Les victoires de Donald Trump lors du "Super Mardi" révèlent au grand jour une crise qui couve depuis les années Bush. La convention républicaine de juillet pourrait consacrer l’implosion du parti.
Pour les républicains, les résultats du "Super Mardi" équivalent au scénario catastrophe qu’ils espéraient éviter. Le tribun new-yorkais Donald Trump a remporté sept des onze Etats en lice dans les primaires, renforçant son statut de favori à l’investiture républicaine dans la course à la Maison-Blanche. Aujourd’hui, personne ne l’exclut : la convention républicaine de juillet à Cleveland pourrait bien investir le milliardaire new-yorkais pour la présidentielle du 8 novembre.
On peut reprocher beaucoup de choses à Donald Trump. Mais il a un mérite : il révèle au grand jour la déliquescence du Parti républicain entamée au cours des années Bush. Les conséquences en sont douloureuses : les républicains devront peut-être choisir entre la peste et le choléra. La peste, c’est un Donald Trump imprévisible dont le conservatisme est fortement remis en question. Le choléra, ce pourrait être Ted Cruz. Ce dernier est isolé au Sénat tant ses prises de position extrêmes suscitent l’ire des sénateurs républicains. Jusqu’ici aucun d’entre eux n’a jugé bon de soutenir le Texan.
Une «troisième option» pour contrer Trump
La crainte est désormais de voir l’émergence d’un "Trump Party" qui supplanterait le Grand Vieux Parti. Pour contrer une telle perspective, le sénateur républicain du Nebraska Ben Sasse menace déjà de pousser les conservateurs à songer à une "
troisième option" de créer un nouveau parti. Un cas de figure qui assurerait à coup sûr un troisième mandat démocrate à la Maison-Blanche.
Au sein des républicains, qui n’ont plus connu un tel questionnement existentiel depuis la crise autour de l’ultra-conservateur Barry Goldwater en 1964, les partisans du "tout sauf Trump" sont déjà en train de préparer une offensive massive de publicité négative en Floride pour la primaire du 15 mars prochain. Leur espoir est de stopper le milliardaire new-yorkais et de l’empêcher d’obtenir les 1237 délégués nécessaires pour décrocher l’investiture. Dans un tel cas de figure, tout pourrait être négocié en coulisses lors de la convention de juillet. Avec un risque majeur : celui d’aliéner ceux qui soutiennent Trump et qui dope la participation aux primaires.
L’autre stratégie est celle proposée mardi soir par Ted Cruz : exhorter le sénateur Marco Rubio et le gouverneur d’Ohio John Kasich à se rallier derrière le Texan. Le scénario est très improbable tant Marco Rubio croit toujours à sa chance. La dernière option réside dans un ralliement à corps défendant de l’élite du parti pour faire barrage à Hillary Clinton si c’est elle qui devrait être la candidate choisie par le Parti démocrate. Le gouverneur Chris Christie et plusieurs autres républicains en vue ont déjà fait ce choix. Reste enfin l’option défaitiste : certains élus se résignent déjà à perdre la présidentielle 2016 afin de sauver le parti.
Une crise qui remonte au mandat de George W.Bush
Cette crise ne devrait surprendre personne. Elle couve depuis des années. En 2012, le choix du modéré Mitt Romney avait provoqué des débats sans fin sur l’âme du parti. Une fois la défaite du républicain de Boston consommée face à Barack Obama, l’élite du parti s’était juré qu’elle jetterait son dévolu à l’avenir sur un vrai conservateur. Dans le même temps, dans un rapport dit "d’autopsie", elle jugeait indispensable de tirer les leçons du cuisant échec de Romney et de s’ouvrir aux Hispaniques, un électorat qui compte de plus en plus.
Avant cet épisode, l’explosion des budgets fédéraux sous la présidence de George W. Bush a irrité les conservateurs. L’avènement du Tea Party en 2010 a fait des républicains un parti avant tout anti-Washington. Devenu leur principale stratégie, l’obstructionnisme a failli provoquer un défaut de paiement de l’Amérique en 2011 et a causé un "government shutdown" en 2013. En remportant une victoire historique par son ampleur aux élections de mi-mandat de 2014, les républicains promettaient d’assumer leur responsabilité de parti majoritaire après plusieurs années de blocage du Congrès. Or sous l’action du House Freedom Caucus, un groupe d’une quarantaine d’élus ultra-conservateurs, ils ont cédé au chantage des plus extrêmes et jusqu’au-boutistes.
Illustration de leur incapacité de prendre la mesure du moment : les sénateurs républicains ont répété mardi qu’ils refuseraient d’auditionner le moindre candidat proposé par Barack Obama pour remplacer le défunt Antonin Scalia à la Cour suprême. Le phénomène Trump n’a dès lors rien d’étonnant. Le New-Yorkais ne fait que mettre en évidence, de manière crue et souvent vulgaire, la faillite du parti. La convention de Cleveland risque de consacrer non pas l’unité du parti, mais son implosion.
Article à retrouver sur le site de notre partenaire
Le Temps.