L’heure est à l’urgence. Le Secrétaire général des Nations Unies place le défi du changement climatique au cœur de son mandat. António Guterres nous ouvre les portes du bureau des Nations Unies à Genève, pour un entretien exclusif. Rencontre avec l’homme qui veut sauver la planète.
Le climat : un enjeu planétaire
António Guterres revient d’une tournée dans le Pacifique Sud et son constat est alarmant :
« C’est la menace la plus grave pour notre planète, et c’est une bataille que nous ne sommes pas en train de gagner », avoue le Secrétaire général des Nations Unies.
« Le changement climatique est en train de courir plus rapidement que nous », poursuit-il.
Et l’état des lieux de cette course frénétique est inquiétant : les éléments se déchaînent de plus en plus. Leur intensité croit et leurs conséquences sont toujours plus dévastatrices. António Guterres met en évidence un paradoxe : plus la situation empire sur le terrain, plus la volonté politique semble reculer.
Non respect des Accords de Paris
Pourtant, c’est bien le contraire qui aurait dû se produire avec la mise en place des Accords de Paris. En décembre 2015, 195 pays signent le premier pacte universel sur le réchauffement climatique. Objectif : contenir le réchauffement de la planète en dessous de 2 degrés Celsius et limiter la hausse à 1,5 °C.
« Même si les engagements étaient complètement respectés, ils nous mèneraient encore à plus de 3 degrés, c’est-à-dire à une catastrophe. Mais malheureusement, même ces objectifs ne sont pas respectés », regrette António Guterres.
Un manque de volonté politique
En décembre 2018, la 24ème conférence climat de l'ONU a débouché sur un accord ambitieux pour l'application du pacte de Paris. Mais au-delà des règles, il faut des engagements plus forts de la part des gouvernements et des différents acteurs, selon le Secrétaire général des Nations Unies.
On peut le faire. C’est scientifiquement possible, c’est économiquement possible, il faut désormais la volonté politique.
António Guterres appelle les chefs de gouvernement à une mobilisation politique pour le futur sommet dédié au climat, à New York en septembre prochain.
« Il faut réduire les émissions pour arriver à la neutralité carbone en 2050. Toute la communauté scientifique s’accorde à dire qu’il faut arrêter l’augmentation de la température à 1,5 degré en fin de siècle. Il y aura des conséquences graves, mais en tout cas, on pourra éviter le pire », ajoute António Guterres.
La société civile mobilisée
Le Secrétaire général des Nations Unies souligne
« la manifestation extraordinaire des jeunes » en faveur de l’action climatique.
Je fais confiance à la société civile et à la jeunesse.
Pour lui, la société civile a conscience des enjeux et se mobilise pour livrer cette bataille, avec des initiatives intéressantes. A contrario, António Guterres blâme les gouvernements :
« ils sont encore très hésitants » ; la volonté et le courage politique sont deux conditions essentielles pour relever ce défi.
La solution : une économie verte ?
António Guterres insiste sur la valorisation de l’économie verte. Une façon d’adapter l’économie aux besoins de l’urgence climatique.
L’économie verte est l’économie du futur, tout le monde le sait !
Et cette stratégie s’avère payante, selon le Secrétaire général des Nations Unies.
« Aux Etats-Unis, il y a plus d’emplois dans la production d’électricité par le vent et le soleil que par le charbon et le pétrole ». L’énergie verte, facteur de croissance et d’emplois. Mais pas pour tout le monde. António Guterres en est bien conscient. Certains secteurs vont en pâtir. Il faut donc mettre en place des politiques sociales, d’emplois, d’éducation et de formation afin d’accompagner ceux qui seraient affectés. C’est ce que le Secrétaire général des Nations Unies appelle
« une transition juste ».
Il soumet également aux gouvernements une proposition de changement : réduire les taxes sur les salaires et introduire une taxe sur le carbone. La majorité de la population gagnerait ainsi de l’argent, selon lui. Une chose est sûre :
« il faut que les gouvernements investissent dans l’économie verte », conclut-il.
Et le continent africain ?
L’Afrique est sans doute le continent qui subit le plus le dérèglement climatique. Les sécheresses intenses et les tempêtes à répétition ne sont qu’un aperçu de ses effets. António Guterres cite l’exemple du Sahel, en proie à une migration massive et au terrorisme.
Une des raisons qui favorise la délocalisation des gens et la progression du terrorisme, c’est la désertification accélérée par le changement climatique.
Ainsi, mener ces actions climatiques, revient à garantir moins de mouvements de population et plus de sécurité. « Cela bénéficie à tout le monde. Le terrorisme est universel. Lutter contre le terrorisme au Sahel, c’est lutter contre le terrorisme en Europe », précise le Secrétaire général des Nations Unies.
Enclencher sur le continent africain un développement vert, alors que les pays occidentaux se sont construits sur les énergies fossiles, serait une solution. « On ne va pas leur demander le sacrifice de leur développement », précise-t-il, simplement privilégier l'accès aux énergies renouvelables plutôt qu'aux énergies dîtes plus traditionnelles.
Une chose est sûre, il faut soutenir financièrement les pays africains pour augmenter leurs résiliences et leurs capacités de résistance face aux effets néfastes du climat : « Ce n’est pas une question de générosité, mais de justice et d’intérêt mutuel », conclut le Secrétaire général des Nations Unies.
Et António Guterres sait de quoi il parle. L'homme politique portugais a passé dix ans au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). « L’expérience la plus riche de ma vie », se souvient-il avec nostalgie. Des années à côtoyer de plein fouet la détresse de populations dans le besoin, mais dix ans à lutter pour mieux les protéger.
Pour aller plus loin..
Le magazine Objectif Monde vous propose de découvrir des initiatives vertes parfois étonnantes : reportage à Oslo, élue la ville verte européenne de l’année, en Afrique où les énergies renouvelables s’imposent sur le continent, en Autriche où les trains de nuit deviennent une alternative à l’avion, et d’autres initiatives encore.
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