Le Pape François reçoit des victimes de prêtres pédophiles

Après avoir reçu six victimes de prêtres pédophiles, le pape François a dénoncé "la complicité inexplicable" d'une partie du clergé à l'égard des prêtres et des évêques coupables d'abus sexuels. Rencontre avec Odon Vallet, spécialiste de l'histoire des religions et des civilisations, qui évoque la position du pape François sur cette question et rappelle  "l'immaturité affective de certains prêtres" pour expliquer ces affaires de pédophilie.
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Le Pape François reçoit des victimes de prêtres pédophiles
Le pape François promet qu'il “ne tolèrera aucun mal “ fait à un mineur
(photo AFP)
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"Tolérance zéro" Le pape François a rencontré pour la première fois au Vatican un groupe de victimes de prêtres pédophiles, confirmant la volonté, déjà manifestée par Benoît XVI, de rompre avec la tolérance coupable du passé et le manque de solidarité avec les enfants abusés. Le pape François a dénoncé  "la complicité inexplicable" d'une partie du clergé avec des prêtres et des évêques pédophiles, et promis qu'il "ne tolèrerait aucun mal" fait à un mineur. Lors d'une messe dans sa résidence Sainte-Marthe, en présence de six victimes, trois hommes et trois femmes (deux Allemands, deux Britanniques, deux Irlandais), le pape argentin a affirmé que la douleur des victimes et les suicides "pèsent sur la conscience de l’Église". "Depuis un certain temps déjà, j'ai ressenti dans mon cœur une profonde peine et une souffrance" pour ces abus "si longtemps dissimulés, camouflés avec une complicité inexplicable", a-t-il dit dans une homélie. Rencontre avec Odon Vallet, spécialiste de l'histoire des religions et des civilisations. Il évoque "l'immaturité de certains prêtres" pour expliquer ces affaires d'abus sexuels.
Le Pape François reçoit des victimes de prêtres pédophiles
Odon Vallet, spécialiste de l'histoire des religions et des civilisations
(DR)
C'est un nouveau signe d'ouverture du Pape François que de recevoir directement au Vatican des victimes d'abus sexuels ? Le Pape reçoit des victimes et peu importe le lieu de la réception ! L'important est qu'il les écoute. Le pape François est tout à fait dans la même ligne que Benoit XVI qui, déjà, s'était montré extrêmement sévère à l'égard de ces prêtres abuseurs d'enfants ou d'adolescents et le pape Benoit XVI avait instauré la tolérance zéro. Le pape François est dans cette ligne. A la différence du pape Jean-Paul II qui lui n'avait pas manifesté un très grand intérêt pour ce type de problèmes. Il craignait que l'on dise du mal des prêtres, pour des raisons politiques ou autres. François et Benoit sont sur la même ligne de sévérité. Le pape François dénonce la "complicité inexplicable" d'une partie du clergé. Comment vous l'expliquez, cette complicité ? C'est très compliqué. N'oublions pas que les hommes qui abusent d'enfants ou d'adolescents sont parfois des hommes mariés, des pères de familles etc. D'ailleurs, la meilleure preuve c'est que depuis que certains mouvements de jeunesse sont dirigés par des laïques et non par des prêtres, il y a quand même des questions d'abus sexuels sur mineurs. Le problème, qui existe sur les cinq continents, ce n'est pas forcément le célibat des prêtres. On peut penser qu'il y a un manque de maturité affective chez certains prêtres et lorsqu'ils ont 30 ou 40 ans, au fond d'eux-mêmes ils ont toujours 12 ans et ils ont une tendance à être attiré par ceux qui ont le même âge mental qu'eux. Ça c'est un vrai problème : l'immaturité affective de certains prêtres mais aussi la formation. Je pense à ceux qui sont passés du petit au grand séminaire  et puis ensuite sont devenus prêtres, ceux-là  n'ont vu que des garçons pendant toute leur jeunesse, leur enfance. Ils n'ont jamais vu d'autres milieux... Est-ce qu'il serait envisageable d'obliger des prêtres à dénoncer eux-mêmes ces affaires-là aux autorités du pays ? Énorme problème parce que là on touche au droit pénal, qui est différent selon chaque pays. Par exemple en France, un fonctionnaire à l'obligation de dénoncer les délits dont il a connaissance. Est-ce qu'on peut exiger des prêtres la dénonciation de tous délits ? Cela dépend  du code pénal de chaque pays. De la même façon, certains disent qu'il faudrait que  le secret de confession ne soit pas sauvegardé. C'est ce qu'a décidé l'église anglicane en Australie. Mais cela étant, cela pose encore d'autres problèmes avec un risque non négligeable de délation. On l'a vu récemment lorsqu'un évêque auxiliaire en Amérique Latine s'était vu accusé injustement d'abus sexuels sur mineurs. Il faut donc être prudent et savoir qu'il pourrait aussi y avoir des prêtres accusés injustement et cela mettrait le pape en très grande difficulté. Le pape François a constitué une commission d'experts pour la protection de l'enfance au sein des institutions de l’Église catholique. Où en sont les travaux ? Est-ce que cette même commission à une obligation de résultat ? A-t-elle les moyens nécessaires ? En général, on dit que l'on nomme une commission pour enterrer un problème, là, ça n'est pas le cas. Cette fois, on nomme une commission pour éclairer le pape. Mais n'oublions pas que l’Église catholique est présent dans 200 pays au monde, que le droit pénal est différent dans chaque pays contrairement au droit canonique , qui est unique au monde. Il y a certains pays où la justice pénale ne fonctionne pas, où les magistrats sont inexistants ou ne font pas leur travail, donc cela pose de véritables difficultés. Comment trouver une politique qui soit la même dans tous les pays du monde ? Par exemple, aux États-Unis, l’Église catholique a été condamné à de très lourdes peines ou amendes pour éviter des procès. Les transactions se chiffrent à plusieurs centaines de milliers de dollars. Mais vous avez des pays où cela n'est pas le cas du tout, où l'on peut acheter le silence. C'est très difficile de trouver une ligne d'action commune dans tous les pays de la planète... La pédophilie, c'est une sorte de cancer de l’Église catholique ? Le mot "pédophilie" n'est pas très juste. En grec, pédophilia veut dire "amitié pour les enfants". Il vaut mieux parler "d'abus sexuels" sur mineurs. Il y en a eu beaucoup au Canada chez les pasteurs protestants qui sont mariés, dans les pays bouddhistes avec des moines qui sont célibataires et il y en a beaucoup avec des gens qui n'ont pas de religion. Si lon parle de cancer, il faut dire que c'est un problème qui se pose mais dont on n'osait pas parler il y a trente ou quarante ans, contrairement à maintenant où l'on ose évoquer ouvertement ce problème qui concerne les religieux ou non. Reste que ces prêtres-là sont minoritaires. Mais ces crimes touchent le "tissu catholique" cependant.. Oui, cela touche le "tissu catholique", cela met en cause beaucoup de choses, dont le prestige du prêtre. Beaucoup de jeunes qui ont été victimes de ces abus ont décidé de quitter toutes pratiques religieuses. Cela a scandalisé beaucoup de gens. "Malheur à celui qui scandalise ses enfants" comme le disait Jésus.

Pédophilie : quand Plantu plante le décors

(AFP)
                 Le dessinateur Plantu a expliqué à la barre du tribunal correctionnel de Paris qu'en publiant un dessin du pape Benoît XVI sodomisant un enfant, il voulait dénoncer le silence au sein de l'Église face aux actes de pédophilie, mais nullement "humilier les croyants".                   L'Alliance générale contre le racisme et le respect de l'identité française et chrétienne (Agrif), association proche des catholiques traditionalistes, poursuit Plantu pour ce dessin, publié le 22 mars 2010 sur le site du dessinateur (www.plantu.net) et repris le 3 avril suivant par Le Monde Magazine.                   Intitulé "Pédophilie : le pape prend position", il mettait en scène le pape sodomisant un enfant qui déclarait: "Quitte à se faire enculer, autant aller voter dimanche!", en référence aux élections régionales.                   Il s'agissait de dénoncer "la double souffrance" des enfants abusés par des ecclésiastiques et "le silence assourdissant" de l'Église, "un second viol", a expliqué Plantu, gardant un feutre à la main.                   Mais il n'était pas question d'"humilier les croyants", a poursuivi le dessinateur. "Quelle chance de travailler au Monde pour pouvoir publier et venger ces enfants qui ont été blessés", a-t-il ajouté.                   Dans le magazine, le dessin se trouvait parmi d'autres sur une page consacrée à Jean-Paul II et Benoît XVI.                   Le dessinateur, qui a créé avec l'ancien secrétaire général de l'ONU Kofi Annan l'association "Cartooning for peace", a souligné que de "plus en plus" d'extrémistes lancent des "fatwas" pour tenter de s'en prendre à la liberté d'expression. Il avait dit-il reçu "30.000 mails" de protestation.                   "Est-ce qu'on doit se choquer de ce dessin, ou est-ce qu'on doit se choquer de ce qu'il exprime", s'est interrogé l'ancien directeur du Monde Éric Fottorino, poursuivi en tant que responsable de la publication.                   L'Agrif fait une toute autre lecture du dessin. Elle avait porté plainte en mars 2011 pour "provocation à la haine ou à la violence" envers les catholiques. Ces derniers "se sont sentis agressés", plaidé l'avocat de l'association, Me Jérôme Triomphe, pour qui "ce n'est pas Benoît XVI qui est visé", mais "la communauté des catholiques". Pour lui, "on ose car les catholiques sont réputés ne pas réagir".                   Selon la procureur Aurore Chauvelot, ce ne sont pas les catholiques qui sont visés, "très loin de là".                   Pour l'avocat de Plantu, Me Christian Charrière-Bournazel, l'Agrif n'a pas vocation à représenter les catholiques en général, elle est une association de "fondamentalistes", qui "agit de manière un peu intempestive". Surtout, a-t-il plaidé, l'action est irrecevable, car "c'est bien la personne du cardinal Ratzinger qui est visée". "Que l'on aime ou que l'on n'aime pas", a-t-il ajouté, ce dessin "ne peut pas tomber sous le coup de la loi".                   "Nous sommes dans la caricature, qui est par nature même excessive", a-t-il souligné.                  Le jugement a été mis en délibéré au 30 septembre.                
Pédophilie : quand Plantu plante le décors