Fil d'Ariane
Personne ne savait où se trouvait l’instrument, jusqu’à cette journée d’août 2014. Et puis voilà, le piano du maître est arrivé au musée Hector-Berlioz dans sa maison natale de la Côte-Saint-André, en Isère. « Une acquisition exceptionnelle » pour Antoine Troncy, attaché de conservation et adjoint au responsable du musée.
La belle histoire commence lorsque le musée est contacté par une Normande. Elle affirme détenir un piano, de facture Erard, ayant appartenu à Berlioz. Bien que l’existence de l’instrument soit certaine - dans l’inventaire après-décès du compositeur, il est mentionné la présence d’un piano Erard - sa trace avait été perdue après la mort d’Hector Berlioz , en 1869.
La propriétaire, pendant ses recherches auprès de la Cité de la Musique, se rend compte que le piano en question a été acheté par une certaine Madame Berlioz résidant rue de Provence à Paris en 1847. « Des Berlioz résidant dans cette rue parisienne, à cette époque, il n’y en a pas beaucoup » se réjouit Antoine Troncy.
La Normande avait d’abord décidé de se séparer du piano en faisant appel à Emmaüs, qui lui avait répondu qu’ils ne prenaient en charge pas les "encombrants ". Puis, la propriétaire le met en vente sur le site français du Bon Coin.fr. Alertée par quelques internautes « berlioziens », elle commence ainsi ses recherches avec le numéro de série du piano : 19972.
Désormais certaine que le piano a bien appartenu à la famille Berlioz, elle contacte le musée pour lui proposer d’acquérir l’instrument. Pour Antoine Troncy, la réponse est aussitôt favorable et la direction de la culture du département de l’Isère accepte de financer l’acquisition du piano.
Comme la propriétaire souhaitait absolument que le piano soit jouable, elle entre, parallèlement, en relation avec la maison Erard à Amsterdam pour faire réparer l’instrument. « Nous avons donc acquis le piano restauré. D’où son prix de 55.000 euros, comprenant la restauration et le transport » précise l’attaché de conservation.
Même si Berlioz ne jouait pas de piano, seulement de la flûte et de la guitare, cette acquisition n’en est pas moins importante. « Au musée, nous avons un portrait de Berlioz assis sur un fauteuil de velours vert, qui nous a d’ailleurs été offert par la famille, et sur lequel on voit en arrière plan un piano Erard », déclare Antoine Troncy, fier de pouvoir reconstituer l’intérieur des appartements parisiens des Berlioz.
« Comme toute la génération des romantiques se rendait régulièrement chez Hector Berlioz, nous pouvons imaginer des mains telles que celles Liszt en train de jouer sur ce piano » enchérit l’attaché de conservation.
Franz Liszt était un ami très proche des Berlioz, par ailleurs témoin du premier mariage du compositeur isérois.
La seconde femme de Berlioz, Marie Recio, meanit une carrière de cantatrice à l’Opéra. Elle avait arrêté celle-ci après sa rencontre avec Hector. Toujours répétitrice, elle avait acheté l'instrument pour donner ses cours.
Depuis la restauration du piano de Berlioz, deux concerts ont été donnés avec le précieux instrument . C'était en Hollande, au mois de mai dernier. Le 20 juin, pour la présentation de l’instrument, Jean-François Heisser, pianiste et professeur au Conservatoire de Paris, se produisait au musée Hector-Berlioz. « Pour l’instant, le piano est exposé au musée, en dessous du portrait de Berlioz, mais puisqu’il est jouable et restauré, il y a aura sûrement d’autres concerts » prédit Antoire Troncy.
L'histoire est belle et se pique d'un détail savoureux. Si Berlioz ne prisait guère cet instrument, la cause en était un chagrin amoureux. Alors qu'il venait d'être Grand Prix de Rome, le musicien avait vu son amour s'envoler avec un certain Camille Pleyel... facteur de piano.