Le 5 juin 2017, l'Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis, le Bahreïn et l'Égypte coupaient leurs relations diplomatiques avec le Qatar et décrétait un embargo. Pour le lever, les quatre nations listaient treize exigences. Un an plus tard, la situation diplomatique ne s'est pas améliorée alors que le Qatar continue de prospérer.
Ses voisins voulaient interférer dans ses choix politiques, le Qatar a continué sur sa voie. Si, en juin 2017, de nombreux observateurs doutaient de la capacité de résilience du géant gazier, les résultats sont là.
Les préparatifs pour la Coupe du monde de football sont en bonne voie, la croissance du pays en 2017 s'élevait à 2,1% et devrait monter à 2,6% en 2018... La mise au ban du géant gazier par ses voisins ne semble pas l'avoir affecté.
Dans les faits, le Qatar a contourné l'embargo. Un nouveau port a été construit pour pouvoir échanger des marchandises avec d'autres pays, de nouveaux couloirs aériens ont été définis (puisque les avions de la Qatar Airways ont interdiction de survoler les quatre nations à l'origine de l'embargo) et de nouveaux partenariats ont été liés.
Pour remplacer les matériaux saoudiens et émiratis, le Qatar s'est tourné vers la Chine et la Malaisie. Pour les importations alimentaires, l'Iran et la Turquie sont devenus des fournisseurs de substitution. Le Qatar a construit une gigantesque ferme laitière pour satisfaire les besoins en lait de sa population.
L'ironie ici est que le "quartet" a mis en place son rejet du Qatar pour deux raisons officielles : le financement supposé du terrorisme par le Qatar et son rapprochement en direction de l'Iran et de la Turquie... Un rapprochement in fine renforcé par l'embargo. Quant au financement de terrorisme, l'émir du Qatar l'a nié à de nombreuses reprises et même en déplacement à la Maison-Blanche.
Parmi les treize exigences des quatre nations à l'égard du Qatar, la fermeture de la chaîne Al Jazeera, jugée trop proche de l'idéologie des Frères Musulmans et diffusant donc une pensée dangereuse dans la région. La chaine diffuse toujours...
Rôle de l'Occident et escalade militaire
L'Arabie saoudite espérait un soutien américain dans cette décision politique. D'ailleurs, Donald Trump avait tweeté en faveur de son allié au moment de l'annonce de la rupture. Mais plusieurs mois plus tard, il recevait l'émir du Qatar à Washington. Réalité politique oblige : le Qatar héberge la plus grande base militaire américaine hors des États-Unis. De quoi mettre de côté les considérations diplomatiques...
Une relation maintenue par le président américain malgré la proximité du Qatar avec l'Iran. Avec la révocation de l'accord iranien sur le nucléaire, les États-Unis appellent à faire bloc contre l'Iran... mais restent en contact avec l'un de ses alliés économiquement les plus puissants.
Idem pour la France : l'Arabie saoudite espérait un soutien français, Emmanuel Macron a vendu, en décembre 2017, au moins douze avions de combat Rafale et 50 Airbus A321 au Qatar. Total de la vente : plus de dix milliards d'euros. Realpolitik, quand tu nous tiens...
Cette vente de Rafale s'inscrit dans une dynamique d'armement de la région. Le Qatar accueille des bases militaires étrangères et renforce sa propre capacité militaire. D'après des informations de nos confrères du quotidien Le Monde, l'Arabie saoudite aurait envoyé une lettre à Emmanuel Macron pour exprimer ses inquiétudes quant à l'achat, par le Qatar, du système anti-aérien russe S-400, l'un des meilleurs système anti-missiles sur le marché.
Des inquiétudes accompagnées de menaces de représailles dans le cas où la vente se conclurait... Alors que dans le même temps, Riyad cherche aussi à acheter les S-400. Et Moscou a déjà annoncé que l'attitude de l'Arabie saoudite n'impactera pas les négociations.
Une accumulation d'armes donc alors que les tentatives de médiation, qu'elles viennent des États-Unis ou du Koweït, n'ont mené nulle part. Les relations entre ces pays voisins ne semblent donc pas prêtes de se réchauffer.