Législatives en Israël : Benjamin Netanyahu de retour au pouvoir ?

Les Israéliens à nouveau aux urnes pour des élections législatives ce mardi 1er novembre. En toile de fond de la campagne, une grande question: l'ex-Premier ministre Benjamin Netanyahu, jugé pour corruption, peut-il revenir au pouvoir ? Ces élections, les cinquièmes en moins de quatre ans, auront lieu, cette fois, sur fond de poussée de l'extrême droite et de division du vote arabe. Retour sur les enjeux qui se dessinent en Israël. 

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Elections législatives Israël
Un ultra-orthodoxe devant un panneau d'affichage de la campagne électorale montrant Itamar Ben-Gvir, député d'extrême droite israélien et chef du parti "Sionisme religieux", à Bnei Brak, en Israël, le lundi 24 octobre 2022.
©AP Photo/Oded Balilty
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Si Benjamin Netanyahu a livré ses dernières batailles électorales avec la casquette de "Rosh HaMemshela" ("Premier ministre" en français), il monte cette fois sur le ring en position de leader de l'opposition face au chef du gouvernement sortant, Yaïr Lapid.

Les derniers sondages placent encore et toujours le Likoud de Benjamin Netanyahu en pole position avec un peu plus d'une trentaine de sièges sur les 120 de la Knesset, le Parlement, devant la formation Yesh Atid ("Il y a un futur") de Yaïr Lapid qui progresse au point d'être créditée de 24 à 27 sièges.

Suivent derrière une dizaine de partis dont les résultats seront cruciaux pour la formation possible d'un gouvernement, notamment pour Benjamin Netanyahu qui dit chercher à réunir 61 sièges, seuil de la majorité, avec l'appui des formations ultra-orthodoxes et de l'extrême droite.

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L'alliance d'extrême droite de Bezalel Smotrich et d'Itamar Ben Gvir avait récolté six sièges lors des élections de 2021, mais est créditée aujourd'hui d'environ 14 députés selon les sondages, qui place désormais "Sionisme religieux" en troisième place de l'échiquier politique.

Les ultra-orthodoxes, des alliés clés pour Benjamin Netanyahu


En croissance démographique, les ultra-orthodoxes forment aujourd'hui 13% de la population et, suivant les consignes de leurs rabbins, ils se rendent massivement aux urnes ce qui confère à leurs deux partis une quinzaine de sièges, essentiels à tout retour au pouvoir de Benjamin Netanyahu, qui a dirigé le pays de 1996 à 1999 et de 2009 à 2021.

Un soutien sans faille ? 

Depuis une quinzaine d'années, les deux partis ultra-orthodoxes, Judaïsme unifié de la Torah (ashkénaze) et Shass (séfarade), se sont rangés aux côtés du Likoud de Benjamin Netanyahu au point d'être considérés comme ses alliés naturels.

Mais ces partis vivent mal leur relégation sur les bancs de l'opposition à la suite des élections de 2021 qui avaient abouti à la formation d'une coalition bigarrée, aujourd'hui menée par le Premier ministre Yaïr Lapid.

Si les ultra-orthodoxes jugent Yaïr Lapid trop laïc, ils pourraient toutefois être tentés, si leur bloc avec le Likoud et l'extrême droite ne parvient pas à rallier une majorité de 61 députés, de joindre une coalition dirigée par le ministre de la Défense Benny Gantz à la tête d'une formation de centre-droit, estiment des analystes.

Vers la majorité ? 

En réunissant ces voix, Benjamin Netanyahu flirte avec le seuil de la majorité sans toutefois l'atteindre ou la dépasser, notent les baromètres commandés par les médias israéliens.

Ex-journaliste vedette, Yaïr Lapid avait rassemblé l'an dernier un ensemble hétéroclite de partis hostiles à Benjamin Netanyahu et chassé du pouvoir ce Premier ministre le plus pérenne de l'histoire d'Israël, qui a dirigé les gouvernements 1996 à 1999 et de 2009 à 2021.

Aujourd'hui, cette coalition bigarrée reste à cinq ou six sièges du seuil de la majorité et devra ratisser encore plus large si elle veut rester au pouvoir. "Lapid sait qu'il ne peut pas atteindre directement 61 députés, alors son but est que Netanyahu n'y arrive pas de son côté avec ses alliés", confie à l'AFP un de ses proches. "Lapid dit être le seul à pouvoir réunir le vote anti-Netanyahu. Son but est de faire accroître le soutien à son parti, mais il doit s'assurer aussi que ses partenaires éventuels atteignent le seuil d'éligibilité", note Gayil Talshir, professeur de sciences politiques à l'Université hébraïque de Jérusalem.

"Fatigue absolue" des électeurs 

Dans le système proportionnel en vigueur en Israël, les partis doivent obtenir un minimum de 3,25% des suffrages pour faire élire des députés (soit un minimum de quatre). Or, plusieurs partis oscillent autour de ce seuil. Leur capacité à l'atteindre ou à le dépasser est intimement liée au taux de participation à ce nouveau cycle électoral.
En dépit d'une "fatigue absolue" des électeurs, l'analyste politique Dahlia Scheindlin s'attend à une participation encore élevée au scrutin qui pourrait sceller le sort politique de Benjamin Netanyahu et de son projet de gouvernement avec l'extrême droite.

Si les électeurs "n'ont pas changé de manière significative au cours des derniers cycles électoraux", le jeu des alliances lui pourrait changer, selon le résultat de chacun, dit-elle à l'AFP.

Les partis arabes dispersés

Pour ces élections, les partis arabes, plus hostiles à l'égard de Benjamin Netanyahu se présentent en ordre dispersé, en trois blocs, d'où le risque que certains d'entre eux ne franchissent pas le seuil d'éligibilité."Il est clair que les partis arabes traversent une crise interne", explique à l'AFP Mansour Abbas, chef de la formation Raam qui était devenue l'an dernier la première formation arabe de l'histoire d'Israël à soutenir la coalition sortante de Yaïr Lapid.

Une nouvelle politique arabe en Israël

Chef de file d'un parti islamiste modéré, Mansour Abbas est devenu un pionnier en Israël l'an dernier, lorsqu'il a signé un accord de coalition soutenant un gouvernement hétéroclite réunissant droite, centre et gauche israélienne. Un peu plus d'un an plus tard, ladite coalition est tombée et les Israéliens sont appelés à voter pour leurs cinquièmes législatives en trois ans et demi. Mais à quelques jours du scrutin, la confiance de Mansour Abbas, fort de son "expérience novatrice", n'est en rien entamée.

La dernière fois qu'un parti arabe israélien avait soutenu -sans toutefois y participer- un gouvernement remonte à 1992, à l'époque du gouvernement du travailliste Yitzhak Rabin. Cette fois la formation Raam de Mansour Abbas a officiellement signé un accord de coalition, sans participer directement au cabinet.

Ce soutien au gouvernement, mené d'abord par Naftali Bennett (droite radicale) puis Yaïr Lapid (centre), lui a permis d'obtenir des promesses de milliards de dollars pour l'importante minorité arabe d'Israël, composée des descendants de Palestiniens restés sur leurs terres à la création de l'État israélien en 1948.

Mais elle a aussi ouvert la voie à une scission parmi les dirigeants arabes et la communauté au sens large, certains Arabes israéliens considérant ce soutien comme une trahison.

S'il parvient à réunir une majorité de 61 sièges, Netanyahu, qui a publié ses mémoires deux semaines avant le scrutin, pourrait tenter de se faire voter une immunité par le Parlement. Mais sinon, il "pourrait négocier une peine avec la justice", note Gayil Talshir. "Et avec la publication de ses mémoires, c'est comme s'il préparait le terrain à son départ".