L'écologie en France : Chantal Jouanno nous répond
Chantal Jouanno était l’invitée des Rencontres du Cercle des Européens le 25 juin dernier à Paris. La secrétaire d’État française chargée de l’écologie est revenue sur la politique de développement durable de la France et de l’Europe.
“Les engagements pris en matière d’écologie ne se concrétisent qu’à long terme“
Chantal Jouanno - Cercle des Européens - 25 juin 2010
L’écologie est supposée être un secteur créateur d’emplois. Mais la réalité est bien différente sur le terrain. L’éco-scepticisme n’est-il pas le résultat de cette déception ? Il faut savoir qu’en matière d’écologie, la concrétisation de nos engagements s’observe sur le long terme. En ce qui concerne le Grenelle de l’environnement (voir encadré ci-contre), les objectifs en termes d’emplois ne pourront être atteints qu’après une décennie par exemple, et la crise économique actuelle n’arrange pas forcément la situation sur le marché de l’emploi. L’application des lois françaises en matière d’écologie est extrêmement complexe. Le gouvernement ne doit-il pas proposer des orientations plus simples pour la protection de l’environnement ? C’est vrai qu’en France il y a un problème sur la mise en œuvre des lois concernant l’environnement. Je crois que la vraie question est de savoir comment nous pouvons rendre compte des engagements pris pour la protection de l’environnement. C’est au Parlement de nous proposer une démarche qui permette à l’avenir d’évaluer ces engagements, c’est du moins le rôle que lui a récemment confié le gouvernement. La politique environnementale de la France permet-elle d’éviter les catastrophes ? Cela dépend des circonstances : je prends le cas de la tempête Xynthia, la catastrophe qui a suivi était prévisible. De nombreuses habitations étaient situées dans une zone à risque. Il y a dans ce cas précis, une responsabilité collective des propriétaires de maisons et des autorités administratives qui ont autorisé ces constructions. (Ndlr : La tempête Xynthia a balayé plusieurs pays européens entre le 26 février et le 1er mars 2010, et plusieurs départements français : Aquitaine, Poitou-Charentes, Pays de la Loire, Bretagne et Normandie, causant un épisode de vents violents) A contrario, les inondations dans le Var ont été provoquées par un phénomène météorologique inhabituel. Ce sont des masses d'air chaud qui se chargent d'humidité au-dessus de la Méditerranée et éclatent en pluies torrentielles au-dessus de la côte. C’est un phénomène inévitable.
Éolienne - Wikicommons
La France pourrait-elle faire face à une catastrophe similaire à la marée noire dans le Golfe du Mexique ? Aucun pays n’est jamais suffisamment préparé à faire face à une telle catastrophe. En France, nous n’avons pas de dispositifs de forage en eau profonde semblable à celui du Golfe du Mexique. Mais je crains que les mesures de précaution qui existent ne suffisent plus pour prévenir une éventuelle catastrophe sur une plateforme pétrolière. Les multiples divergences au sein du couple franco-allemand ne freinent-ils pas les ambitions de l’Europe en matière d’écologie ? Les relations entre la France et l’Allemagne ont toujours connu des hauts et des bas, mais les deux pays ont toujours essayé de résoudre ensemble les problèmes qui se posent à l’Europe. Ils arrivent le plus souvent à trouver un compromis lorsque l’exigence de la situation l’impose. Les choses avancent malgré la différence des opinions, y compris dans le domaine de l’environnement.
Lotissement solaire à Freibourg (Allemagne) - Wikicommons
Avec quels moyens les États européens pourront-ils financer leurs politiques environnementales ? En France dès 2007, nous avons émis l’idée d’une taxe sur les transactions financières, qui n’a pas vu le jour. Nous avons estimé qu’une taxe, fût-elle minime, permettrait de financer nos ambitions en matière d’écologie. En France, la part de la fiscalité écologique dans la fiscalité nationale est très faible. Au niveau européen, les gouvernements ont proposé de modifier les fiscalités écologiques dans chaque pays, pour favoriser la mise sur pied d’une taxe carbone dont l’un des objectifs majeurs est de soumettre à la fiscalité certains secteurs d’activités en relation avec l’environnement -le secteur de la chimie par exemple-. Cette idée de contribution au carbone a été retenue, mais elle peine à être appliquée compte tenu du contexte économique. La France s’est par ailleurs engagée au niveau mondial à participer à hauteur de 800 millions d’euros au Fast Start, pour encourager les financements innovants (ndlr : Il a été convenu au sommet de Copenhague de créer un fond Fast Start de près de 30 milliards de dollars, sur la période 2010-2012, afin de financer les actions vouées à la protection de l’environnement dans les pays pauvres et les pays en développement). Propos recueillis par Christelle Magnout25 juin 2010
Biographie
Chantal Jouanno est depuis janvier 2009 la secrétaire d'État française chargée de l'écologie au ministère de l'Écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer. De nombreuses fois championne de France de karaté, elle est diplômée entre autres de Sciences Po Paris et de l'ENA. Elle devient conseillère de Nicolas Sarkozy en 2002, alors qu'il est ministre de l'Intérieur. Elle sera ensuite sa conseillère en communication au Conseil général des Hauts de Seine. En 2007, lorsque Sarkozy devient président, elle devient conseiller développement durable à l'Élysée et est notamment chargée des négociations du Grenelle Environnement.
Le Grenelle de l'environnement, qu'est-ce que c'est ?
L'Assemblée nationale française a adoptée le 29 juin 2010 la loi dite Grenelle 2 pour la protection de l'environnement. Principales mesures : -l’amélioration ou la construction de nouvelles infrastructures en faveurs des transports collectifs -l’amélioration de la performance énergétique des habitations, la construction d’au moins 500 éoliennes par an -la réduction de la consommation énergétique et la prévention des gaz à effet de serre. La loi Grenelle 2 confirme, consolide et concrétise les objectifs fixés par la loi Grenelle 1.
En France on parle des métiers de la croissance verte, pour désigner les emplois affectés au secteur de l’écologie et du développement durable. Les métiers concernés par la croissance verte sont classés en 11 filières : - Les transports - L’automobile - Les énergies renouvelables - Le traitement de l’eau et des déchets - Les métiers du bâtiment - L’agriculture et les forêts - Les systèmes éco-électriques - Le raffinage, les carburants et la chimie verte - Le tourisme - Les métiers de la mer - La biodiversité et les services écologiques La croissance verte est une initiative mise en place par le ministère de l’Écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, elle permettra de créer ou de sauver 600 000 emplois entre 2009 et 2020. Source :Ministère de l'Écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer