organisations internationales qui aident et soutiennent les migrants ?
Pour le moment je n'ai vu que la réaction du HCR qui déplore la mise en place des visas. Elle a demandé à ce qu'une exemption soit faite pour ceux qui fuient la guerre et le Liban a refusé puisque le but est de décourager ceux qui fuient le conflit.
D'un autre côté, jeter la pierre sur le Liban me parait difficile sachant le peu qu'à fait l'Union Européenne pour héberger les réfugiés et l'immense effort qui a déjà été consenti par le Liban comme par la Turquie. Je ne dis pas que c'est légitime, je dis qu'on peut les comprendre. S'il y avait 12 ou 15 millions de réfugiés en France, je ne pense pas que le gouvernement réagirait très bien.