Législatives françaises : le spectre de l'extrême droite vu par la presse africaine

Selon la presse africaine, les élections législatives françaises des 30 juin et 7 juillet suscitent une certaine inquiétude face à la perspective de l'arrivée de l'extrême droite au pouvoir en France, avec un risque de fracture de la société française.

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Benjamin BOULY RAMES / AFPTV / AFP
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La France est-elle menacée de chaos politique et social lors des élections législatives du 30 juin et du 7 juillet ? Pour le quotidien algérien francophone El Watan, il y a péril en cas de victoire de l'extrême droite en France sous la bannière du Rassemblement national de Marine Le Pen et Jordan Bardella. "Cela amènerait l'extrême droite à mettre en œuvre immédiatement son programme de repli sur soi et de restriction des acquis démocratiques." 

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Le RN et son "plan anti-étrangers"

Les musulmans sont la cible principale de "son plan anti-étrangers", selon un éditorialiste d'El Watan. "Ces derniers (les musulmans) sont régulièrement opposés aux Français dits de «souche», même s’ils sont nés en France ou devenus français par naturalisation. Leur culture, leurs habitudes culturelles et sociétales, leur habillement et leurs croyances religieuses sont diabolisés. L’ancrage civilisationnel arabo-musulman est constamment mis en opposition à la civilisation judéo-chrétienne par le biais de raccourcis saisissants et gravissimes."

Dans un autre éditorial daté du 27 juin, le quotidien algérien El Watan ne voit les législatives françaises que sous le prisme de la guerre à Gaza. A cet égard, il se range derrière La France Insoumise (LFI), le parti de Jean-Luc Mélenchon, "qui, dès le 7 octobre, n’a pas hurlé avec les loups qui légitiment les massacres commis par l’armée israélienne à Gaza. Ce fut la seule formation politique à saisir la nature coloniale du conflit israélo-palestinien et à la dénoncer en tant que telle." 

Les enjeux de ce vote promettent d'être historiques pouvant redéfinir l'avenir de l'Europe tout entière et ses valeurs fondamentales.  Khémaïs Gharbi dans Kapitalis

Dans le média en ligne tunisien Kapitalis, l'écrivain et traducteur Khémaïs Gharbi perçoit le scrutin législatif en France comme crucial face à la perspective d'accès au pouvoir du Rassemblement national. "Les enjeux de ce vote promettent d'être historiques pouvant redéfinir l'avenir de l'Europe toute entière et ses valeurs fondamentales". 

Pour cet auteur, "il est essentiel de reconnaître que la nation française s'est construite et enrichie à travers des vagues successives d'immigration. En effet, on estime qu'environ un tiers de la population française, soit près de 19 millions de personnes, a au moins un parent d'origine étrangère. Ce syncrétisme culturel et ce métissage social ont forgé l'identité de la France, en lui apportant une diversité sans pareil".

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Et de conclure "il est donc indéniable que l'unité dans la diversité a été un moteur essentiel de l'identité nationale française, en faisant de la France un creuset de civilisations et un exemple de coexistence harmonieuse. C'est l'avenir de cette France là qui est aujourd'hui menacée par la montée de l'extrême droite xénophobe et raciste".

Dans l'Express de l'Île Maurice, l'éditorialiste Nad Sivamaren déplore l'absence de compromis politique. "Regardez vers la France, le pays qui avait voté pour le changement, en portant au pouvoir le jeune Macron, qui, souvenez-vous, n’était ni à gauche, ni à droite, mais au centre. Aujourd’hui tout le monde est désillusionné, y compris lui-même, au centre de tout et de rien." 

Binationaux et candidats à la députation d'origine étrangère 

Les pays étrangers sont aussi un terrain de la campagne des élections législatives, comme Madagascar qui fait partie  de la 10e circonscription des Français de l’étranger avec ces 49 pays, précise l'Express de Madagascar

Une candidate du Nouveau Front Populaire, suivie par le journal malgache, la coalition de gauche et écologiste française, est venue à Madagascar où vivent plus de seize mille Français, dont près d’un tiers sont franco-malgaches, pour les mobiliser sur le principal enjeu, selon elle, des législatives françaises : "empêcher le Rassemblement National d’obtenir la majorité à l’Assemblée nationale". "Cette candidate de 42 ans, mère de deux enfants binationaux, prône une politique protégeant les binationaux. Pour elle, ces personnes n’ont pas à choisir une seule nationalité. Elle prend l’exemple de ses enfants qui sont, selon elle, « des Français à 100% et Algériens à 100% ». C’est même cette diversité qui rend la France riche".

A Madagascar, la Gazette de la Grande Île observe que "deux Français d’origine malagasy" sont candidats à la députation en France. "Dorette Landerer Randriamanampisoa (notez l’absence du nom malagasy sur l’affichage), infirmière, épouse d’un boulanger, est candidate du Rassemblement National du côté d’Antibes. Dera Ratsiajetsinimaro, commercial aux Assurances AXA, est candidat LR (Les Républicains) en Alsace." 

Et le journal de leur témoigner son soutien. "Souhaitons à ces Malagasy engagés, quelle que soient leurs convictions, d’être élus. Ne serait-ce que le temps d’une mandature comme Aina Kuric l’avait été en 2017 pour le compte de La République en Marche", le parti du président Macron. 

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Mais toutes les étiquettes politiques ne se valent pas pour Tunisie Numérique qui cite le cas d'une candidate à la députation "d'origine arabe". Elle se présente "sous la bannière de l’union entre la droite d’Éric Ciotti et le Rassemblement national (RN). Et comme on pouvait s’y attendre beaucoup n’ont pas aimé…"

Le média tunisien en ligne rapporte que "la jeune femme a essuyé un déluge d’injures racistes, des injures racistes débitées parfois par des citoyens d’origine étrangère, un comble". 

Et Tunisie Numérique de conclure : "Elle a fait un choix courageux mais ô combien difficile, kafkaïen ; porter les couleurs de l’extrême droite. Pour un “Arabe” ça ne passera jamais, parce que justement le RN n’est pas et ne sera jamais un parti comme les autres…"

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