Fil d'Ariane
Le Premier ministre par intérim a rejeté les déclarations du secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres qui a affirmé, il y a quelques jours lors d'une interview à RFI et France 24, que les 46 soldats ivoiriens détenus au Mali depuis début juillet n'étaient pas des "mercenaires", contredisant les accusations de Bamako.
"Souffrez que je vous exprime mon profond désaccord suite à votre récente sortie médiatique", a lancé le colonel, qualifiant l'affaire de "bilatérale et judiciaire".
Alors que cette affaire a tourné à la crise diplomatique entre les deux pays voisins, il a estimé que cela "ne (relevait) pas des attributions du secrétaire général des Nations unies".
"M. le secrétaire général, le Mali tirera toutes les conséquences de droit de vos agissements", a-t-il ajouté, avant de répéter sa demande d'une réforme de la force de maintien de la paix de l'ONU au Mali, la Minusma, en cours de revue par l'ONU.
Les autorités françaises (...) se sont transformées en une junte au service de l'obscurantisme.
Le colonel Abdoulaye Maïga, Premier ministre par intérim du Mali
Le colonel Maïga a également vertement critiqué plusieurs responsables africains, comme le président nigérien Mohamed Bazoum, qu'il a accusé de ne pas être nigérien, ou le chef de l'Etat ivoirien Alassane Ouattara, en décrivant la "manoeuvre" permettant à un président de "conserver le pouvoir pour lui seul et son clan" en changeant la Constitution pour obtenir un troisième mandat.
Il a également accusé le président en exercice de la Cédéao (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest), le Bissau-Guinéen Umaro Sissoco Embalo, de "mimétisme" des Nations unies.
"Il est important de lui préciser que le secrétaire général des Nations unies n'est pas un chef d'Etat et le président en exercice de la Cédéao n’est pas un fonctionnaire. Par conséquent, il serait indiqué qu'il ne banalise pas la Cédéao", a-t-il déclaré.
(Re)voir : Mali : nouvelle "escalade" verbale contre la France
Évoquant le retrait des militaires français de la force Barkhane du Mali, il a estimé lors de son discours à l'Assemblée générale des Nations unies que le Mali avait été "poignardé dans le dos par les autorités françaises".
"Les autorités françaises, profondément anti-françaises pour avoir renié les valeurs morales universelles et trahi le lourd héritage humaniste des philosophes des lumières, se sont transformées en une junte au service de l'obscurantisme", a déclaré, trois fois, le colonel Maïga désigné Premier ministre par intérim en août par le chef de la junte malienne, le colonel Assimi Goïta.
Accusant la France de "pratique néocoloniale, condescendante, paternaliste et revancharde", il a en revanche salué "les relations de coopération exemplaire et fructueuse entre le Mali et la Russie".
Paris n'a pas réagit à ces accusations.
L'année dernière, à la même tribune de l'ONU, le Premier ministre malien de l'époque Choguel Kokalla Maïga prononçait déjà un discours déclenchant la colère de Paris.
M. Maïga affirmait alors que l'annonce par le président Emmanuel Macron en juin 2021 de la réorganisation de la présence militaire française, avec la fin programmée de Barkhane, représentait pour le Mali "une espèce d'abandon en plein vol", dénonçant un "manque de concertation" et une décision "unilatérale".
Il justifiait par la suite l'ouverture de discussions avec la société militaire privée russe Wagner par la nécessité de "combler le vide" que laisserait selon lui le redéploiement français.
(Re)voir : la France réagit aux propos du Premier ministre Malien
Le président français Emmanuel Macron qualifiait alors de "honte" les accusations d'"abandon" du Mali par la France portées par le Premier ministre de transition.
La ministre française des Armées de l'époque, Florence Parly, avait elle qualifié d'"inacceptables" les propos tenus par Choguel Kokalla Maïga
"L'objectif" du recours à Wagner "est de ne pas tenir les engagements pris vis-à-vis de la communauté internationale" prévoyant que la junte militaire rende le pouvoir aux civils en organisant des élections en février 2022 au Mali, a commenté la ministre française.
"J'ai l'impression que la date" sur laquelle les autorités maliennes, arrivées au pouvoir via un coup d'Etat en août 2020, se sont engagées "ne leur convient pas parfaitement, et qu'ils ont envie de faire durer la chose. Mais de là à s'essuyer les pieds sur le sang des soldats français, c'est inacceptable", avait-elle alors lancé.
De son côté, le commandant de Barkhane, le général Laurent Michon, assurait qu'au contraire la décision d'évacuer les forces françaises de leurs trois positions les plus septentrionales au Mali avait été mûrement réfléchie et discutée.
"Le projet de quitter Kidal, Tessalit et Tombouctou date d'il y a à peu près deux ans, 18 mois à deux ans", déclarait à la presse le général Michon, après avoir rencontré le président mauritanien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, le ministre de la Défense Hanena Ould Sidi et le chef d'état-major.
"Il a été élaboré avec les chefs d'Etat de la zone G5 (G5 Sahel: Mauritanie, Mali, Niger, Burkina Faso et Tchad, NDLR), notamment à Bamako et à Niamey avec des autorités politiques qui connaissent le projet, qui le souhaitent, dans le cadre de l'Accord de paix" au Mali signé en 2015, ajoutait-il.
Rien de surprenant dans la mesure où depuis un an, il n'y a pas vraiment eu de réponse aux questions et aux nombreuses accusations que le Mali a porté.
Samba Gassama, membre de la societé civile de la diaspora malienne