Le Qatar soupçonné de corruption au sein du Parlement européen, cinq arrestations à Bruxelles

Une vaste opération menée par la police belge vendredi 9 décembre à Bruxelles a conduit à l’arrestation de plusieurs personnes travaillant au sein du Parlement européen. Elles sont soupçonnées de corruption. Un pays, le Qatar, serait au cœur de cette affaire. 
 
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AP/Olivier Matthys
Photo d'illustration du bâtiment du parlement européen de Bruxelles. Belgique, 11 janvier 2022.
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AP/Petros Giannakouris
Eva Kaili, vice-présidente du Parlement européen depuis 2022, est soupçonnée de corruption.
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Vendredi 9 décembre, l'eurodéputée socialiste grecque Eva Kaili, également une des vice-présidentes de l'assemblée, a été interpellée à son domicile à Bruxelles. Elle doit être auditionnée par la justice, a indiqué à l'AFP une source proche du dossier, confirmant des informations de presse. Le parti socialiste grec (Pasok-Kinal) dont elle était membre, a annoncé dans la soirée à Athènes qu'elle en était "écartée".
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Eva Kaili, vice-présidente du Parlement européen depuis 2022, est soupçonnée de corruption.
AP/Petros Giannakouris
Quatre hommes ont été arrêtés dans la matinée dans le cadre de la même affaire. Parmi les prévenus, le compagnon de Mme Kaili Francesco Giorgi, qui est assistant parlementaire. Le  directeur d'une ONG, le dirigeant syndical italien Luca Visentini et l'ancien eurodéputé Pier-Antonio Panzeri qui siégea de 2004 à 2019 font aussi partie des personnes suspectées. 

L'opération de police a donné lieu à seize perquisitions au total dans diverses communes de la capitale belge, où le Parlement européen a son siège. L'enquête, pilotée depuis quatre mois par un juge financier bruxellois, vise des faits de "corruption" et de "blanchiment d'argent" en bande organisée, a souligné le parquet fédéral dans un communiqué.
Qui est Eva Kaili ? 

Eva Kaili est un des quatorze vice-président du Parlement européen depuis 2022. Ancienne présentatrice télé de 44 ans, elle était à la tête du journal téélvisé sur la chaîne grecque MEGA Channel de 2004 à 2007.

Membre du parti socialiste grec, Pasok-Kinal, elle en a été le porte-parole en 2015. Militante de gauche, elle est rattachée au groupe Socialistes et Démocrates (S&D) au sein de l’institution. Députée au Parlement européen depuis 2014, elle a été réelue pour un second mandat en 2019. 

Doctorante en politique économique internationale à l’université du Pirée en Grèce, elle est titulaire d’une maîtrise d’affaires européennes et internationales. Elle est également diplômée d’une micence d’architecture et de génie civile à l’université Aristote de Thessalonique.

Sommes d’argent, cadeaux onéreux… 

Le parquet fédéral belge a annoncé l'opération de police sans identifier les suspects, ni nommer le "pays du Golfe" sur lequel pèsent ces soupçons de corruption. Mais la même source proche du dossier a confirmé à l'AFP qu'il s'agissait du Qatar, comme l'ont révélé dans une enquête conjointe le journal francophone Le Soir et l'hebdomadaire flamand Knack.

Ce pays du Golfe est soupçonné d'"influencer les décisions économiques et politiques du Parlement européen, en versant des sommes d'argent conséquentes ou en offrant des cadeaux importants", poursuit-il. Au cours de l'opération, la police a mis la main sur "environ 600.000 euros en liquide", ainsi que "du matériel informatique et des téléphones portables" dont les contenus seront analysés.

Quant aux bénéficiaires, il s'agit de personnalités ayant "une position politique et/ou stratégique significative" au sein du Parlement. Les cadeaux ou avantages offerts pourraient être liés à la volonté du Qatar d'améliorer sa réputation décriée en matière de droits humains et de traitement des travailleurs étrangers.

Interpellé, le responsable italien  Luca Visentini appelait en particulier à "continuer de faire pression sur les autorités et les employeurs" pour de meilleures rémunérations et davantage de mobilité dans le travail. Dans un message succinct sur son site, la CSI, la Confédération syndicale internationale (CSI, ou Ituc en anglais) s'est dite "au courant des informations circulant dans la presse", mais a refusé tout commentaire "à ce stade".
 

 "Le Qatar est un chef de file en matière de droits du travail"


Le Qatar, pays organisateur du Mondial-2022, a été accusé par des ONG de négliger les conditions de travail et de vie de ses centaines de milliers de travailleurs migrants venus d'Asie et d'Afrique.

Eva Kaili avait rencontré au Qatar peu avant le début du Mondial de football le ministre qatari du Travail Ali bin Samikh Al Marri. L'élue grecque avait salué à cette occasion, au nom de l'UE, l'engagement du Qatar à "poursuivre les réformes du travail", selon un tweet de l'ambassadeur de l'Union à Doha Cristian Tudor.
 "Aujourd'hui, la Coupe du monde de football au Qatar est une preuve concrète de la façon dont la diplomatie sportive peut aboutir à une transformation historique d'un pays dont les réformes ont inspiré le monde arabe", avait aussi déclaré Eva Kaili à la tribune du Parlement européen le 22 novembre.  "Le Qatar est un chef de file en matière de droits du travail", avait-elle alors affirmé.

6.500 ouvriers étrangers morts sur des chantiers selon The Guardian

En réponse, Doha a fait valoir des réformes inédites du code de travail, saluées par des organisations syndicales, qui appellent néanmoins à une application plus rigoureuse.
Un chiffre a fait couler beaucoup d'encre : celui de 6.500 étrangers morts au Qatar depuis l'attribution du Mondial en 2010, avancé en février 2021 par le quotidien britannique The Guardian.
 Les autorités qataries ont vivement démenti. Et l'Organisation internationale du travail (OIT), présente à Doha depuis 2018, a documenté de son côté cinquante accidents du travail mortels d'employés sur une année, en 2020, et 500 blessures graves. Elle a toutefois relevé le manque de données disponibles.