“L’absence de Xi Jinping n’entravera pas les travaux du G20”, tempère David Sylvan, professeur de relations internationales à l’IHEID Genèves. L’Ukraine, l’abandon progressif des combustibles fossiles ou encore la restructuration de la dette seront au centre des discussions de puissances représentant 80 % du PIB et 60 % de la population mondiale.
Mais la déclaration finale dimanche 10 septembre sur certains sujets risque d'être ternie par l'absence du président chinois, toutefois représenté par son Premier ministre Li Qiang. C'est le cas par exemple sur le conflit en Ukraine où Pékin ne condamne par l'agression par la Russie, ainsi que sur la question des énergies fossiles alors que la Chine est l'un des plus grands pollueurs de la planète.
“Aucune décision n’est véritablement prise lors de ce forum, le but est de surtout partager ses idées et de convaincre ses pairs”, nuance David Sylvan. La défection non justifiée de Xi Jinping n’empêche pas la Chine de jouer un rôle important à l’échelle internationale et d’influencer à travers d’autres instances comme le Sommet des BRICS et l’Organisation de coopération de Shanghai, “même si elles ne sont pas des pôles de puissance en mesure de concurrencer le G20”, ajoute le géopolitologue Frédéric Encel.
"Un aveu de faiblesse"
La Chine traverse actuellement de multiples complications internes : l’explosion du chômage chez les jeunes, la chute des investissements étrangers, l’effondrement de l’immobilier qui représente plus d’un quart son PIB, la déflation, la disparition du ministère des Affaires étrangères Qin Gang et le remaniement à la tête des forces nucléaires.
Dans cette conjoncture, où le risque que la crise économique chinoise se généralise à l’échelle mondiale, Xi Jinping ne veut pas “se justifier auprès de ses homologues du G20”, explique Marc Julienne, spécialiste de la Chine à l’IFRI. Dans ce cas, cette absence pourrait être considérée comme “un aveu de faiblesse” par les dirigeants participant au forum, selon David Sylvan.
Changement de stratégie tournée vers le Sud
Cette première absence de Xi Jinping lors d’un G20 pourrait faire partie d’une évolution dans sa politique internationale, en opposition avec la politique de la Route de la soie lors de son arrivé au pouvoir en 2013.
Le président chinois multiplie des projets diplomatiques tournés vers les puissances émergentes, comme l’Initiative de sécurité mondiale, l’Initiative de développement mondial et l’Initiative de civilisation mondiale. L’élargissement des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) à 6 nouveaux pays (Argentine, Égypte, Éthiopie, Arabie Saoudite et Émirats arabes unis) en janvier 2024 pour représenter au total 30 % du PIB mondial s'inscrit aussi dans cette stratégie.
“Le fait que Xi Jinping n’aille pas au G20 est un bras d’honneur. Il risque de ne trouver plus aucune raison d’y aller et il pourrait plutôt se concentrer sur des formats où la Chine serait le chef de file, donc se concentrer sur les pays dits du ‘Sud’”, explique Marc Julienne.
"Ne pas accorder à la diplomatie plus qu’elle ne peut”
Reste que, selon Frédéric Encel, le G20 “est un forum de discussion qui correspond à l’illustration d’une tendance et le résultat de ce qui a déjà été négocié en amont. Il ne faut pas accorder à la diplomatie plus qu’elle ne peut. Je ne vois pas, par exemple, comment les États-Unis réussiraient à ranger tout le monde derrière l’Ukraine”.
Tout au long des discussions, plusieurs consensus seront certainement trouvés, notamment sur le rejet des gaz à effet de serre, mais sans véritable changement, nuance le géopolitologue.
Ce sommet du G20 à New Delhi pourrait resserrer les liens entre l’Inde et le clan occidental, en opposition à la Chine, alors que New Delhi et Pékin ont des contentieux territoriaux et sont en rivalité en terme d'influence à l'échelle internationale.