Le Vert Jürgen Trittin défenseur de la pédophilie ?

Coup de théâtre ce lundi 16 septembre à la Une du quotidien berlinois de gauche Tageszeitung. En 1981, le candidat des Verts, Jürgen Trittin, aurait donné son aval à un programme revendiquant la dépénalisation de la pédophilie. Comment la société allemande perçoit-elle ces accusations ? Quelles conséquences ces révélations ont-elles sur un parti écologiste déjà en perte de vitesse à quelques jours du scrutin du 22 septembre ? Eléments de réponse avec Pascal Thibaut, correspondant de RFI à Berlin depuis plus de vingt ans.
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Le Vert Jürgen Trittin défenseur de la pédophilie  ?
“Quand le passé éclipse l'avenir“Transition énergétique ? Equité fiscale ? A quelques jours des législatives, le programme des Verts n'intéresse plus. C'est l'aval donné voici des dizaines d'années à la légalisation des relations sexuelles avec des mineurs qui monopolise l'attention.
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Ces révélations sont-elles un coup bas de campagne ? Les liens entre les Verts et les milieux pédophiles dans les années 1980 ne sont pas une nouveauté. Ce n'est pas pour rien qu'au printemps, le parti écologiste allemand a chargé un politologue de Göttingen (Franz Walter de l'Institut de Recherche sur la Démocratie, lien en allemand, ndlr), la ville d'origine de Jürgen Trittin, d'explorer ces liens et de tirer l'affaire au clair. C'est ce même scientifique qui, en publiant ses recherches, a déclenché l'explosion dans la dernière ligne droite avant les élections, mettant en difficulté la tête de file d'un parti déjà en perte de vitesse. Indépendamment des accusations dont Trittin doit répondre, ces révélations soulèvent pas mal de questions. Tout d'abord un paradoxe, sachant que le politologue par qui le scandale est arrivé est rémunéré par les Verts. C'est un politologue avertit, qui écrit régulièrement des commentaires sur la vie politique et les partis. Même si les clauses de son contrat prévoient qu'il publie les éléments dès qu'il les trouve, il sait très bien qu'en publiant ce genre de choses à six jours du scrutin, elles seront lourdes de conséquences. Ensuite, le quotidien dans lequel a été publiée la tribune, le Tageszeitung (TAZ) de Berlin, est un quotidien alternatif plutôt proche des Verts. Il s'était vu reprocher, voici peu, d'avoir retenu un papier sur le même sujet, justement pour ne pas porter atteinte au crédit du parti écologiste. On peut se demander dans quelle mesure la direction du journal n'a pas, avant tout, voulu prouver qu'elle était bel et bien indépendante... Comment la société allemande perçoit-elle ces affaires ? Elle le voit avec le regard de 2013. Or il faut se replacer dans le contexte de l'époque et du terreau sociétal expérimental qui la caractérisait. Au début des années 1980, on a un parti écologiste très alternatif, en pleine période post-soixante-huitarde, où la libération sexuelle va très loin, jusqu'à une certaine tolérance pour les relations entre adultes et mineurs. Il est vrai que des groupes au sein ou proches du parti Vert ont défendu ces thèses, d'où sont issus certains élus. Il faut dire aussi que les jeunesses du parti libéral (FDP), à l'époque, avaient, elles aussi, exprimé une certaine tolérance pour ces idées. Par la suite, le parti a pris ses distances et les dérives pédophiles de certains ont été dénoncées. Mais il n'y a jamais eu d'excuses ou d'aggiorniamento complet. Et c'est justement le but de ces recherches, lancées au printemps, qui viennent d'être publiées. Quelle est la sensibilité allemande aux "coups bas" de campagne électorale ? Par rapport à la France, à l'Italie ou à d'autres pays méditerrannéens, les normes éthiques en Allemagne sont plus strictes. On a vu des gens mis en cause, voire démissionner, parce que leur femme de ménage était employée au noir ou que madame avait utilisé la voiture de fonction pour faire une course... Des choses qui feraient sourire en France. Voici peu, Peer Steinbrück s'est vu menacer de voir révéler qu'il avait employé une femme de ménage au noir pendant six mois, il y a quinze ans de cela, s'il ne retirait pas sa candidature - l'affaire s'est d'ailleurs dégonflée comme un ballon de baudruche.  Voilà qui montre que certains écarts, considérés comme véniels dans d'autres pays, peuvent être, en Allemagne, lourds de conséquences. On a ainsi vu la ministre de la Recherche et de l'Education, Annette Schavan, démissionner en début d'année pour des accusations de plagiat qui n'avaient pas une ampleur phénoménale et qui remontaient à trente ans. Il est vrai qu'en Allemagne, les titres ont une valeur symbolique importante en terme de prestige social ; ils font même partie de l'état civil. Aussi le plagiat est-il un point très sensible. Le plus ostentatoire étant celui de l'ancien ministre de la Défense Karl-Theodor zu Guttenberg, qui, lui aussi, a dû démissionner en 2011. Quelles conséquences électorales pour les Verts ? L'affaire défraie la chronique depuis la parution de l'article, avec une exploitation politique : les conservateurs attaquent les Verts et certains représentant de la CSU et de la CDU demandent à Jürgen Trittin de démissionner, ou au moins de mettre sa campagne en veilleuse. A l'inverse, on assiste à un mouvement de solidarité envers Trittin au sein de la gauche, c'est à dire son propre parti et le SDP. Or les Verts qui, voici quelques mois, avaient encore le vent en poupe avec 14% ou 15% sont en recul et ne sont plus qu'à 10 % en septembre, voire moins, puisqu'ils ont encore perdu du terrain lors des élections de dimanche 15 en Bavière. Il est certain que c'est un élément qui peut accélérer un déclin amorcé. Cette affaire tombe très mal pour eux.

A la Une du Tageszeitung (TAZ) du mardi 17 septembre 2013

A la Une du Tageszeitung (TAZ) du mardi 17 septembre 2013

Le précédent Cohn-Bendit

Le précédent Cohn-Bendit
Dans une autobiographie intitulée Grand Bazar, Daniel Cohn-Bendit décrivait ses expériences d'éducateur dans un jardin d'enfants en pleine période soixante-huitarde : "Il m'était arrivé plusieurs fois que certains gosses ouvrent ma braguette et commencent à me chatouiller. Je réagissais de manière différente selon les circonstances, mais leur désir me posait un problème. Je leur demandais : 'Pourquoi ne jouez-vous pas ensemble, pourquoi m'avez-vous choisi, moi, et pas d'autres gosses ?' Mais s'ils insistaient, je les caressais quand même." Dénoncée par la presse britannique, puis révélée en mars 2001 dans les médias français, l'affaire avait fait scandale et dérouté l'opinion publique. Daniel Cohn-Bendit s'était alors expliqué, replaçant dans leur contexte ses écrits et le caractère provocateur qu'ils revêtaient à l'époque. Aujourd'hui, il les trouve "irresponsables" et les regrette. Issu de la mouvance pacifiste et écologiste des années 1970, le parti des Verts, à ses débuts, était un "réservoir pour tous les courants et groupements possibles : défenseurs de l'environnement et pacifistes, défenseurs des droits des femmes et militants gay, maoïstes et trotskistes (Die Zeit)."  Daniel Cohn-Bendit, Jürgen Trittin et autres Joshka Fischer ont tous testé, expérimenté, pris des libertés et flirté avec des limites aujourd'hui inadmissibles. L'inspiration, beaucoup l'ont puisée en France, auprès de penseurs comme René Scherer ou Michel Foucault. Dans ces années-là, tous plaidaient pour une reconnaissance des sexualités que l'on appelait alors "périphériques".

Die Grünen (les Verts)

Die Grünen (les Verts)
Jürgen Trittin et Claudia Roth, candidats des Grünen
Alliés au SPD, Die Grünen, issus du mouvement pacifiste et écologiste en 1980, participent au gouvernement par intermittence depuis 1998, avec des personnalité comme Joshka Fischer. Touchés par l'émergence des Pirates et de la décision de Merkel de sortir du nucléaire, ils ne sont plus, aujourd'hui, crédités que de 10 % des intentions de vote. Reste que depuis la prestation réussie de Peer Steinbrück lors du débat du 1er septembre, les Grünen reprennent des couleurs à la perspective d'une coalition avec le SPD. Parmi les propositions des Grünen, la journée végétarienne dans les cantines a récemment créé la polémique.