Avec un chômage qui touche 11,2% de la population active et une dette qui équivaut à 76,6% du PIB (Produit intérieur brut), le Portugal fait face à une grave crise politique et économique, où le plan d'austérité voulu par l'Europe sème la zizanie aussi bien à gauche qu'à droite. Le Premier ministre socialiste Jose Socrates a démissionné, parce qu'il proposait un retour à la rigueur, habituellement soutenu à droite, alors que cette fois, les conservateurs l'ont rejeté. De quoi y perdre son latin économique.
Effet domino : un pays européen de plus dans la tourmente
Le Premier président Jose Socrates le 23 mars 2011, le jour de l'annonce de sa démission. Photo AFP
Le Premier ministre portugais José Socrates a démissionné, après le rejet de son programme d'austérité par le Parlement. Après la Grèce et l'Irlande, le Portugal recherche des solutions à la crise financière en imposant même in extremis, un nouvel ordre du jour du Sommet des responsables européens des Vingt-sept à Bruxelles, le 24 et 25 mars 2011. Le rejet du plan de rigueur par l’ensemble de l’opposition et une partie de la gauche plonge le Portugal dans une totale incertitude, tant sur le plan politique qu'économique. L’Union européenne, emmenée par une Allemagne dominante, a décidé de voler au secours de Lisbonne. Mais avec quels moyens ? Éléments de réponse.
Une crise politique
« José Socrates a perdu la bataille, mais pas la guerre », titre le quotidien, El Jornal de Noticias du 24 mars 2011.
La démission du gouvernement entraîne des élections législatives, elles seront organisées d'ici juin 2011 au Portugal. Le Premier ministre sortant a annoncé qu'il serait en lice pour ce scrutin. Selon Ana Navarro Pedro, correspondante en France de l’hebdomadaire Visao, José Socrates espère secrètement gagner en juin prochain avec une plus large majorité. En mettant, ses opposants au pied du mur avec son plan de rigueur, il aurait provoqué une motion de censure. Par ailleurs, nous dit encore Ana Navarro Pedro, il aurait lancé en toute opacité un vaste programme de privatisations, un projet très mal vécu par l’ensemble de la classe politique. Le Premier ministre déclare que la crise politique ne sera résolue que par des élections. Malgré sa démission, le Portugal ne sera pas sans gouvernement. Le chef de file de l'opposition et du Parti social-démocrate portugais (PSD, centre-droit) Pedro Passos Coelho est donné favori pour assurer pour prendre la tête d’une équipe de transition.
Une crise économique
La Une du quotidien espagnol El Païs du 24 mars 2011 : “La crise provoque la chute de Socrates et laisse le Portugal à la merci d'un sauvetage.“
Avec une dette cumulée de plus de 126 milliards d’euros, soit 76,6% du PIB, le Portugal était considéré, depuis des mois, par les marchés comme le prochain candidat à un soutien financier de l'Union européenne et du Fonds monétaire international (FMI). L'instabilité politique devrait encore accentuer l'urgence d'une intervention extérieure pour éviter une banqueroute du pays et le risque d'un effet domino s'étendant à des pays encore fragiles, comme l'Espagne. Les Espagnols détiennent un tiers de la dette portugaise. Tandis que les créances sur l'Espagne sont majoritairement aux mains des Allemands. Quant aux agences de notation financières, dont les ajustements sont tout de même fort contestés, elles ont encore abaissé leurs notes sur le Portugal. Fitch a annoncé, le mercredi 23 mars, qu'elle abaissait d'un cran la note de la dette à long terme du Portugal, de "AA" à "AA -", faisant part de ses inquiétudes sur les déficits et la solvabilité du pays.
Une crise sociale
Manifestation au Portugal contre l'austérité au printemps 2010. Flickr
Avec un chômage de 11,2%, qui touche surtout les jeunes diplômés (la moitié des chômeurs ont moins de 35 ans), le pays s’est enfoncé un peu pus dans la récession. Les Portugais protestent aussi contre les mesures d’ajustement budgétaire qui pèsent uniquement sur les salariés (baisse des retraites, augmentation de la TVA et diminution des postes dans la fonction publique). Le pacte pour l’euro est jugé comme étant « anti-social » car il vise à maîtriser l’évolution des salaires, en lien avec la productivité. Ce pacte cale l’âge de départ à la retraite sur l’espérance de vie. Les syndicats portugais dénoncent les politiques d’austérité menées par l’Europe, jugées comme étant un frein à la croissance et à l’emploi. Les syndicats ont appelé à des manifestations, les autorités s'attendent à des réductions massives des droits sociaux. S’il accepte l’aide de l’Union européenne, le gouvernement portugais sera mis sous surveillance, avec des contrôles réguliers sur la mise en œuvre du plan d’austérité. Ce qui serait clairement contraire à la volonté d’émancipation de l’Europe de l’opposition politique portugaise.
Le rôle de l’Union européenne
« Il est regrettable que le programme d'austérité portugais ait été rejeté par le Parlement portugais », estime la chancelière allemande Angela Merkel. « Je dis juste que c'était une mesure courageuse, une mesure juste », précise t-elle en exprimant sa « considération » pour José Socrates. Le Premier ministre luxembourgeois et chef des ministres des Finances de la zone euro, Jean-Claude Juncker, estime que si Lisbonne fait appel à une aide, un montant de 75 milliards d'euros lui sera accordé. Pour finir, José Manuel Durao Barroso espère que les problèmes seront résolus dès que possible pour rétablir la confiance dans l'économie. Barroso espère l'assainissement budgétaire et les réformes structurelles indispensables de l'économie portugaise.
Le dessin de Kroll pour Le Soir
dans l'édition du 25 mars 2011 en marge du sommet européen de Bruxelles