Un accord a minima a été adopté, samedi 23 novembre 2013, à Varsovie au terme de la conférence sur le climat. Les signataires s'engagent à préparer des "contributions" pour la conférence de Paris prévue en 2015 qui fixera enfin (peut-être...) la réduction des gaz à effet de serre... Ironiquement, la Pologne, le pays hôte, a été pointée du doigt pour son utilisation intensive du charbon, une source d'énergie particulièrement polluante. Mais le charbon semble avoir de beaux jours devant lui. Explications d'un succès planétaire.
N'en déplaise aux écolos, le charbon est l’une des énergies les plus utilisées au monde, avec près de 29% de la consommation mondiale, contre 32% pour le pétrole. Une consommation qui augmente depuis quelques décennies.
La raison ? Son coût, particulièrement faible par rapport à celui d'autres énergies, mais aussi l'absence des contraintes de sécurité que connaît par exemple le nucléaire. Une opportunité pour des pays comme la Chine ou l'Inde, où la demande en énergie, plus particulièrement en électricité, augmente régulièrement. Loin devant tous les autres pays, la Chine est à la fois le plus grand consommateur et le plus grand producteur de charbon au monde, avec à chaque fois près de la moitié du total mondial (voir la carte ci-dessous).
Dans le Top 10 des consommateurs/producteurs de charbon, on trouve aussi l'Afrique du Sud. "Elle produit traditionnellement du charbon, explique Jean-Marie Martin-Amouroux, ancien directeur de recherche au CNRS et de l'Institut d'économie et de politique de l'énergie, à Grenoble. Depuis quelques années, on en trouve alentour, notamment au Mozambique. Et là, plus que les Chinois, ce sont les Indiens qui y investissent massivement. Car il est de très bonne qualité." Le Bostwana, lui, comporte 200 milliards de tonnes de réserves dans sous-sol, non exploitées, précise le chercheur. "Ce sont de nouveaux marchés, dont l'exploitation se fait forcément en collaboration avec des compagnies étrangères", commente Nathalie Desbrosses, responsable de l'analyse des marchés à Enerdata.
Toujours dans ce classement des dix plus grands consommateurs et producteurs, la Pologne, hôte de la conférence environnementale. "Le charbon y représente 80% de l'électricité, évoque Jean-Marie Martin-Amouroux. Et en Allemagne, plus de 40%." Des villages sont même déplacés pour laisser place à de gigantesques mines à ciel ouvert (voir vidéo ci-contre), dans ce pays utilisateur et producteur de lignite.
Principaux pays producteurs et consommateurs de charbon dans le monde (source Enerdata):
Le charbon est la principale énergie émettrice de CO2 avec 44% des émissions totales, devant le pétrole et le gaz. Des émissions qui résultent de sa combustion.
Si aujourd’hui, des centrales thermiques modernes peuvent contrôler les émissions de pollutions, autres que celles de CO2, ces dernières restent "inévitables", constate Jean-Marie Martin-Amouroux. Des entreprises comme Alstom, Arcelor ou l’IFP travaillent sur des solutions pour les enrayer. Par exemple, le captage/stockage de CO2. Un système qui permettrait d'intercepter les émissions avant leur diffusion dans l'atmosphère, pour les enterrer. Mais avec un frein de taille : le prix. "Lorsque l’on produit un megawatt/heure avec une centrale thermique, cela coûte 40 dollars. Le faire sans carbone, cela coûte 80 dollars !" comptabilise Jean-Marie Martin-Amouroux. Une très faible quantité de la production devrait donc bénéficier d'un tel système dans les vingt prochaines années, estime-t-il.
Mais, pour le chercheur, c’est l’efficacité des centrales thermiques qui permettra principalement de réduire les émissions, et la pollution. Avec, parmi les pays les plus en avance sur ce sujet, la Chine. "Elle possède encore de nombreuses vieilles centrales, mais elle les ferme et les remplace progressivement."
Malgré la pollution engendrée, les dégâts qu’il est susceptible de poser autour des mines, et son statut d’énergie fossile, la consommation de charbon est vouée à croître. "Dans l’état actuel des choses, on ne voit pas comment limiter la croissance de la consommation de charbon", exprime Jean-Marie Martin-Amouroux. En cause : la croissance démographique, dans des pays qui, économiquement, peuvent difficilement accéder à d’autres ressources pour produire leur électricité. En Asie et en Afrique, les deux régions du monde pour lesquelles la population est la plus appelée à augmenter. "Actuellement, on ne sait pas produire de l’électricité à un prix plus bas que celui des centrales à charbon. Sauf si vous vivez sur un gisement de gaz, évidemment…", conclut fataliste, le chercheur.
Pour lui, "la seule manière de renchérir le charbon, c’est d’appliquer des normes énergétiques strictes, type obligation de mettre en place du captage/stockage de CO2."
Quelles réserves ?
Contrairement au pétrole, le charbon est doté de très nombreuses réserves. Autrement dit, on peut encore l'exploiter un moment sans se préoccuper de sa raréfaction. "Ces réserves prouvées sont de l'ordre de 1 000 milliards de tonnes, avance Jean-Marie Martin-Amouroux. Et les ressources, c'est-à-dire tout ce que les géologues pensent qu'on pourrait exploiter, sont vingt fois supérieures, soit 20 000 milliards de tonnes. Alors qu'à l'heure actuelle, on exploite 6 millions de tonnes par an."
A quoi sert-il ?
40% de l'électricité mondiale est produite à partir de charbon, suivi par le gaz naturel à 23%. Les énergies renouvelables type photovoltaïque ou éolien ne représentent que 5% de la production mondiale d'électricité.
Inversement, 62% du charbon sert à produire de l'électricité. Dans les 38% restant, 9% servent à la sidérurgie. Le charbon est ressource "irremplaçable" dans ce secteur selon Jean-Marie Martin-Amouroux. car nécessaire pour réduire le minerai de fer. En revanche, pour ses autres utilisations "il serait remplaçable par une autre source d'énergie... sauf que c'est le moins cher !" relate le chercheur.