Le St-Lawrence, à Vancouver, devient le premier restaurant de cuisine québécoise étoilé au Michelin

Quand on lui a dit que son restaurant venait de recevoir une étoile du guide Michelin, le Québécois Jean-Christophe Poirier n’y croyait pas ! Le St-Lawrence fait effectivement partie des huit restaurants de Vancouver à décrocher la convoitée récompense dans l’édition canadienne du prestigieux guide. C’est le premier restaurant de cuisine québécoise à recevoir une étoile et Jean-Christophe Poirier est le deuxième chef québécois étoilé au Michelin. 
Image
chef etoilé québécois
(Catherine François)
Le chef Jean-Christophe Poirier
Image
plat québécois 1
(Catherine François)
Image
plat québécois 2
(Catherine François)
Image
plat québécois 3
(Catherine François)
Partager6 minutes de lecture

Nous rencontrons Jean-Christophe Poirier au marché de Granville Island de Vancouver, où il venu acheter des poissons, fruits de mer, charcuterie et fromages pour son restaurants. Il nous confie en souriant à quel point il a été surpris par cette belle nouvelle : « Ça m'a pris quelques jours avant de réaliser ce qui arrivait, c'est bien pour l'équipe, c'est bien pour le restaurant, c'est bien pour Vancouver ».

« C’est bien pour l’équipe et pour Vancouver »

C’est bien pour Vancouver… en effet, la ville de la côte ouest canadienne est réputée pour la qualité de ses restaurants, et avec les étoiles que le guide Michelin vient de décerner à huit d’entre eux, Vancouver entre dans le club sélect de la gastronomie internationale. Avec Toronto, car 13 restaurants de la métropole de l’Ontario ont eux aussi gagné leur étoile dans l’édition canadienne du Michelin. « On le savait, qu’on est de calibre mondial au niveau de la restauration, fait remarquer Jean-Christophe Poirier. Et maintenant avec les étoiles Michelin, c'est comme une étampe : voilà, vous êtes maintenant de classe mondiale ».

plat québécois
(Catherine François)

C’est bien pour l’équipe : ils sont dix à travailler au St-Lawrence, dans la cuisine et au service, dont un sommelier hors pair qui se fait une joie de vous faire déguster ses plus belles trouvailles. Un restaurant simple, authentique, chaleureux et convivial, décoré d’antiquités chinées par Jean-Christophe au fil des années et qui rappellent, de près ou de loin, son Québec natal : « C'est important pour moi d'avoir un espace chaleureux et un espace où on sent qu'on n'est plus à Vancouver, explique le chef. On rentre dans le restaurant et on est transporté au Québec ou en France et puis ma touche personnelle, les antiquités, les photos de ma famille, de mes enfants, je me sens chez moi ».

La consécration d’une carrière de 25 ans

Le St-Lawrence, qui ne compte que 45 couverts, est loin de ces grands restaurants au chic moderne et au service empesé. « La cuisine, le service sont d'une qualité incroyable mais l'ambiance c'est cool, on n'a pas de nappe, il n’y pas beaucoup d'employés sur le plancher non plus » souligne le chef. Un établissement somme toute à l’image de son propriétaire, originaire de Saint-Jérôme, au nord de Montréal et qui a commencé sa carrière de chef il y a 25 ans à Montréal.

Jean-Christophe Poirier a fait ses classes dans un restaurant français bien connu du Vieux-Montréal, les Remparts, avant de travailler pendant deux ans au prestigieux restaurant montréalais le Toqué, du chef Normand Laprise. Une formidable expérience nous dit Jean-Christophe Poirier, qui lui a permis d’apprendre les bases de la cuisine française. Il a toutefois senti la nécessité de quitter le Québec pour s’ouvrir d’autres horizons culinaires. Il s’envole donc pour Vancouver en 2004, rejoint l’équipe du restaurant français Lumières et travaille dans plusieurs restaurants italiens de Vancouver avant d'ouvrir le sien, le St-Lawrence, en 2017.

Redonner ses lettres de noblesse à la cuisine québécoise

Un restaurant donc de cuisine française à la sauce québécoise ou de cuisine québécoise à la sauce française, avec trois immuables sur la carte : le pâté croute, les escargots à l’ail dans du vol au vent et des éclairs à la mousse de foie gras. Et, bien sûr, un ingrédient de base : le sirop d’érable : « Le sirop d'érable est beaucoup utilisé, c'est ma touche québécoise pour la cuisine française. Par exemple, je vais faire une crème caramel au foie gras mais au lieu du sucre, je remplace par du sirop d'érable, ou je pourrais faire un canard à l'orange et pour la sauce, au lieu du sucre, je remplace par du sirop d'érable. Et janvier février mars, on fait le menu sirop d'érable, donc dans tous les plats, on essaie d'intégrer le sirop d'érable dans une ambiance qui est un peu comme la cabane à sucre », précise le chef.

sirop d'erable
(Catherine François)

Le St-Lawrence devient donc le premier restaurant de cuisine québécoise à être étoilé au Michelin, et cette étoile redonne ses lettres de noblesse à la cuisine québécoise trop souvent limitée à la poutine, des frites arrosées de sauce brune et de fromage en grain fondu. « Absolument, répond Jean-Christophe Poirier, moi je suis honoré d'être un Québécois qui vit à l'extérieur de la province et d'être un peu un ambassadeur de notre culture, de notre cuisine. On est les seuls à Vancouver à offrir ce genre de cuisine ». Le chef explique qu’il cuisine avec son âme de Québécois et qu’il aime mettre les classiques de la cuisine française à sa main.

Une touche unique donc, qui se retrouve aussi dans un livre de recettes que Jean-Christophe Poirier vient de publier en anglais et qui rencontre un beau succès auprès du public anglophone. « Ce ne sont pas seulement les recettes du restaurant, il y a des recettes vraiment pour tout le monde » nous dit le chef. La dernière partie du livre contient en effet des recettes de tous les jours, celles qu’il fait chez lui avec sa femme et ses deux jeunes enfants.

livre cuisine
(Catherine François)

Garder le cap

Depuis son ouverture en 2017, le St-Lawrence s’est bâti une clientèle fidèle, comme cette cliente qui ne cache pas son enthousiasme pour le chef : « C’est une star, il a un talent remarquable, en plus d’être un chef génial c’est une personne formidable, nous l’adorons, il est merveilleux, adorable, il est exceptionnel ». Et le restaurant
collectionne prix et récompenses, dont celui d’être sur la liste des cinq meilleurs restaurants du Canada au cours des dernières années. Alors cette étoile du Michelin, c’est un peu la cerise sur le gâteau : « Je trouve que c'est formidable pour le type de restaurant qu'on a ici, c'est parfait, estime le chef. Je ne veux pas chasser la deuxième étoile, mais si elle vient c'est parce qu'on fait un travail formidable. Faut la garder, cette étoile, mais je ne veux pas être obsédé par ça, si on veut la garder, il faut travailler comme si on voulait aller chercher la deuxième, et si jamais on en a une deuxième, faut travailler pour en avoir une troisième ».

Le chef garde la tête froide, son objectif pour les prochaines années, c’est de consolider ses acquis : « Mon projet, c'est vraiment de me concentrer sur le restaurant que j'ai ici, au lieu de grandir, ouvrir d'autres restaurants, offrir plus de services… On va s'améliorer, je vais donner de meilleurs horaires à mes employés, on va acheter de meilleurs produits ». Jean-Christophe Poirier va donc garder le cap, continuer à faire la recette qui lui assure cette reconnaissance et ces récompenses et rendre heureux tous ceux et celles qui viendront s’asseoir dans son restaurant.