Sur les dossiers d'ouverture (divorce, célibat, homosexualité), peut-on prendre le Pape au sérieux sur ses volontés de réforme ? Le Pape François ne peut pas être réduit à ses annonces. Il est avant tout un religieux jésuite, qui plus est un provincial jésuite, c'est à dire qu'il a été responsable des communautés jésuites sur l'ensemble de son pays natal, l'Argentine. Quand un jésuite prend une décision, il s'attend à ce qu'elle soit appliquée. Donc le Pape sait ce que c'est que le gouvernement. Il est habitué à la prise de décision, et à leur suivi. Le Pape rappelle, à chaque fois qu'il prend une décision, qu'il a été mandaté par le collège des cardinaux qui l'a élu avec un certain nombre de missions précises. Par ailleurs, certains l'appellent "la bombe à mèche lente", un homme qui prend donc son temps, qui consulte énormément, mais qui, une fois déterminé, décide. Il a également un passé fait de nombreuses expériences. Après analyse, on voit bien que tout au long de sa vie, il a été amené à gouverner un grand diocèse et à décider. Il est donc habilité à gouverner la Curie, ce qui n'était pas le cas de son prédécesseur. Le Pape Benoit XVI n'écoutait pas ses "ministères", il n'y avait pas de concertation. Par exemple, la question des divorcés remariés remonte du monde entier, et notamment des diocèses des pays d'Europe occidentale. Les évêques se trouvent dans une situation de grande précarité dans la gestion quotidienne de ce statut difficile des divorcés remariés (qui n'ont pas accès au sacrement de l'eucharistie). Ce dossier sera ouvert l'année prochaine à Rome, lors d'un prochain
synode des évêques, sorte d'assemblée générale des évêques du monde entier. Donc la question qui se pose n'est pas tant la mise en œuvre de sa volonté d'ouverture, qui va être réelle et sérieuse, mais de quelle nature seront les oppositions qui pourront se manifester contre cette volonté de réforme. Quels pourraient justement être les obstacles aux réformes du Pape François ? Le premier obstacle serait l'inertie. L’Administration vaticane, depuis les années Jean-Paul II jusqu'à aujourd'hui, n'a pas été gouvernée. C'est une bureaucratie et elle a appris à travailler dans une grande autonomie. Et là, il est très possible que la
Curie - l'Administration - manifeste une certaine forme d'inertie. A titre de comparaison, en France, quand un gouvernement change, les ministres passent mais l'Administration reste. Il est possible que les 2000 personnes de l'Administration vaticane, qui ne changent pas avec les Papes, fassent blocage, à cause peut-être d'un manque de créativité ou le souci de reproduction par rapport aux pontificats précédents. L’Administration vaticane a aussi ses habitudes, qu'elle ne voudra peut-être pas bousculer. Par ailleurs, le Pape a choisi de mettre en cause un certain nombre de
privilèges et de comportements financiers, des petits arrangements entre amis qui sont d'ailleurs très propres à l'Italie et qu'on retrouve à l'intérieur de la Curie romaine. Donc il y a des intérêts matériels qui vont être mis en cause par cet assainissement, et des opposants vont du même coup se manifester et protester. Sur le fond, en ce qui concerne les autres pays que l'Italie, cette nouvelle attitude, que propose le Pape François à l’Église, est une attitude de dialogue, d'écoute, d'échange, et non pas de condamnation, d'opposition ou d'enseignement. Cette nouvelle posture va donc susciter probablement une perplexité voire un désarroi dans les cercles de l'Église plus classiques, plus traditionnels. Et toute la question est de savoir de quelle façon va se manifester ce désarroi. Il est trop tôt pour le dire.