Fil d'Ariane
Máirtín Ó Muilleoir est un homme politique irlandais, membre de longue date du Sinn Féin. Auteur, éditeur @newbelfast et homme d'affaires, il est élu à l'Assemblée d'Irlande du Nord en tant que député de Belfast Sud.
Dès le début de la rencontre le ton est donné, Máirtín Ó Muilleoir tient à dire quelques mots en français et a affiché son attachement à l'Union Européenne.
" Bien sûr nous sommes européens ! Pour moi, cela signifie que nous sommes très fiers d’être Irlandais mais nous aimons également l’Union européenne. L’Union européenne, l’expérimentation européenne, est une expérimentation de paix. Elle a été mise en place suite aux deux Guerres mondiales en créant une alliance économique et culturelle. Et ce n’est que maintenant où nous devons en sortir que nous nous rendons compte à quel point nous l’apprécions ! Nous ne voulons vraiment pas sortir de l’Union européenne et comme vous le savez, la majorité de la population d’Irlande du nord a voté pour rester. "
Pour ce membre du Sinn Fein, l'une des leçons à retenir de ce référendum est que le vote n'a pas été communautaire. Des Républicains, pro Irlande réunifiée et des loyalistes, liés à la couronne britannique, se sont retrouvés pour voter contre le Brexit.
" L'une des choses incroyables ici après vingt ans de paix, c'est que le vote pour le Brexit en 2016 était un vote intercommunautaire. Protestants et catholiques ont voté ensemble pour "rester" au sein de l'Union européenne."
Selon Máirtín Ó Muilleoir, les conséquences négatives du Brexit pour l'économie ne sont plus à démontrer. Aux Etats-Unis, l'Irlande du Nord pouvait se présenter comme une porte vers le marché commun, une porte qui pourrait bientôt se reclaquer.
" Lorsque je parle avec des chefs d’entreprise aujourd’hui, vingt mois après le référendum et moins d’un an avant que le Brexit ait lieu, ils me disent qu’ils souffrent déjà des conséquences. Cela veut dire que quand ils achètent des produits de l’Union européenne, cela leur coûte plus cher. Le coût des biens et des services augmente. Nous ne pouvons plus avoir les travailleurs étrangers dont nous avons besoin pour nos entreprises. Beaucoup d’Européens repartent chez eux à cause de ce que nous appelons le “frisson du Brexit”. L’Irlande du Nord a toujours eu l’une des économies les plus faibles de toute l’Union européenne avec de faibles revenus et une faible productivité. Nous avons en fait besoin de plus d’aides européennes, ce qui nourrirait l’économie. Brexit va à l’opposé de tout ça. "
Mais ce qui l'inquiète aussi, c'est l'impact du Brexit sur les esprits et sur la paix. Comment vont les populations vont-elles réagir si la frontière se reconstruit, si des taxes douanières réapparaissent et si la présence policière refait surface ?
" La réémergence de cette cicatrice au sein du pays est vraiment nuisible aux progrès que nous avons fait. Aucune personne qui vit de l'un côté de la frontière ou de l'autre ne veut un retour à la sombre époque, à une époque de division. Il y a eu trop de divisions sur cette île. "
A Belfast des dizaines de murs, de fresques marquent encore l'entrée dans les quartiers. Les communautés catholiques et protestantes vivent encore séparées et ce dès le plus jeune âge. Pour Máirtín Ó Muilleoir, la réconciliation reste à construire dans les quartiers populaires.
" La dernière chose que les gens veulent c'est un mur à la Donald Trump, auquel Theresa May rêve, une frontière dure avec des douanes et des soldats armés. Rien de tout cela ne peut être acceptable. "
Le parti Sinn Féin souhaite qu'un statut spécial soit accordé à l'Irlande du Nord dans les négociations post-brexit en raison de son passé, parfois trouble, et de l'enjeu de la frontière.
" Cette idée reflète la réalité car l’Irlande du Nord est un endroit spécial ! C’est l’un des processus de paix les mieux réussi au monde qui a été accompli grâce à l’Union européenne. En tant que politicien, c’est étonnant pour moi de voir autant de personnalités politiques étant d’accord et proposant une solution pacifique et le gouvernement britannique est contre. Ils n’ont aucune autre solution à proposer ! "