Le Venezuela, théâtre d'une guerre d'influence entre Washington et Moscou

Le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo a affirmé que le président vénézuélien Nicolas Maduro était prêt à s'envoler mardi 30 avril pour Cuba, avant d'en être dissuadé par la Russie. Une déclaration qui révèle une fois de plus que la crise vénézuélienne est au cœur de rapports de force qui dépassent le pays.
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Venezuela affrontement
Le Venezuela de Nicolas Maduro cristallise les luttes de pouvoir entre Moscou et Washington.
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C’est une petite bombe qu’a lâchée le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo sur CNN mardi soir. Selon lui, le président vénézuélien Nicolas Maduro était prêt à s'envoler mardi matin en direction de La Havane pour y trouver refuge. "Il avait un avion sur le tarmac, il était prêt à partir ce matin, d'après nos informations, et les Russes lui ont dit de rester", a déclaré le chef de la diplomatie américaine.

L'information n’a pas été démentie par Moscou. Mike Pompeo n’a pas cité sa source, mais il a évoqué "de nombreux échanges" permettant à Washington d’avancer que "l’avion de Maduro était garé sur le tarmac, prêt à décoller".

Guerre psychologique

Quand le journaliste de CNN relance le secrétaire d'Etat américain pour savoir s'il a un message à faire passer au dirigeant socialiste, l'ancien patron de la CIA répond avec ironie : "Faites chauffer les moteurs" ; ajoutant que si "Nicolas Maduro ne part pas, les conséquences pour lui et ceux qui le protègent continueront à croître".

Via son mode d’expression préféré, Twitter, le président américain Donald Trump en a ajouté davantage en accusant Cuba d'être derrière le regain de tension au Venezuela.
"Si les troupes et les milices cubaines ne cessent pas immédiatement leurs opérations militaires et autres dans le but de causer le chaos et la destruction de la Constitution du Venezuela, un embargo total, avec les sanctions au plus haut-niveau, sera imposé à leur île. Espérons que tous les soldats cubains vont retourner sur leur île rapidement et pacifiquement!", a-t-il écrit sur le réseau social.

Après le regain de tension à Caracas ces derniers jours, le président vénézuélien a, lui, assuré que le "coup d'État a échoué" et que l’opposant Juan Guaidó "dirigeait personnellement" l'opération. Le but selon lui : des morts afin d’entraîner une intervention américaine.

Des déclarations et des menaces révélatrices de la tension plus que jamais palpable au Venezuela.


Main basse sur le pétrole

Tous les ingrédients de la guerre psychologique sont bel et bien réunis au Venezuela. La stratégie de tension américaine ne cesse de croître. Car depuis le 28 avril, les Etats-Unis accentuent encore un peu plus la pression sur Maduro pour venir à bout de son régime. Et pour y parvenir, ils ont ciblé un élément stratégique : le pétrole.

Avec l’embargo américain, Caracas ne peut plus vendre son or noir aux entreprises américaines, et les sociétés étrangères ne peuvent plus utiliser le système bancaire américain pour réaliser des transactions liées au pétrole vénézuélien.
 L’économie vénézuélienne dépend à 90 % de ses recettes pétrolières, et les États-Unis constituent l’un de ses tout premiers clients : 41% des exportations vénézuéliennes sont destinées aux Américains.   

L’économie du pays risque d’être davantage paralysée s’il n’y a plus d’entrée de dollars alors que la situation est déjà critique avec une baisse significative du prix du pétrole depuis 2016 ou encore avec une production de barils qui ne cesse de diminuer (en vingt ans, elle est passée de 3,1 millions de barils par jour à 960 000, dont seuls 760 000 barils sont exportés).

Bras de fer entre Washington et Moscou

Selon les estimations de certains économistes vénézuéliens, l’économie du pays devrait chuter de 36% suite à l’entrée en vigueur des sanctions contre le pétrole.

Une situation à laquelle Moscou n’a pas tardé à réagir par le biais de sa porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova : "Si Washington persiste dans sa politique d'ingérence dans les affaires intérieures du Venezuela, cela risque de déboucher sur un désastre".

Mais Moscou n'agit pas que par le biais de simples déclarations sur place. La présence militaire russe au Venezuela ne cesse de croître ces derniers temps. Le 28 mars deux avions militaires russes se sont posés à Caracas avec 99 militaires et 35 tonnes de matériel à bord. Un convoi qui, selon certaines sources, aurait pour mission de renforcer la protection du président Maduro. 

De nombreux observateurs occidentaux se souviennent d'un événement passé relativement inaperçu en décembre dernier : l'atterrissage d'une flotille russe dans la capitale vénézuélienne, constituée de deux bombardiers capables de transporter des têtes nucléaires et de deux avions de transport. Depuis lors, la rumeur court que 400 mercenaires russes de la société Wagner, qui s'est notamment illustrée en Syrie, agissent sur place. 

>> Pour aller plus loin, le décryptage de notre éditorialiste Slimane Zeghidour :

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