Fil d'Ariane
Depuis son entrée en décembre au gouvernement formé par Benjamin Netanyahu, le plus à droite de l'histoire d'Israël, Itamar Ben Gvir a promis d'oeuvrer pour que les prisonniers palestiniens ne soient pas traités avec trop d'égards.
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Après une visite en janvier à la prison de Nafha, dans le désert du Néguev, il avait déclaré aux médias israéliens vouloir faire en sorte "que les meurtriers de Juifs ne bénéficient pas de meilleures conditions", après la construction de nouvelles cellules.
Le ministre, qui appartient au courant sioniste religieux, a dit aussi vouloir s'assurer que les détenus palestiniens, qu'il qualifie de "terroristes", ne se voient plus servir "de la pita (ou pain) fraîche tous les matins, comme s'ils étaient au restaurant".
"Pas sous ma responsabilité", avait-il promis, en ordonnant la fermeture de ce qu'il avait appelé des "boulangeries" ouvertes selon lui dans deux prisons israéliennes.
Il s'exprimait après une attaque menée par un Palestinien, qui avait tué sept personnes près d'une synagogue à Jérusalem-Est, occupée et annexée par Israël, le 27 janvier.
Les services pénitentiaires israéliens ont refusé de confirmer l'existence de ces boulangeries, ou que du pain frais soit servi aux prisonniers.
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Les propos incendiaires de M. Ben Gvir ont suscité de vives réactions. Dans la bande de Gaza, contrôlée par le mouvement islamiste palestinien Hamas, des manifestants ont brandi des pancartes portant les mots: "Ben Gvir, va en enfer".
Dans un mémorandum adressé à des diplomates étrangers à Jérusalem, que l'AFP a pu lire, le Hamas a averti que toute tentative de porter atteinte aux droits des prisonniers reviendrait à "franchir toutes les lignes rouges", qualifiant ce sujet de "détonateur".
"Dans chaque famille en Cisjordanie il y a au moins une personne qui a été arrêtée ou traduite devant la justice militaire", explique à l'AFP Milena Ansari, de l'ONG palestinienne de défense des prisonniers Addameer.
"C'est donc un sujet qui touche profondément le coeur de l'identité palestinienne", relève-t-elle.
Selon Addameer, environ 800 000 Palestiniens sont passés dans les prisons israéliennes depuis la guerre israélo-arabe de juin 1967 et le début de l'occupation des territoires palestiniens.
Le ministre, qui dirige le parti Force juive, a été inculpé de nombreuses fois depuis son adolescence pour incitation au racisme et pour soutien à une organisation "terroriste" en raison de ses liens avec un groupe juif extrémiste interdit.
M. Ben Gvir prône l'annexion par Israël de la Cisjordanie et le transfert vers les pays voisins d'une partie des Arabes israéliens, descendants des Palestiniens restés sur leurs terres après la création d'Israël en 1948.
Il a aussi demandé que les Palestiniens poursuivis pour terrorisme soient passibles de la peine de mort, un sujet qui n'entre pas dans le cadre de ses compétences ministérielles.
Environ 4700 Palestiniens sont actuellement détenus dans des prisons israéliennes, dont 190 ont moins de 18 ans, selon Addameer.
Selon Basil Farraj, un chercheur spécialisé dans la question des détenus palestiniens, la prison est un facteur de rapprochement entre les membres du Hamas et ceux du Fatah, le mouvement du président palestinien Mahmoud Abbas.
"La résistance des prisonniers contre les pratiques israéliennes" encourage l'unité et M. Ben Gvir "veut briser ce sentiment d'une organisation politique", explique-t-il.
Le fils du dirigeant palestinien incarcéré Marwan Barghouthi a raconté à l'AFP qu'il n'avait pas été autorisé à entrer en contact avec son père depuis trois mois.
Marwan Barghouthi a été condamné plusieurs fois à la prison à perpétuité pour son rôle dans l'organisation d'attentats anti-Israéliens au cours de la seconde Intifada (2000-2005).
"Les Israéliens aiment créer des symboles et détruire ces symboles pour créer l'illusion de victoires", relève Qassam Barghouthi. Mais il avertit : "Tout ce qu'ils lui feront aura pour seul effet d'accroître le soutien que lui apportent les Palestiniens".