Une instance sans précédent
Créé en juin 2007 par les Nations-Unies, le Tribunal spécial pour le Liban (T.S.L) est officiellement le fruit d’une demande de la République du Liban formulée après l’assassinat de Rafic Hariri en février 2005.
C'est une première mondiale (les cours spéciales ayant jusqu'alors à connaître des génocides ou des crimes contre l'humanité), a fortiori dans un pays où, de la guerre civile aux invasions en passant par les massacres de Sabra et Chatila, bien des massacres sont passés sans troubler à ce point la "communauté internationale".
Mais le TSL dispose à sa naissance de deux parrains de poids: la France en la personne de son président Jacques Chirac, soucieux ne pas laisser impuni le meurtre de son ami personnel Rafic Hariri, et surtout les États-Unis en quête, après l'invasion de l'Irak, d'un nouveau Moyen-Orient.
Pour tous, l’accusée implicite est alors la Syrie.
L’implication de Damas dans l’élimination de son ex-protégé devenu indocile et dans d’autres meurtres qui suivront ne fait guère de doute dans l’opinion occidentale comme dans celle des Libanais mobilisés dans le vaste mouvement regroupant la majorité des Chrétiens, des Sunnites et des Druzes.
Sans être totalement abandonnée, la piste syrienne s’émousse pourtant un peu au fil des ans et d’une instruction controversée, parsemée de faux témoignages et d’inculpations qui se révéleront fantaisistes.
DOUTES ET CONTROVERSES
Malgré les doutes sur la neutralité de l’enquête, celle-ci se poursuit avec un nouveau procureur et des moyens conséquents, aboutissant le 17 janvier dernier à la remise d’un acte d’accusation au contenu officiellement confidentiel mais dont on sait par de multiples fuites qu’il redirige l’accusation vers le Hezbollah, initialement pourtant peu mis en cause.
Un lien serait établi entre l’utilisation de téléphones portables de plusieurs de ses dirigeants et l’assassinat de Rafic Hariri en février 2005, et celui d’autres personnalités dans les mois suivants.
Anticipant cette mise en cause attendue, le Hezbollah a fait pression depuis des mois sur le Premier ministre Saad Hariri, fils de Rafic, pour qu'il désavoue le tribunal, ce que ce dernier a refusé de faire.
C’est ce différend sur le TSL qui a mené à la démission des ministres du Hezbollah et de ses alliés, provoquant l'effondrement de son gouvernement d'union.
Non loin de là
Une machine richement dotée
d'après AFP
La procédure pénale devant le TSL, qui siège aux Pays-Bas près de La Haye, est hybride. Elle s'inspire du système accusatoire en vigueur dans les autres tribunaux internationaux, mais aussi du système inquisitoire qui régit le droit libanais ou français.
Chaque partie, accusation et défense, doit ainsi rassembler des éléments de preuve, mais un juge de la mise en état examine et confirme les actes d'accusation.
Le magistrat peut également décerner des mandats d'arrêt ou des citations à comparaître. La peine maximale encourue est la réclusion à perpétuité. Les procès par défaut, en l'absence de l'accusé, sont autorisés sous certaines conditions.
Présidé par l'Italien Antonio Cassese, ancien président du Tribunal pénal international (TPI) pour l'ex-Yougoslavie, le TSL compte, outre le juge de la mise en état, le Belge Daniel Fransen, dix juges dont quatre sont libanais, et deux chambres, de première instance et d'appel.
Son procureur est le Canadien Daniel Bellemare qui avait dirigé la commission d'enquête indépendante des Nations unies sur l'attentat contre Rafic Hariri. Nommé comme les juges par le secrétaire général de l'ONU, le procureur est assisté d'un procureur adjoint libanais.
Le TSL est le premier tribunal international disposant d'un bureau de la défense, chargé de protéger les droits de celle-ci. Dirigé par l'avocat français François Roux, le bureau de la défense a sélectionné 94 avocats du monde entier : ils pourront être choisis par les accusés bénéficiant de l'aide légale.
Le TSL emploie 333 personnes originaires de 62 pays, dont une cinquantaine de Libanais. Sonbudget 2011 s'élève à 65,7 millions de dollars, financé à 49% par le Liban et à 51% par la communauté internationale.