Le procès de Nuremberg constitue l'acte de naissance de la justice internationale

Il y a 75 ans, le 20 novembre 1945, s'ouvrait le procès de Nuremberg au cours duquel 21 des plus hauts dirigeants du régime nazi ont eu pour la première fois à répondre de leurs crimes. Ce procès historique constitue l'acte de naissance de la justice internationale dont une institution comme la Cour Pénale internationale revendique l'héritage.
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Nuremberg procès
Hans Frank, gouverneur de la Pologne sous l'occupation nazie, prend la parole au côte des aures 20 diriegants nazis, lors du procès de Nuremberg, ce 24 septembre 1946. il fera parti des douze condamnés à mort par le tribunal.
AP/Ministère de la défense américain
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Bien avant la fin de la Seconde Guerre Mondiale, dès 1943, les puissances alliées Royaume-Uni, Etats-Unis et Union soviétique réfléchissaient au sort des criminels de guerre nazis. Le principe d'un procès sans précédent, devant un tribunal international et en public, est alors arrêté.

Six mois seulement après la fin des hostilités, le 8 mai 1945, les procureurs, qui à l'instar des juges sont issus des quatre puissances alliées dont la France, réunissent 300.000 témoignages et quelque 6.600 pièces à conviction, étayés par 42 volumes d'archives.

Le procès se tient dans une ville en ruines, mais dont le palais de Justice relié à une prison est encore debout. Nuremberg, ancienne cité impériale, est surtout la ville symbole du nazisme, où Hitler tenait ses grands rassemblements et où ont été promulguées en 1935 les lois anti-juives.

Crimes contre l'humanité

Le 20 novembre 1945 à 10H00 du matin, le procès s'ouvre dans la salle d'audience 600 du tribunal, en présence de centaines de journalistes. Sur le banc des accusés, se tiennent les plus hauts dignitaires nazis encore vivants après les suicides d'Adolf Hitler, Joseph Goebbels et Heinrich Himmler.

Hermann Goering, ancien numéro 2 du régime nazi, côtoie Rudolf Hess, l'adjoint d'Hitler, Alfred Rosenberg, l'idéologue du parti, Fritz Sauckel, le responsable du travail forcé, Joachim von Ribbentrop, le ministre des Affaires étrangères ou Albert Speer, ministre de l'Armement, sont les figures les plus connues sur les bancs des accusés.

Le génocide reconnu dans le droit international en 1948

Les accusés doivent répondre de complot, crimes de guerre, crimes contre la paix et, pour la première fois de l'histoire, de crimes contre l'humanité. Ceux-ci sont définis comme "l'assassinat, l'extermination, la réduction en esclavage, la déportation et tout autre acte inhumain commis contre toute population civile, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux". La notion de génocide ne sera, elle, reconnue dans le droit international qu'en 1948.

Le verdict tombe le 1er octobre 1946 : douze condamnations à mort (dont une par contumace pour Martin Bormann, le secrétaire d'Hitler dont on ignore alors la mort), trois condamnations à la prison à vie, deux peines de vingt ans de prison, une de quinze ans et une de dix ans.

Le 16 octobre 1946, dix des condamnés à mort sont pendus. Hermann Goering s'est suicidé quelques heures auparavant dans sa cellule en avalant une capsule de cyanure pour échapper à une pendaison qu'il jugeait indigne d'un soldat.

La CPI héritière de Nuremberg

Le procès de Nuremberg a jeté les bases d'un système de justice pénale internationale pour les personnes accusées des pires atrocités. L'héritage de Nuremberg se perpétue aujourd'hui au sein de la Cour pénale internationale, la  CPI, basée à La Haye, première juridiction pénale internationale permanente, chargée depuis 2002 de juger des accusations de génocide, crime de guerre et crime contre l'humanité.

Le Statut de Rome est le traité fondateur de la Cour pénale internationale signé lors de la conférence diplomatique de Rome qui se tient du 15 juin au 17 juillet 1998. Seulement soixante pays ratifient ce traité. La compétence de la Cour n’étant pas rétroactive, elle traite les crimes commis à compter de la date de sa création le 1er juillet 2002.
 
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La Cour pénale internationale, ici le 7 novembre 2017, siège à La Haye.
AP Photo/Peter Dejong

L'exemple du procès de Nuremberg est unique. A l'époque, lorsque les Alliés victorieux ont mis 21 chefs nazis sur le banc des accusés, les procureurs disposaient de tous les atouts. Les Alliés contrôlaient des quantités massives de preuves bien documentées, dans un pays qu'ils occupaient.

Depuis sa création, la CPI s'est quant à elle démenée pour engager des poursuites et obtenir l'arrestation de hauts dirigeants, mais a obtenu jusqu'à présent des résultats mitigés.

Malgré son arrestation par l'armée soudanaise en 2019, l'ex-président du Soudan Omar el-Béchir, l'un des accusés les plus importants recherchés par la Cour, est toujours hors de sa portée, tout comme le fils de l'ancien dictateur libyen Mouammar Kadhafi, Seif al-Islam.

Au cours des six dernières années, la CPI a dû abandonner des poursuites émises à l'encontre du président kenyan Uhuru Kenyatta, tandis que l'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo ou encore les hommes politiques ivoirien Charles Blé Goudé et congolais Jean-Pierre Bemba ont tous été acquittés.

Washington n'a jamais reconnu l'autorité de la CPI

Une autre différence majeure entre les deux juridictions est le soutien des Etats-Unis, élément clé du succès du tribunal de Nuremberg. Washington n'a jamais reconnu l'autorité de la CPI et a récemment imposé des sanctions inédites envers sa procureure, en réponse à une enquête en Afghanistan qui pourrait impliquer des soldats américains.

États-Unis : sanctions économiques à l'encontre de Fatou Bensouda, procureure de la CPI
 
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Même si la position des Etats-Unis envers la CPI "a fluctué au fil du temps", leur attitude actuelle "est extrême", estime Cecily Rose, professeure assistante en droit international à l'Université de Leiden, aux Pays-Bas.

"Le caractère hautement polarisé et clivant de la politique intérieure américaine est très différent de celui de l'après-Seconde Guerre mondiale, lorsque les Etats-Unis étaient un chef de file en matière de justice internationale et du procès de Nuremberg", précise la chercheuse à l'AFP.

Avant la CPI, cette volonté de justice internationale s'est aussi exprimée dans des tribunaux temporaires. Le Tribunal pénal international pour le Rwanda a été crée le 8 novembre  1994 pour poursuivre et juger les reponsables du génocide des Tutsi au Rwanda. Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie a lui été créé en 1993 pour  juger les personnes s'étant rendues coupables de violations graves du droit international humanitaire sur le territoire de l'ex-Yougoslavie à partir de 1991.

La justice internationale est désormais inscrite de manière permanente à travers la CPI. "Quand les choses sont difficiles, nous regardons Nuremberg et le travail des procureurs", raconte à l'AFP un responsable de la CPI, qui a décliné d'être nommé.