Le dessinateur Plantu a expliqué à la barre du tribunal correctionnel de Paris qu'en publiant un dessin du pape Benoît XVI sodomisant un enfant, il voulait dénoncer le silence au sein de l'Église face aux actes de pédophilie, mais nullement "humilier les croyants". L'Alliance générale contre le racisme et le respect de l'identité française et chrétienne (Agrif), association proche des catholiques traditionalistes, poursuit Plantu pour ce dessin, publié le 22 mars 2010 sur le site du dessinateur (
www.plantu.net) et repris le 3 avril suivant par Le Monde Magazine. Intitulé "Pédophilie : le pape prend position", il mettait en scène le pape sodomisant un enfant qui déclarait: "Quitte à se faire enculer, autant aller voter dimanche!", en référence aux élections régionales. Il s'agissait de dénoncer "la double souffrance" des enfants abusés par des ecclésiastiques et "le silence assourdissant" de l'Église, "un second viol", a expliqué Plantu, gardant un feutre à la main. Mais il n'était pas question d'"humilier les croyants", a poursuivi le dessinateur. "Quelle chance de travailler au Monde pour pouvoir publier et venger ces enfants qui ont été blessés", a-t-il ajouté. Dans le magazine, le dessin se trouvait parmi d'autres sur une page consacrée à Jean-Paul II et Benoît XVI. Le dessinateur, qui a créé avec l'ancien secrétaire général de l'ONU Kofi Annan l'association "Cartooning for peace", a souligné que de "plus en plus" d'extrémistes lancent des "fatwas" pour tenter de s'en prendre à la liberté d'expression. Il avait dit-il reçu "30.000 mails" de protestation. "Est-ce qu'on doit se choquer de ce dessin, ou est-ce qu'on doit se choquer de ce qu'il exprime", s'est interrogé l'ancien directeur du Monde Éric Fottorino, poursuivi en tant que responsable de la publication. L'Agrif fait une toute autre lecture du dessin. Elle avait porté plainte en mars 2011 pour "provocation à la haine ou à la violence" envers les catholiques. Ces derniers "se sont sentis agressés", plaidé l'avocat de l'association, Me Jérôme Triomphe, pour qui "ce n'est pas Benoît XVI qui est visé", mais "la communauté des catholiques". Pour lui, "on ose car les catholiques sont réputés ne pas réagir". Selon la procureur Aurore Chauvelot, ce ne sont pas les catholiques qui sont visés, "très loin de là". Pour l'avocat de Plantu, Me Christian Charrière-Bournazel, l'Agrif n'a pas vocation à représenter les catholiques en général, elle est une association de "fondamentalistes", qui "agit de manière un peu intempestive". Surtout, a-t-il plaidé, l'action est irrecevable, car "c'est bien la personne du cardinal Ratzinger qui est visée". "Que l'on aime ou que l'on n'aime pas", a-t-il ajouté, ce dessin "ne peut pas tomber sous le coup de la loi". "Nous sommes dans la caricature, qui est par nature même excessive", a-t-il souligné. Le jugement a été mis en délibéré au 30 septembre.