L'Égypte réduit l'éclairage pour accroître ses réserves de change

Pour faire face à la crise économique provoquée par la guerre en Ukraine, l'Égypte va réduire l'éclairage public. Objectif : libérer de l'énergie et exporter davantage de gaz, afin d'augmenter ses réserves de change. 
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rues de caire nuit éclairage covid
Rues cairoises à la nuit tombée pendant le confinement de la population lié à la pandémie de Covid-19. Le Caire, Égypte - 29 mars 2020.
AP/Nariman El-Mofty
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L'invasion de l'Ukraine par la Russie il y a six mois a eu un impact immédiat sur l'Égypte. Le plus grand importateur de blé au monde dépend de ces deux pays de l'ex-URSS pour plus de 80% de ses céréales. 

Le secteur du tourisme, vital pour l'Égypte, a également été touché par le conflit, réduisant le flux de vacanciers dans un pays qui souffre encore de la révolution de 2011 et de la pandémie de Covid-19. Ces trois derniers mois, la croissance a plafonné à 3,2%, contre 7,7% il y a un an. 

Pour compenser, le Premier ministre, Mostafa al-Madbouly, a décidé de réduire l'éclairage public. Même la célèbre place Tahrir du Caire sera bientôt plongée dans le noir, a-t-il dit. Cette mesure fait l'objet de critiques. "Les lampadaires restent allumés la journée alors que pour nous, les factures ne font qu'augmenter", se lamente un Cairote trentenaire qui préfère taire son nom. 

 "La valeur de la livre égyptienne est artificiellement élevée”

Pour le gouvernement, l'objectif est de "réduire de 15% la quantité de gaz naturel envoyé dans les centrales électriques sur un an" pour les exporter contre des dollars. Car si l'Égypte est devenue auto-suffisante en gaz en 2018, économisant chaque mois 220 millions de dollars d'importations, elle veut maintenant devenir un exportateur de poids.
 
Depuis une semaine, les banques ne peuvent plus fournir les importateurs en dollars.
 Hani Genena, économiste.
Mais pour l'économiste Hani Genena, le problème vient d'ailleurs. "La valeur de la livre égyptienne est artificiellement élevée, cela force (l'État) à emprunter à l'étranger et fait courir le risque de se retrouver dans l'impasse au moment du remboursement", explique-t-il à l'AFP. Déjà, prévient-il, "depuis une semaine, les banques ne peuvent plus fournir les importateurs en dollars". 

Car les réserves en devises ne sont plus que de 33,1 milliards de dollars aujourd'hui, contre 41 milliards en février. Alors que Le Caire réclame pour la quatrième fois en six ans un prêt au FMI, il "faut accélérer les négociations", plaide M. Genena. 
 
egypte scène de rue
Pendant le ramadan en Égypte, une habitante de Caire, Dalal Abdel-Qader, aussi appelée Hajjah Dalal, a pris l'habitude de réveiller son voisinnage pour célébrer le suhur. Le Caire, 12 juin 2017.
AP/Amr Nabil

Le patron de la banque centrale démissionne 

D'ici six semaines, l'Égypte "doit mener des réformes dures sur le court terme mais qui permettront de récupérer des dollars", affirme le spécialiste. La première doit être d'"abaisser le taux de change à 25 livres pour un dollar d'ici fin 2024" contre 19,1 aujourd'hui. Une mesure d’urgence afin d'"éviter un déséquilibre extérieur", c'est-à-dire encore moins de devises, explique à l'AFP James Swanston, de Capital Economics. 

En 2016 déjà, l'Égypte avait décroché un prêt de 12 milliards de dollars du FMI en échange d'une dévaluation brutale et de mesures d'austérité. Puis, en 2020, deux autres de 5,4 et 2,8 milliards de dollars. Cette fois-ci, elle négocie pour obtenir encore plus, alors que deux tiers des 103 millions d'Egyptiens vivent sous le seuil de pauvreté ou sont en passe d'y plonger. 

Selon des médias locaux, c'est justement sur la dévaluation qu'achoppent les négociations avec le FMI. Citant des banquiers anonymes, ils assurent que c'est pour cela que le patron de la Banque centrale, Tareq Amer, a récemment démissionné. Le lendemain, il était remplacé par Hassan Abdallah, un ancien haut cadre du parti de l'ancien président, Hosni Moubarak, renversé par la "révolution" de 2011. 
 
hosni mubarak 2010
Hosni Mubarak, président de l'Égypte de 1981 à 2011. Sur cette photo d'archive, il assiste à une conférence de presse aux côtés de l'ancienne dirigeante allemande Angela Merkel, qui ne figure pas sur la photo. Berlin, Allemagne - 4 mars 2010
AP/Markus Schreiber

"14,6 milliards d'investissements étrangers ont quitté l'Égypte au premier trimestre"

Pour Capital Economics, la prolongation des discussions avec le FMI "est sûrement le signe que certains responsables préfèrent compter sur les riches monarchies du Golfe plutôt que d'appliquer les programmes du FMI". Ces derniers mois, l'Arabie saoudite et le Qatar ont annoncé des milliards d'investissements en Égypte et Ryad a même déposé fin mars cinq milliards de dollars à la Banque centrale égyptienne. 

Mais cela n'a pas pu empêcher la fonte des réserves, juguler une inflation à 14,6% ou encore alléger une dette publique de 90% du PIB. Car en face, "14,6 milliards d'investissements étrangers ont quitté l'Égypte au premier trimestre", rapporte la Banque centrale, à cause de l'"inquiétude des investisseurs après la guerre en Ukraine". En attendant l'argent du gaz, le gouvernement a déjà débloqué 312 millions de dollars pour aider les neuf millions de familles les plus pauvres pendant six mois.
 
Je rentre dans mon village dans le Sud tous les 40 ou 50 jours et je n'ai que 600 livres à offrir à ma famille. Qu'est-ce qu'ils peuvent faire avec ça ?
Mahmoud al-Saïdi, commerçant ambulant égyptien installé au Caire.
Mahmoud al-Saïdi, commerçant ambulant au Caire, lui, n'a plus aucune économie, étranglé par le coût de la vie. "Je rentre dans mon village dans le Sud tous les 40 ou 50 jours et je n'ai que 600 livres à offrir à ma famille", soit environ 30 euros, dit-il à l'AFP: "Qu'est-ce qu'ils peuvent faire avec ça?".