Fil d'Ariane
Jusquà 30.000 enfants ont été retirés à leur mère entre 1945 et 1980. Après de nouveaux témoignages, les évêques de Belgique ont renouvelé leurs excuses et promis une enquête sur ces adoptions forcées accomplies avec la complicité de religieuses.
L'église Saint-Catherine à Bruxelles, 2020. (image d'illustration)
"On veut répéter les excuses présentées en 2015 et qu'enfin soit mise en oeuvre une enquête externe pour déterminer les responsabilités réelles", a déclaré ce 15 décembre à l'AFP le porte-parole de la conférence épiscopale, Tommy Scholtès.
Le média flamand Het Laatste Nieuws (HLN) a publié cette semaine de nouveaux témoignages de femmes contraintes d'abandonner leur bébé à la naissance, et d'anciens enfants adoptés, parfois toujours à la recherche de leurs origines, affirmant avoir été "vendus" par l'Église à leur famille d'adoption.
Le 14 décembre, à la Chambre, une députée flamande, Yngvild Ingels, a raconté la voix étranglée par l'émotion son expérience d'enfant "née sans filiation connue", en 1979, dans un couvent du nord de la France.
Le média HLN estime que jusqu'à 30.000 enfants auraient ainsi été retirés à leur mère en Belgique, entre 1945 et les années 1980. Ce que l'Église catholique n'est pas en mesure de confirmer. "Ce chiffre, nous n'en savons rien", dit le père Scholtès.
La pratique concernait la plupart du temps des jeunes femmes non mariées, parfois victimes de viol ou d'inceste, dont les parents voulaient cacher la grossesse. Ces derniers se mettaient en contact avec des ordres religieux eux-mêmes en lien avec des familles en attente d'adoption.
Dans l'un des témoignages recueillis par HLN, une sexagénaire raconte qu'en 1982, alors enceinte à l'âge de 23 ans, des religieuses pour lesquelles elle travaillait l'ont elles-mêmes emmenée à l'hôpital pour l'accouchement.
Ce jour-là, au moment de donner naissance à son bébé, elle a aussi subi sous anesthésie "une stérilisation forcée". Et n'a jamais pu voir sa petite fille, "vendue" à d'autres parents pour plusieurs dizaines de milliers de francs belges (plusieurs centaines d'euros, ndlr).
"Parler d'enfants achetés, nous n'acceptons pas l'expression", a contesté le porte-parole des évêques. "Les familles en attente d'adoption remerciaient les religieuses quand elles recevaient l'enfant (...), elles contribuaient financièrement au fonctionnement des communautés religieuses".
Ce scandale avait déjà fait les gros titres en Belgique en 2014-2015, lors d'une série d'auditions devant le parlement régional flamand. Il était alors question de milliers d'adoptions forcées pendant les décennies de l'après-guerre.
Selon le porte-parole Scholtès, les évêques avaient déjà exprimé à l'époque leur souhait qu'une enquête soit menée par les services de l'enfance en Flandre (l'administration "Kind en Gezin"), sur la base des archives des communautés religieuses accueillant de futures mères. "La demande est restée lettre morte", déplore le porte-parole.