Surgi du passé, son nom même ranime en Israël de mauvais souvenirs. Instrument naguère très utilisé contre le jeune État, le boycott symbolisait sa mise au ban par ceux qui, souvent, remettaient en cause son existence même. La Ligue arabe l'emploie dès 1945 pour proscrire toute relation commerciale ou financière entre les États arabes et le futur Israël. Installé à Damas en 1951, un « bureau central du boycott » en coordonne la mise en œuvre. Celle-ci, renforcée après la guerre du Kippour (1973) par l'argument du pétrole, s'appliquera dans le monde avec une rigueur variable. Dans les deux décennies suivantes, pourtant, de multiples facteurs – disparition de l'allié soviétique, adoption dans certains pays de législations le proscrivant, traités de paix ou reconnaissances diplomatiques, poids de l'
OMC … - rendent le boycott progressivement inopérant. A la fin des années 1990, seuls quelques pays (Syrie, Liban, Iran ...) l'observent encore, avec plus de zèle que d'efficacité.
Apparu dans les années 2000, le nouveau mouvement international reprenant l'idée du boycott s'inscrit dans une autre logique, plus citoyenne qu'étatique, davantage fondée sur le droit et ses violations liées à l'occupation des territoires palestiniens, et vise particulièrement l'économie des colonies. Précédé de prises de positions remarquées, dont celle de l'archevêque sud-africain Desmond Tutu, il est lancé en 2005 au forum de Porto Allegre et rapidement repris par 172 organisations sous l'acronyme
« BDS » ( boycott desinvestissement, sanctions).
Le langage employé et le cadre politique de référence diffèrent nettement de ceux qui prévalaient dans le demi-siècle précédent, où transparaissait la non-légitimité prêtée à l'État juif : « Nous faisons appel à vous,
disent ses promoteurs, pour faire pression sur vos Etats respectifs afin qu’ils appliquent des embargos et des sanctions contre Israël. Nous invitons également les Israéliens honnêtes à soutenir cet appel, dans l’intérêt de la justice et d’une véritable paix. Ces mesures de sanction non-violentes devraient être maintenues jusqu’à ce qu’Israël honore son obligation de reconnaître le droit inaliénable des Palestiniens à l’autodétermination et respecte entièrement les préceptes du droit international ». Ce n'est plus l'existence d'Israël qui se trouve mise en cause mais ses pratiques, singulièrement la colonisation issue de l'occupation. Publiée en 2009, la «
charte de BDS-France » se montre ainsi précautionneuse : « Notre action est éthique, citoyenne et politique. (...) Elle ne vise pas des personnes ou des groupes en raison de leur origine ou de leur religion juive (...) Ce boycott ne vise pas la société israélienne ni les individus qui la composent, en tant que tels, il vise la politique coloniale d'occupation israélienne et ses partisans ».
Scepticisme des uns, hostilité ou réticences des autres : les échos de la campagne sont d'abord modestes, quoique stimulés par les opérations militaires israéliennes sur Gaza ou le Sud-Liban, l'impasse des pourparlers et le développement de la colonisation. Les compagnies dénoncées (Mac Donald, IBM, Starbuck, l'Oréal, Danone) en ont vu d'autres et se croient peu vulnérables.