Légalisation du cannabis en France : les arguments économiques seront-ils entendus ?

En France, le débat sur la légalisation du cannabis est relancé après la publication d'un rapport du Conseil d'analyse économique. Chiffres à l'appui, ce groupe d'experts dépendant du Premier ministre propose une révolution culturelle après des décennies de répression. Il n'est pas évident que le gouvernement change de point de vue sur le sujet.
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Californie cannabis
Des plants de cannabis sous serre en Californie. L'Etat américain a légalisé leur usage, y compris récréatif.
© AP Photo/Richard Vogel
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Des chiffres. Beaucoup de chiffres. Et, derrière ces chiffres, ce qui ressemble à une révolution culturelle. Ils sont économistes et travaillent directement pour les services du Premier ministre. A leur tête, un homme proche du président Macron. C’est à leur initiative qu’ils se sont penchés sur la question du cannabis et leur conclusion est sans appel : “le système de prohibition promu par la France depuis 50 ans est un échec”.

Pour se justifier, le Conseil d’analyse économique brandit sa calculatrice. Chaque année, l’Etat français dépense près de 570 millions d’euros contre le cannabis. Sur 10 euros dépensés, 7 vont à la répression, 2 à la justice. Le dernier euro sert à la prévention, les soins et la recherche. En face de cela, un constat : malgré sa législation prohibitive, la France est le pays d’Europe où l’on consomme le plus.

Le Conseil d’analyse économique considère donc que, “pour reprendre le contrôle” face à l’échec de la répression, il faudrait légaliser la production et la consommation.

Concrètement, s’inspirant de ce qui se fait au Canada ou en Uruguay, le CAE suggère une "gestion étatique centralisée". Il s’agirait de délivrer des licences à des "producteurs et distributeurs agréés", comme pour le tabac. Le cannabis serait vendu dans des boutiques spécialisées, interdites aux mineurs et plus faciles à surveiller.
La note recommande un prix final de neuf euros pour un gramme d'herbe, contre environ 11 euros actuellement dans la rue.

Un débat ouvert... et immédiatement refermé

Et les économistes de Matignon ressortent leur calculatrice : une légalisation pourrait, selon eux, créer entre 27.500 et 80.000 emplois. L’Etat empocherait de 2 à 2,8 milliards d'euros de recettes fiscales qui, pour le CAE, devrait être réinvesti dans les quartiers sensibles, la prévention et la lutte contre le trafic.

L’un des auteurs de l’étude explique à l’AFP que ce travail est surtout destiné à “ouvrir le débat”. Un débat semble-t-il déjà refermé puisque le cabinet du Premier ministre a fait savoir que “le gouvernement restait clairement opposé à la légalisation du cannabis”.

“La France est à la traîne”

Anciens ministres, médecins, élus locaux… Parallèlement à l’initiative du Conseil d’analyse économique, un collectif de 50 personnalités lance cette semaine, dans l’hebdomadaire l’Obs, un appel à la légalisation. Le texte intitulé “pourquoi nous voulons légaliser le cannabis” brandit quelques statistiques. “De 18 à 64 ans, un Français sur deux a déjà expérimenté le cannabis, et un adulte sur neuf est un usager régulier. A 17 ans, 48 % des jeunes en ont déjà pris. Au même âge, presque un sur dix en est un usager régulier et un sur douze est estimé dépendant ou souffrant d’un usage problématique”.
Le texte rappelle au passage que le cannabis tue moins que l’alcool et la cigarette, parfaitement légaux. 

Et ailleurs ?