Fil d'Ariane
La résolution a été adoptée ce vendredi par le parlement de Catalogne : la région devient un "Etat indépendant prenant la forme d'une République". Mariano Rajoy assure que "L'Etat de droit restaurera la légalité en Catalogne" et le Sénat a autorisé la mise sous tutelle de la Catalogne. Une procédure judiciaire va également être engagée contre le président catalan Carles Puigdemont pour "rébellion"...
Des dizaines de milliers d'indépendantistes ont laissé éclater leur joie, à Barcelone, peu après l'annonce : le parlement de Catalogne a adopté ce vendredi une résolution déclarant que la région devient un "Etat indépendant prenant la forme d'une République", avant d'entonner l'hymne indépendantiste. L'opposition s'est abstenue... Peu parès, le leader indépendantiste, Carles Puigdemont, a appellé les Catalans "à rester pacifiques et civiques".
Cette résolution demande à l'exécutif catalan de négocier sa reconnaissance à l'étranger, alors qu'aucun Etat n'a manifesté son soutien aux indépendantistes. Donald Tusk, le président du Conseil Européen le confirme : "L'Espagne reste la seule interlocutrice avec l'UE". Quant aux Etats Unis, ils ont annoncé qu'ils soutenaient "l'unité de l'Espagne".
Réaction du chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy : "L'Etat de droit restaurera la légalité en Catalogne". Le parquet général d'Espagne engagera la semaine prochaine une procédure judiciaire contre le président catalan Carles Puigdemont pour "rébellion", a indiqué un porte-parole du ministère public, après l'adoption vendredi au Parlement catalan d'une déclaration d'indépendance.
"Le parquet présentera une plainte la semaine prochaine pour rébellion contre Carles Puigdemont", un délit puni d'une peine de prison allant jusqu'à 30 an
Ce vendredi, le Sénat espagnol s'est réuni pour prendre une mesure sans précédent en 40 ans : la mise sous tutelle de la Catalogne, à laquelle les séparatistes catalans pouvaient répliquer par une déclaration d'indépendance.
La séance s'est ouverte peu après 10h00, en présence du chef du gouvernement, le conservateur Mariano Rajoy, avec de longs applaudissements dans l'hémicycle où les conservateurs sont majoritaires. Il a immédiatement pris la parole.
"C'est la première fois que l'on a recours à cet article depuis 1978", a dit le chef du gouvernement alors que le Sénat doit autoriser le gouvernement à faire usage de l'article 155 de la Constitution pour destituer l'exécutif indépendantiste catalan. Il a évoqué "une situation exceptionnelle", avec des conséquences "très graves pour beaucoup de personnes".
L'article 155 de la Constitution permet à l'Etat de prendre le contrôle d'une "communauté autonome si elle ne respecte pas les obligations qui lui sont imposées par la Constitution ou d'autres lois".
Ces paroles interviennent alors que la rupture est consommée entre les dirigeants séparatistes de la Catalogne et l'Espagne, dont les rapports n'ont cessé de se tendre depuis le début des années 2010.
Cette crise politique a franchi un nouveau palier et inquiète le reste de l'Europe qui la suit de près, même si l'UE se garde d'intervenir.
Face aux menaces de sécession des indépendantistes, Mariano Rajoy a demandé que le Sénat l'autorise à prendre des mesures drastiques: outre la destitution de l'exécutif indépendantiste de la région et la mise sous tutelle du Parlement catalan, ses pouvoirs devraient aussi lui permettre de mettre sous tutelle les médias publics et la police, le tout pendant une période pouvant durer six mois, avant des élections régionales en 2018.
Le gouvernement a assuré vouloir uniquement "restaurer l'ordre constitutionnel" alors que les Catalans sont divisés sur la question de l'indépendance.
Il s'agit de "l'emploi, la tranquillité des familles, qui sont en danger du fait de décisions capricieuses, unilatérales et illégales du gouvernement" catalan, avait assuré jeudi la vice-présidente du gouvernement, Soraya Saenz de Santamaria.
Mais ces mesures risquent d'entraîner une forte résistance — se voulant pacifique — en Catalogne, une région très attachée à cette autonomie récupérée après la fin de la dictature franquiste (1939-1975).
Les puissantes associations indépendantistes ANC et Omnium Cultural ont lancé des appels à manifester devant le Parlement catalan dès vendredi matin, avec le slogan : "La République nous attend, il faudra la défendre".
La mise sous tutelle de la région pourrait contribuer à alimenter le ressentiment contre le Parti populaire (PP) de Rajoy, qui avait déjà obtenu que la Cour constitutionnelle rabote en 2010 le statut d'autonomie de la Catalogne. Beaucoup estiment qu'elle pourrait même renforcer l'indépendantisme.
Le président séparatiste catalan Carles Puigdemont, a déjà lancé que ces mesures cachaient en fait "l'intention vengeresse" de l'Etat contre la région insoumise.
Jeudi, il a renoncé in extremis à convoquer des élections anticipées dans sa région, douchant les espoirs de ceux qui espéraient que cela ouvrirait un espace pour le dialogue et l'apaisement.
Il a laissé au Parlement catalan le soin de déterminer vendredi les conséquences de l'application du 155 "contre la Catalogne".
Les partis séparatistes -allant de l'extrême gauche au centre droit- sont majoritaires en sièges (72 sur 135) au parlement catalan depuis septembre 2015. Ils conduisent un processus, présenté comme irréversible, pour conduire la région à l'indépendance, au grand dam d'une bonne partie des Catalans qui veulent rester espagnols.
Vendredi, "nous proposerons que la réponse à l'agression incarnée par l'article 155 soit de poursuivre le mandat du peuple de Catalogne, tel qu'il découle du référendum" du 1er octobre, avait annoncé le député catalan indépendantiste Lluis Corominas.
Avec 90% de "oui" et 43% de participation --des chiffres non vérifiables-- les résultats du référendum d'autodétermination interdit et émaillé de violences policières sont présentés comme "un mandat" pour déclarer l'indépendance.
Reste à savoir si le camp indépendantiste restera assez soudé pour voter, vendredi, sa proclamation de "la République catalane". La démission jeudi du ministre chargé des entreprises au sein de l'exécutif catalan, Santi Vila, après avoir constaté que ses efforts pour le "dialogue" avaient échoué, montre que les jeux ne sont pas faits.
La région, qui contribue à hauteur de 19% au PIB espagnol, fait face à une inquiétante fuite d'entreprises, 1.600 ayant déplacé leur siège social ailleurs depuis début octobre.
La prolongation de la crise pourrait générer des retombées économiques très négatives pour la région comme pour le pays, 4e économie de la zone euro.