Le Premier ministre palestinien Salam Fayyad a présenté sa démission samedi 13 avril, au terme d'un bras de fer avec le Fatah du président Mahmoud Abbas, usé par les dernières années passées à tenter de donner naissance à un État de Palestine viable. Retour sur le parcours d'un ancien économiste du FMI, respecté autant sur la scène internationale que chez lui. En quelques années, il assainit les finances de l'Autorité palestinienne et remet sur pied l'économie du pays, asphyxiée par l'occupation israélienne.
Salam Fayyad, ex-Premier ministre de l'Autorité palestinienne. AFP
Le président Abbas a accepté samedi la démission de son Premier ministre Salam Fayyad, à qui l'opposait un vif différend sur la démission du ministre des Finances, a indiqué dans la soirée l'agence officielle Wafa. Il a néanmoins chargé Salam Fayyad, un économiste indépendant très critiqué par le Fatah, d'expédier les affaires courantes en attendant la formation du nouveau gouvernement. "Salam Fayyad a rencontré Mahmoud Abbas pendant une demi-heure à la Mouqataa (ndlr: le siège de la présidence palestinienne à Ramallah) et lui a officiellement remis sa lettre de démission", a précisé un haut responsable, sous couvert de l'anonymat. Salam Fayyad, qui vient d'avoir 62 ans, avait auparavant fait part de son intention de partir: "Salam Fayyad a assuré qu'il ne resterait pas à la tête du gouvernement, même si on (le) lui demandait", a affirmé à l'AFP un autre responsable palestinien.
Le Hamas critique la gestion financière de Fayyad A Gaza, le Hamas, qui a chassé le Fatah de ce territoire en juin 2007, conduisant Mahmoud Abbas à limoger le gouvernement dominé par le mouvement islamiste pour nommer Salam Fayyad Premier ministre de l'Autorité palestinienne rivale, a attribué cette démission à des "divergences internes au Fatah". "Fayyad quitte le gouvernement après avoir criblé notre peuple de dettes, et le Fatah doit en assumer la responsabilité parce que c'est lui qui l'a imposé depuis le début", a déclaré à l'AFP Sami Abou Zouhri, porte-parole du Hamas. "Cet événement n'est pas lié au dossier de la réconciliation palestinienne", a estimé le porte-parole, réaffirmant que le Hamas était prêt à appliquer l'accord de réconciliation avec le Fatah, signé en 2011 au Caire, dont la plupart des clauses sont restées lettre morte et les échéances constamment repoussées.
Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne. AFP
Salam Fayyad, salué par les Etats-Unis Les dirigeants israéliens n'ont fait aucun commentaire officiel. En revanche, la Maison Blanche a rendu hommage samedi à Salam Fayyad, qu'elle a qualifié de "partenaire fort pour la communauté internationale" et de "leader pour la promotion de la croissance économique, la constitution de l’État et la sécurité du peuple palestinien." "Nous comptons sur tous les dirigeants palestiniens pour soutenir ces efforts", a ajouté Caitlin Hayden, porte-parole du Conseil de sécurité nationale, le cabinet de politique étrangère de la Maison Blanche. Le chef de la diplomatie canadienne John Baird lui a fait écho, saluant en Salam Fayyad "un interlocuteur de confiance et ami dévoué du Canada". Divergences internes au Fatah Le différend entre Abbas et Fayyad portait officiellement sur la démission le 2 mars du ministre des Finances Nabil Qassis, acceptée par le Premier ministre mais refusée par le président. La semaine dernière, le Conseil révolutionnaire du mouvement nationaliste Fatah avait fustigé "la politique du gouvernement palestinien (de Fayyad) empreinte d'improvisation et de confusion sur de nombreux sujets financiers et économiques". Avant la nomination de Qassis en mai 2012, le portefeuille des Finances était détenu par Fayyad, un indépendant, parallèlement à ses fonctions de chef du gouvernement. Vendredi soir, le secrétaire d’État américain John Kerry avait contacté directement par téléphone Mahmoud Abbas pour l'enjoindre de régler la crise avec son Premier ministre, selon des sources officielles palestiniennes. Washington avait indiqué jeudi que Fayyad, qui a la faveur des États-Unis, ne démissionnerait pas, une déclaration qui a été vivement dénoncée comme une "ingérence" par des dirigeants du Fatah. La démission de Salam Fayyad, crédité par la communauté internationale de l'édification d'institutions capables de porter un État, risque de compromettre l'entente avec les responsables israéliens et palestiniens annoncée cette semaine par John Kerry pour "promouvoir le développement économique en Cisjordanie" occupée. John Kerry avait écarté mardi une reprise rapide des négociations de paix, au terme d'une visite de trois jours en Israël et dans les Territoires palestiniens, insistant sur la nécessité d'un travail de fond pour qu'elles aient une chance d'aboutir.