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Dominique Chivot est journaliste et spécialiste du Vatican. Invité du JT de TV5MONDE, il décrypte les enjeux de la rencontre historique du pape François et du patriarche russe Kirill à Cuba, ce vendredi 12 février.
Interview de Laure de Matos
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Le pape François et le patriache Kirill : tête-à-tête historique à Cuba

En escale à la Havane, le chef de l'Eglise catholique va rencontrer, ce vendredi 12 février, le patriarche orthodoxe russe Kirill. C'est la première tentative de rapprochement depuis le Grand Schisme en 1054.
C'est peu avant 8 heures (7 heures GMT) que l'avion du pape François a quitté Rome, ce vendredi, pour une rencontre historique à Cuba avec le patriarche orthodoxe russe Kirill. Le pape enchaînera avec cinq jours intenses au Mexique, où il plaidera pour les droits des immigrés et contre la violence endémique. Mais avant cela, son escale à La Havane lui permettra, pour la première fois depuis le schisme entre Eglises d'Orient et d'Occident en 1054, de rencontrer le 16ᵉ patriarche de l'Église orthodoxe russe - la plus importante des Eglises orthodoxes, avec plus de 130 millions des 250 millions d'orthodoxes.

D'une même voix

Accueilli par le président cubain Raul Castro, le pape s'entretiendra avec le patriarche à l'aéroport. Les deux hommes signeront ensuite une longue déclaration commune qui devrait évoquer les persécutions contre les chrétiens - orthodoxes comme catholiques - au Moyen-Orient et la défense des valeurs chrétiennes dans le monde.

Cette rencontre, le Vatican tentait de l'organiser en vain depuis des décennies. Elle a d'ailleurs été tenue secrète jusqu'au dernier moment tant les résistances étaient grandes au sein du patriarcat. "La Russie peut donner beaucoup" pour la paix mondiale, déclarait récemment le pape dans une interview, en faisant état de "convergences" dans l'analyse des "Printemps arabes".

Le Kremlin en coulisses

Les liens étroits entre le patriarcat et le Kremlin donnent aussi à la rencontre une dimension stratégique : "A l'arrière-plan, il y a un troisième protagoniste", le président russe Vladimir Poutine, que le pape a reçu deux fois, analyse sur son blog le vaticaniste Marco Politi. "Il serait ingénu de penser que la soudaine disponibilité du patriarche n'est pas liée à la situation de la Russie dans ce moment géopolitique", estime Marco Politi, citant en particulier le rôle que Moscou veut jouer, avec Washington, "dans la stabilisation de la situation syrienne et dans l'endiguement du terrorisme jihadiste".

Un porte-parole du patriarcat, Alexandre Volkov, dément ces analyses, en "garantissant à 100% que la rencontre n'a rien à voir avec la politique". Il espère "de nouvelles perspectives de coopération mutuelle" entre orthodoxie russe et catholicisme, sans pour autant parler d'une étape vers "l'unité" entre les deux Eglises. Méfiance à l'égard d'une Eglise catholique perçue comme prosélyte, crise ukrainienne où les grecs-catholiques ont pris le parti de Kiev contre les pro-Russes: les rancoeurs ne manquent pas envers Rome, même si le Saint-Siège a évité de condamner ouvertement la politique de Vladimir Poutine en Ukraine.

Le pape au Mexique : violences, migrants, corruption

Après son rendez-vous à Cuba, le pape est attendu à 19h30 heure locale à Mexico, où il devrait être accueilli par des centaines de milliers de fidèles sur les 18 km du trajet entre l'aéroport et la nonciature. Durant les cinq jours de la visite, des millions de fidèles du deuxième pays le plus catholique, avec près de 100 millions de baptisés, chercheront à l'apercevoir lors de ses nombreux trajets en papamobile, surveillés par 13 250 policiers.

Outre  la corruption et le sort des migrants, qui traversent le Mexique pour se rendre aux Etats-Unis, le message du pape au Mexique est axé sur la violence multiforme - une mutinerie a fait jeudi au moins 52 morts dans une prison de Monterrey (nord-est). Selon des chiffres remis au pape en décembre par des ONG, 80 000 personnes sont mortes et 26 000 autres portées disparues dans les violences au Mexique depuis 2006.


Ce voyage est le 12e à l'étranger pour le pontife argentin, et le 7e d'un pape au Mexique, après les cinq visites de Jean Paul II, véritable héros national, et celle de Benoît XVI en 2012. François, qui ne se laisse pas dicter ses destinations, a voulu se rendre dans quelques-unes des régions les plus violentes d'Amérique Latine et du monde : depuis le Chiapas, à la frontière du Guatemala, jusqu'à Ciudad Juarez, aux portes du Texas.

En touchant les frontières sud et nord du pays, par où entrent et repartent les migrants en route vers les Etats-Unis, le pape devrait reprendre l'un de ses thèmes prioritaires : l'accueil de ces personnes vulnérables souvent enlevées, tuées, rançonnées ou enrôlées par les gangs. En pleines primaires américaines, alors que certains candidats républicains emploient un langage xénophobe, le pape cherchera aussi à faire entendre sa voix au nord du Rio Grande.